Arctique : des institutions financières accusées de soutenir l’expansion pétrolière et gazière

Responsabilité sociale - Les nouveaux projets pétroliers et gaziers se développent en Arctique malgré l'urgence climatique, dénonce l'ONG française Reclaim Finance dans une enquête récente. Quel est l'impact environnemental de ces nouveaux forages ? Qui sont les acteurs financiers impliqués ? Le point avec Cesare Vitali, Responsable de l’ISR chez Ecofi.

Malgré l’urgence climatique, les grandes banques, assureurs et investisseurs soutiennent de plus en plus les sociétés pétrolières et gazières dans leurs projets de forage en Arctique. C’est la conclusion principale de l’enquête « Protégeons l’Arctique de l’expansion pétro-gazière », publiée en septembre 2021 par Reclaim Finance, ONG française spécialisée sur l’impact du secteur financier sur le changement climatique.

L’Arctique est un territoire particulièrement fragile, avec une grande richesse de biodiversité et qui contribue surtout à réguler le climat de la planète entière. La région est aussi une zone hostile, avec des conditions climatiques extrêmes, qui rendent les activités économiques difficiles et dangereuses.

L’impact de la fonte des glaces

Malgré ces risques, selon ce rapport rédigé avec la collaboration du cabinet de conseil Rystad Energy, l’Arctique est de plus en plus une terre de forage, avec 599 champs pétroliers et gaziers en production et en développement. Parmi ces 599 sites recensés, plus d’un tiers sont déjà en production, surtout dans les mers de Barents et en Sibérie.

En 2020, ces champs ont produit plus de 4 milliards de barils équivalents pétrole, et ont émis environ 1,3 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit trois fois les émissions de la France. Plus la fonte des glaces s’accélère en Arctique, sous l’effet du changement climatique, plus les réserves d’énergies fossiles deviennent accessibles — facilitant l’extraction et le transport des hydrocarbures et attirant les intérêts des sociétés pétro-gazières.

Autre cercle vicieux : plus la présence des projets pétroliers et gaziers augmente, moins l’Arctique peut jouer son rôle de climatiseur pour la planète. En fait, les surfaces blanches en Arctique, noircies par la pollution, absorbent les rayonnements solaires au lieu de les réfléchir. Avec davantage de réchauffement, la fonte des glaces et du permafrost s’accélère, libérant de plus en plus de méthane, qui a un pouvoir réchauffant très fort.

En quête de nouveaux forages

La principale société investie en Arctique est Gazprom, producteur majeur d’énergie russe : environ ¾ de ses réserves en pétrole et gaz sont localisées en Arctique. Les autres sociétés fortement exposées sont ConocoPhillips — qui prévoit d’augmenter sa production de 36 % d’ici 2030 — ainsi que Repsol, Royal Dutch Shell et Lukoil.

Reclaim Finance dénonce en particulier 120 institutions qui financent les projets de nouveaux forages en Arctique. Entre 2016 et 2020, ces institutions ont financé 314 milliards de dollars au bénéfice de sociétés qui auraient des projets d’extraction en Arctique, sous la forme de prêts ou d’émissions d’obligations. Parmi les institutions les plus impliquées, nous trouvons JPMorgan Chase, VTP Group, Barclays et Citigroup.

Les sociétés actives, avec de nouveaux projets pétro-gaziers en Arctique, sont aussi soutenues par de nombreux investisseurs. En mars 2021, des centaines d’investisseurs — comme Blackrock, Vanguard ou Capital Group — détenaient 272 milliards de dollars dans ces mêmes sociétés en actions ou obligations.

Réchauffement climatique

Selon les estimations sur les projets de forage en développement, l’extraction d’hydrocarbures en Arctique devrait augmenter de 20 % d’ici 2026 et de 30 % d’ici 2030. Dans ce cas, la région arriverait à représenter 15 % de la croissance de la production de pétrole et de gaz au niveau mondial d’ici 2030. Encore plus inquiétant : les réserves d’hydrocarbures en Arctique pourraient consommer 22 % du budget carbone qu’il reste d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique à moins d’1,5°C.

Cesare Vitali - Ecofi

Responsable ISR

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