Finance responsable : agroforesterie, Edmond de Rothschild veut nourrir la planète avec Moringa

Responsabilité sociale - Depuis 2013, Edmond de Rothschild Private Equity développe Moringa, son fonds d'investissement à impact dédié à l'agroforesterie en Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Comment promouvoir le développement de filière agricole équitable, dans le cadre d'une économie circulaire ? Pourquoi miser sur l'agroforesterie dans les pays émergents ? Le point avec Le Courrier Financier.

Il faut manger pour vivre… Selon les estimations de l’ONU, notre planète devrait compter près de 10 milliards d’habitants en 2050. Comment nourrir cette population à l’heure de la lutte contre le changement climatique ? Quelles stratégies pour développer une agriculture durable ? Le 5 octobre dernier, Edmond de Rothschild Private Equity — spécialiste de la banque privée et de la gestion d’actifs — revenait sur cette thématique avec Moringa, son fonds d’investissement à impact dédié à l’agroforesterie en Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Cette SICAR de droit luxembourgeois a été créée en 2013.

Les promesses de l’agro-écologie

Le commandité (General Partners ) est détenue par Edmond de Rothschild. Moringa Partnership — filiale à 100 % du Groupe Edmond de Rothschild — tient le rôle de conseiller en investissement. Le fonds comprend deux compartiments, l’un dédié à l’Amérique latine et l’autre à l’Afrique. Le choix de l’agroforesterie répond à la problématique de la préservation des écosystèmes et de leur biodiversité. Associer agriculture et forêts d’essences locales limite les perturbations liées au changement climatique, et les invasions d’insectes ravageurs — un risque agricole latent, renforcé par le recours à la monoculture sur un terrain déboisé.

En 2021, l’agriculture concentre un grand nombre de problématiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Le secteur représente 70 % de la consommation mondiale en eau. De plus en plus de personnes dans le monde adoptent un régime alimentaire carné plus riche, sur le modèle occidental. Pour les nourrir, il faut améliorer les rendements tout en développant des alternatives végétales. Le bétail ruminant — vaches, moutons et chèvres — occupe les deux tiers des terres agricoles mais contribue à 50 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’après les statistiques de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

Finance responsable : agroforesterie, Edmond de Rothschild veut nourrir et préserver la planète
« Estimations mondiales des émissions par espèces »
Source : Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture
(capture d’écran 15/10/2021)


Ces estimations comprennent les émissions attribuées aux produits comestibles et à d’autres biens et services, tels que la force de traction, les cuirs et la laine. Les bovins de boucherie produisent la viande et des produits non-comestibles. Les vaches laitières produisent du lait et de la viande ainsi que des produits non-comestibles.

Afin de réduire les émissions de GES d’ici 2050, 20 % de la population mondiale devrait réduire sa consommation moyenne de viande de ruminants de 40 % par rapport à 2010. « La promotion de filières durables et équitables, favorisant l’économie circulaire, devient une priorité », résume Clément Chenost, PDG de Moringa. Malgré l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité, les subventions publiques accordées aux filières agricoles intègrent peu les critères de durabilité. 17 % de la nourriture produite dans le monde finit d’ailleurs en gaspillage alimentaire.

Penser le futur de l’alimentation

La stratégie du fonds repose sur la transformation locale des matières premières — une problématique cruciale pour l’Afrique, d’après un rapport de la Banque africaine de développement (Bad) publié en novembre 2017. Moringa forme également les populations locales « à des métiers plus rémunérateurs ». Les entreprises durables ainsi soutenues par Moringa dépendent de 12 700 petits producteurs — qui sont « accompagnés pour obtenir une certification biologique, un prêt préalable à la récolte ou une formation agroécologique ». En 2021, ces entreprises durables assurent plus de 2 000 emplois et ont un impact positif sur 15 700 hectares.

Le fonds Moringa compte 10 investissements dans son portefeuille. « Nous investissons dans des actifs assez rares. Il faut un raisonnement de long terme, dans lequel nous accompagnons les entreprises », souligne Clément Chenost. Depuis 2015, le fonds investit ainsi dans Texbel Farms au Belize (Amérique Centrale), une entreprise de jus de fruits bio ; ou encore dans Cafetalera Nica-France au Nicaragua (Amérique Centrale), une coopérative productrice de café équitable — elle compte 660 hectares de plantations de café à l’ombre des arbres. Depuis 2018, le fonds investit également dans Tolaro Global au Bénin, qui produit des noix de cajou.

Aujourd’hui, le fonds Moringa — qui tient d’ailleurs son nom de l’arbre homonyme, dont les vertus nutritives sont reconnues — pense à se diversifier dans la culture du soja en Afrique de l’Ouest. Le fonds vise les investisseurs publics (banques de développement) et privés (Family Office). Et demain ? « L’agriculture représente une sorte de méga-tendance », souligne Lars Karlbreier, directeur mondial des investissements Banque Privée chez Edmond de Rothschild. Silence, ça pousse !

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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