Les régimes de retraite en points vont-ils disparaître ?

Patrimoine - La loi Sapin 2 ouvre la possibilité de baisser la valeur de service des régimes en points. Cette mesure, qui avait déjà été imposée à ses adhérents par une Mutuelle en début d’année, impacte directement la rente servie à l’épargnant. Peut-on faire face ? Comment ?

La mécanique des régimes en points 

Un régime en points fonctionne avec deux valeurs pivots : le prix du point et la valeur de service du point.

1/ Les cotisations versées par les adhérents sont converties en points. Par exemple, si le prix du point est de 5€, 100€ de cotisations me donnent droit à 20 points.

2/ Lorsque je liquide mon épargne en rente, l’assureur convertit mes points en euros. Ainsi, si la valeur de service du point est de 0,30€, mes 20 points me donnent droit à 6€ de rente.

Le prix du point et la valeur de service du point traduisent l’équilibre démographique et financier du régime : espérance de vie théorique des retraités et capacité de l’assureur à dégager des résultats financiers dans la durée. Le rendement du régime peut être appréhendé par le ratio valeur de service / prix du point qui matérialise un taux de conversion en rente garanti dès l’origine (pour les spécialistes, l’assureur garantit un taux technique et/ou une table de mortalité). Dans notre exemple, le rendement du régime est de 6%.

Pourquoi les régimes en points souffrent-ils ?

Dans ces régimes, la règle (implicite ou explicite) est que la valeur de service du point ne peut pas baisser : l’assureur promet dès l’origine un niveau minimum de rente, puis les résultats techniques (gain de mortalité) et financiers (produits financiers) dégagés chaque année sont redistribués aux assurés sous la forme d’une revalorisation de la valeur de service de la rente (c’est l’équivalent de la participation aux bénéfices des fonds en euro).

Ces régimes ont eu un fort succès dans les années 1990 car les assureurs, forts de taux obligataires élevés, proposaient des rendements très élevés, connus dès l’origine. Mais depuis quelques années, les adhérents constatent que le prix du point augmente fortement alors que la valeur de service n’est plus revalorisée. Pourquoi ? Parce que les assureurs sont confrontés à la fois à une baisse dramatique des rendements obligataires (baisse qu’ils n’avaient pas anticipée), et à un allongement de l’espérance de vie, allongement… qu’ils n’avaient pas non plus anticipé.

Dans ces conditions, les assureurs, pour assurer l’équilibre du régime sont obligés de baisser le rendement des nouvelles cotisations : un nouvel adhérent paye (beaucoup) plus cher pour obtenir une rente (beaucoup) plus faible. Donc, si le prix du point passe à 10€, 100€ de cotisation me donnent droit à 10 points. Comme la valeur de service est toujours de 0,30€, j’aurai droit à 3€ de rente : le rendement du régime n’est plus que de 3% ! En réalité, ce nouvel adhérent finance les garanties accordées aux assurés qui ont bénéficié d’un rendement supérieur !

Cette mécanique, qu’on appelle communément « mutualisation des générations » ou « spoliation des nouveaux au profit des anciens » trouve aujourd’hui une limite : les rendements offerts ne sont plus suffisants pour attirer de nouveaux cotisants. Bilan : l’assureur n’arrive plus à équilibrer son régime.

Les solutions imaginées par les assureurs pour éviter la faillite 

Au 1 er janvier 2016, une Mutuelle vient de diminuer la valeur de service du point. En clair, elle applique à ses épargnants une participation aux bénéfices…négative ! Bien entendu, elle a adapté ses conditions générales « Le montant des prestations retraite évoluera en fonction de la modification (à la hausse ou à la baisse) de la valeur de service du point » et cette décision a été prise en accord avec l’association des épargnants (quand l’association est contrôlée par la Mutuelle, ce soutien est plus facile à obtenir).

L’article 33 de la loi dite « Sapin 2 » dévoilée fin mars 2016 a attiré notre attention : « Adaptant les règles applicables aux régimes de retraite supplémentaire en points (…) en matière de conversion et d’évolution de la valeur de service de l’unité de rente ». Cette phrase sibylline a un enjeu très clair : autoriser tous les régimes en points à baisser leur valeur de service au mépris des promesses faites aux assurés.

Quelles options pour les assurés de ces régimes ?

Les régimes de retraite en points peuvent être souscrits soit dans le cadre légal du PERP ou du Madelin (dans ce cas, les assurés ont la possibilité de transférer leur adhésion vers un PERP multi-supports « classique »), soit des régimes dits « branche 26 » (Préfon, Corem).

Pour Corem, le mal est fait et irréversible, le régime est non transférable et les rentes « garanties » ont été amputées de 30% fin 2014. Les adhésions Préfon sont en revanche transférables vers un PERP depuis le 1 er janvier 2010. On va objecter que le transfert vers un PERP ne règle rien car les PERP ne garantissent pas le niveau de rente future : les conditions de conversion en rente viagère sont déterminées à la liquidation ; les rentes issues d’un PERP sont faibles. Tout cela est vrai, mais sans enjeu depuis que les contrats modernes proposent une option de rente qui change tout.

L’option d’annuités garanties

La raison pour laquelle la rente viagère séduit peu (euphémisme) est qu’elle fait porter au souscripteur un risque de perte très important en cas de décès prématuré. Par exemple, avec 100 000€ d’épargne, si un assureur me garantit 3 500€ de rente viagère et si je décède au bout de 5 ans… j’aurais perçu 17 500€ de rente et perdu 82 500€.

Mais tout ça c’était avant. Avant la rente avec annuités garanties qui définit une période pendant laquelle ma rente sera versée, que je sois vivant ou décédé :

 si je décède pendant la période d’annuités garanties, les annuités garanties que je n’ai pas moi-même perçues seront versées au(x) bénéficiaire(s) que j’ai désigné(s) ;

 si je suis vivant à la fin de la période d’annuités garanties, la rente continue à m’être versée jusqu’à mon décès.

La formule est « gagnant- gagnant » si je meurs tôt (la rente que je n’ai pas perçue est transmise à mes bénéficiaires, un peu comme sur un contrat d’assurance vie) ou si j’ai la chance de vivre vieux (je reçois un revenu jusqu’à mon décès). Point important : la réglementation définit explicitement la période d’annuités garanties qui sera au maximum égale à mon espérance de vie diminuée de 5 ans (cf. BOI 5B 11-05)

Combien ça coûte ? Pas grand-chose parce que la probabilité de décès des premières années est très faible donc réassurer ce risque ne coûte quasiment rien. Par exemple, si j’ai constitué 100 000€ sur mon PERP à 65 ans, je demande 20 000€ de sortie en capital et les 80 000€ restants sont convertis en rente viagère. Pour une personne née en 1975, l’assureur proposera une rente viagère « pure » de 2 657€, ou une rente viagère avec 25 annuités garanties de 2 505€.

La garantie offerte par l’assureur de verser la rente pendant une durée minimale de 25 ans ne coûte que 5,7%, mais moi ou mes bénéficiaires sommes certains de récupérer au minimum 20 000 + 25 * 2505 = 82 614€ !

J’ai transformé mon « vieux » contrat de rente en un double contrat : contrat de capitalisation à hauteur de 82,7% et un contrat de prévoyance à hauteur de 17,3% (contrat qui me garantit une rente jusqu’à la fin de mes jours, même si je vis très vieux). Selon les configurations et la qualité des options proposées au terme, la part de capitalisation pourra représenter jusqu’à 90% de l’épargne constituée.

Avec la loi Sapin 2, le débat rente garantie / rente non garantie est dépassé. Pour les épargnants, l’alternative est aujourd’hui très simple : choisir entre des régimes en quasi faillite dont les garanties de prévoyance ne valent plus rien, ou des contrats modernes qui ne font miroiter aucune garantie intenable mais vont innover en offrant des options de rente à forte valeur ajoutée et proposer (enfin) aux épargnants une véritable épargne retraite par capitalisation.

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Pierre-Emmanuel Sassonia - Eres

Responsable de l'épargne retraite individuelle

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