Changement climatique : identifier les risques financiers

Responsabilité sociale - Le changement climatique représente un facteur de risque supplémentaire pour les actifs physiques. Comment prendre en compte cette variable pour améliorer la résilience de son portefeuille ? Isabelle Mateos y Lago, Directrice Générale et Stratège en chef Gestion diversifiée chez BlackRock Investment Institute, partage son analyse.

La récente série de phénomènes météorologiques extrêmes — ouragans, incendies de forêt aux États-Unis, vagues de chaleur en Europe — a mis en lumière les risques dûs au changement climatique. Les risques liés au climat qui affectent les portefeuilles étaient jusqu’ici difficiles à identifier. Les progrès de la climatologie et de la science des données nous permettent maintenant d’évaluer ces risques financiers, et ceci à un niveau localisé.

Des risques physiques asymétriques aux Etats-Unis

Il est aujourd’hui possible d’analyser les risques physiques directs — tels que les probabilités d’inondations et d’ouragans aux États-Unis — à un niveau granulaire. Des chercheurs de BlackRock ont ainsi utilisé des données du groupe Rhodium pour évaluer les potentiels dommages financiers directs de ces risques, ainsi que les effets indirects tels que les conséquences de la hausse des températures moyennes sur les rendements des cultures ou sur la productivité du travail.

La carte thermique ci-dessous montre les évolutions projetées de l’activité économique régionale, dans un scénario où aucune action ne serait entreprise en faveur du climat, avec une utilisation continue des énergies fossiles. Les risques sont asymétriques. Selon nos estimations, environ 58 % des régions continentales américaines subiraient des pertes probables équivalant à 1 % ou plus de leur produit intérieur brut d’ici 2080, alors que moins de 1 % d’entre elles bénéficieraient de gains d’ampleur similaire. Dans les zones qui auraient le plus à perdre, l’Arizona, le golfe du Mexique et la côte de la Floride arrivent en tête.

Sources : BlackRock Investment Institute, données du Groupe Rhodium, mars 2019.  
Impact prévu sur le PIB entre 2060-2080 sur les aires métropolitaines américaines dans le cadre d’un scénario « d’absence d’action climatique ».

Vers une vulnérabilité accrue des actifs physiques

Les pertes potentielles dues au changement climatique sont peu prises en compte. Des actions décisives visant à réduire les émissions de carbone pourraient limiter les dommages. Cependant, les vulnérabilités révélées notre recherche évolutive — conduite par les équipes mondiales d’investissement durable et de titres obligataires de BlackRock — peuvent aider les investisseurs à maîtriser les risques physiques liés au climat.

Ces risques sont particulièrement pertinents pour les actifs physiques ayant une longue durée de vie. C’est la raison pour laquelle la recherche menée par BlackRock s’est d’abord concentrée sur trois secteurs dotés d’actifs de long terme, pouvant être localisés avec précision : les obligations municipales, les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales (CMBS) et les compagnies d’électricité aux États-Unis.

Nos premières conclusions indiquent que les investisseurs doivent revoir leur façon d’évaluer les vulnérabilités. Les risques liés au climat menacent déjà les portefeuilles et ils sont voués à croître. Prenons l’exemple de leur impact potentiel sur la solvabilité des émetteurs d’obligations municipales américaines. Nos recherches montrent qu’une part croissante des émissions sur ce marché — qui représente 3 800 Md USD — devrait provenir de régions confrontées à des pertes économiques liées au climat.

Quelles conséquences pour l’investissement ?

D’ici dix ans, plus de 15 % en valeur de marché de l’indice actuel S&P National Municipal Bond Index pourrait ainsi provenir de régions américaines qui subiront potentiellement des pertes annualisées moyennes dues au changement climatique de l’ordre de 0,5 % à 1 % de leur PIB. Le risque climatique est également une préoccupation croissante pour les détenteurs de CMBS.

À titre d’illustration, nous avons superposé la modélisation des ouragans réalisée par Rhodium aux quelque 60 000 biens commerciaux de la base de données exclusive CMBS de BlackRock. Nous avons constaté que le risque médian qu’un ouragan de catégorie 4 ou 5 s’abatte sur l’un de ces biens avait augmenté de 137 % depuis 1980.

Enfin, nous avons évalué l’exposition au risque climatique de 269 entreprises publiques américaines cotées en bourse, en fonction de l’emplacement de leurs usines, de leurs biens fonciers et de leurs équipements. Nous avons au total pu dresser un constat majeur : la vulnérabilité aux événements météorologiques des actions des compagnies publiques est sous-estimée aux États-Unis. Les détenteurs de ces titres sont donc exposés à des chocs temporaires de cours et de volatilité.

Un outil qui augmente la résilience des portefeuilles

Au-delà des actifs américains, nous prévoyons d’étendre notre analyse à l’ensemble des marchés, des classes d’actifs et des secteurs mondiaux, à mesure que la disponibilité des données s’améliorera. Ce qu’il faut déjà en retenir, c’est que le changement climatique représente un risque que les investisseurs peuvent de moins en moins se permettre d’ignorer.

Intégrer les connaissances existantes sur les risques liés au climat est important pour tous les investisseurs, quelles que soient les classes d’actifs ou les régions qu’ils aient choisies ; cela peut aussi contribuer selon nous à améliorer la résilience de leurs portefeuilles.

Isabelle Mateos y Lago - BlackRock Investment Institute

Directrice Générale - Stratège en chef Gestion diversifiée

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