France : les importations font doubler l’empreinte carbone

Le Haut conseil pour le climat (HCC), lancé par Emmanuel Macron en novembre 2018 pour apporter un éclairage scientifique sur la politique gouvernementale en matière de climat, distingue trois types d’émission de gaz à effet de serre (GES) :

• les émissions exportées, émises sur le territoire français pour la production de biens et services à destination de l’étranger ;

• les émissions importées, générées à l’étranger pour la production de biens et services importés en France ;

• les émissions liées aux transports internationaux, avec le trafic maritime et aérien.

Stagnation de l’empreinte carbone

Pour les émissions exportées, pas de problème : la France s’engage à réduire de 40 % ses émissions de GES d’ici à 2030 par rapport à 1990, en les comptabilisant. Il en va différemment pour nos émissions importées et celles liées aux transports internationaux. « Elles ne sont pas prises en compte dans les inventaires nationaux de gaz à effet de serre que les pays doivent reporter aux Nations-Unies. Dès lors, elles sont exclues du périmètre des engagements climatiques des États », précise Corinne Le Quéré, présidente du HCC.

En 2018, l’empreinte carbone totale de la France s’élevait à 749 mégatonnes équivalent CO2, soit 11,5 tonnes eqCO2 par habitant mais seules 53 % avaient été émises sur le territoire national. Les dynamiques des trois types d’émissions divergent. En France, nos émissions domestiques, correspondant aux émissions directes des ménages — principalement le chauffage et l’utilisation de l’automobile — ainsi qu’aux émissions de la production intérieure hors exportations, ont baissé depuis 1995.

Malgré tout, « l’empreinte carbone totale stagne globalement depuis 1995 », rappelle Corinne Le Quéré. Quelles en sont les explications ? « Près de la moitié des émissions liées à la production des biens et services consommées en France ont été générées à l’extérieur de notre territoire. Dont 37 % hors Union européenne (UE), principalement en Asie. Ces émissions sont liées à la production d’équipements électroniques et électriques, aux travaux de construction, au raffinage, à l’agro-alimentaire, etc. », précise-t-elle.

Neutralité carbone, comment l’atteindre ?

Au total, seul environ un quart de nos importations est originaire d’une région qui s’est engagée à la neutralité carbone précise le HCC. D’où des préconisations :

• instaurer une taxe carbone aux frontières pourrait être une solution, mais les entreprises françaises dénoncent une perte potentielle de compétitivité ;

• la présidente du HCC penche davantage sur l’adaptation des stratégies industrielles en France, qui pourrait se traduire par le renforcement de la Loi Pacte de mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises françaises. « Cette loi évoque déjà la nécessité pour celles-ci de tenir compte des enjeux environnementaux. On pourrait préciser les choses, avec des obligations plus fermes afin qu’elles réduisent les émissions carbones liées à leur chaîne d’approvisionnement. L’État pourrait aussi jouer un rôle incitatif en ce sens via les commandes publiques », estime Corinne Le Quéré ;

• le HCC préconise également une meilleure information des ménages sur l’empreinte carbone des produits qu’ils consomment avec l’instauration d’un « score carbone » affiché sur les étiquettes des produits ;

• enfin, dernier levier identifié : que la France incite les autres pays à renforcer leurs engagements climatiques dans le cadre de l’Accord de Paris. « C’est déjà ce que fait la France et il faut poursuivre dans ce sens. Car si les autres pays ont une trajectoire de réduction des émissions, les émissions liées à nos importations diminueront automatiquement », note Corinne Le Quéré.