Bertrand Tourmente – Althos Patrimoine : « La demande en Private Equity va aller en augmentant »

Private Equity - Plus d’un an après son application, que pouvons-nous retenir de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ? Quel a été son impact sur le patrimoine des Français les plus fortunés ? Quelles conséquences dans le monde des CGP ? Bertrand Tourmente, fondateur d’Althos Patrimoine — spécialiste de la gestion privée — répond en exclusivité au Courrier Financier.

Depuis le 1er janvier 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Tous les contribuables doivent désormais s’en acquitter dès que leur patrimoine immobilier excède 1,3 million d’euros, d’après le site officiel de l’administration française. Cette réforme portée par le Président Emmanuel Macron devait remplacer les revenus fiscaux de l’ISF et favoriser les investissements dans l’économie française. En 2018, l’IFI a rapporté 1,25 milliard d’euros soit 400 millions de plus qu’attendu.

En revanche, les bénéfices sur l’économie françaises paraissent moins flagrants. Au cours d’un débat mené mi-mars dernier avec 64 intellectuels, le Chef de l’Etat a revendiqué un « effet redistributif de la réforme de la taxation du capital ». Dans le cas où les objectifs de l’IFI « de retour ou de maintien du capital » dans l’Hexagone ne seraient pas atteints, Emmanuel Macron a concédé qu’il faudrait « peut-être reconditionner davantage la part de l’ISF supprimée ». Bertrand Tourmente, fondateur d’Althos Patrimoine — spécialiste de la gestion privée — nous livre son analyse.

Le Courrier Financier : Quelles conséquences l’IFI a-t-il eu sur la stratégie patrimoniale de vos clients ?

Bertrand Tourmente

Bertrand Tourmente : Les grosses fortunes se détournent de l’investissement immobilier, elles lui préfèrent le Private Equity [en français « Capital Investissement », NDLR] ou les capitalisations boursières. C’est un fait nouveau, les futurs investisseurs nous demandent désormais de calculer leur bénéfice net d’IFI. Ils comparent ensuite ce chiffre avec le rendement des produits financiers. Pour que l’immobilier continue de les intéresser, il faut leur promettre un rendement de 8 % à 10 % avant IFI.

Nos clients diversifient aussi leur patrimoine dans l’immobilier hors IFI. Chez Althos Patrimoine, nous leur proposons des fonds d’investissement Immobilier réservés aux investissements Institutionnels pour des rendements espérés supérieurs à 8 %. Par exemple, en région parisienne, l’immobilier de bureau rénové et remis au goût du jour fait un carton. Ces open spaces professionnels ne restent pas vacants très longtemps. C’est leur qualité d’usage qui fait leur valeur locative sur le marché.

D’autres clients disposent d’un gros patrimoine immobilier, détenu en direct. Pour eux, la donne est différente. Il faut comprendre que les investisseurs immobiliers sont des passionnés : il mettront plusieurs années avant de se détourner pour investir ailleurs. Quelques mois après la réforme, c’est trop tôt pour mesurer un effet sur leur patrimoine. Il leur faut en moyenne 2 ans avant de prendre la décision de revendre un immeuble ! Nous expliquons à ces clients qu’il existe des solutions non cotées en dehors de l’immobilier exonéré d’IFI avec des rendements capitalisés comparables à l’immobilier.

CF : Quels effets l’IFI a-t-il eu sur votre activité ? S’agit-il d’un frein à l’investissement immobilier ?

B. T. : Nous avons récupéré des dizaines de millions d’euros d’actifs à redéployer, notamment suite à des ventes foncières. Une bonne partie de ce cash a été réinvesti en assurance vie, sur les marchés financiers et en Private Equity. Chez Althos Patrimoine, en tant que gestionnaire privé, nous pensons que l’IFI est une bonne réforme qui va dans le bon sens. Elle pousse nos clients fortunés vers la diversification de leur patrimoine. Notre travail consiste à les accompagner pour leur apporter une réelle sérénité.

Quand la taxation d’un bien immobilier dépasse un certain seuil, le propriétaire s’en dessaisit. Dans le cas d’une détention en direct d’un actif immobilier pour certains clients fortunés, nous parlons de taux entre 70 % et 80 %. Certains de nos clients disent se sentir « obligés de vendre ». Nous les aidons à se tourner vers les investissements financiers, en les redirigeant en priorité vers le Private Equity, un placement qui n’est taxé qu’à 17,2 % et qui échappe à l’IFI.

CF : Vous parlez de Private Equity. L’IFI va-t-il favoriser ce type d’investissement dans l’économie française ?

B. T. : Le Private Equity représente une excellente alternative, qui permet de placer de gros montants dans l’économie réelle. Nous menons un travail d’évangélisation pour convaincre nos clients d’investir dans des entreprises de qualité, avec un horizon de croissance à 10 ans. En termes de rendements, ce n’est pas très différent d’un investissement dans la pierre acheté à crédit. En outre, nous privilégions les opérations de Private Equity qui créent de l’emploi en France.

Mesurer l’impact de ce genre d’investissement prend du temps. L’argent investi en Private Equity finance directement le développement d’entreprises. Les sommes investies par l’investisseur ne sont pas toujours appelées tout de suite. En fait, c’est même assez rare que cela arrive ! C’est normal, c’est un placement à long terme. Entre le moment où vous injectez des fonds et la création d’emploi, il peut s’écouler 3 à 4 ans.

En termes de perspectives de croissance, la demande en Private Equity va aller en augmentant, c’est un produit qui plaît aux investisseurs. Il y a toutefois un point négatif. Les détracteurs du Private Equity assurent que la part investie directement dans les entreprises françaises reste très faible. Chez Althos Patrimoine, nous pensons que les politiques devraient poursuivre leurs efforts pour inciter les épargnants à investir davantage dans ce type de placement.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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