EXCLUSIF / Assurance obsèques : quelques points de vigilance

Patrimoine - L'ACPR publie de nouvelles recommandations pour les courtiers et mandataire intermédiaire d'assurance (MIA) en ce qui concerne l'assurance obsèque. Quels doivent être les points de vigilance pour conseils experts financiers dans le cadre de ce type de contrats ? Les explications de Me Morgane Hanvic, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Récemment, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a insisté sur la nécessité, pour les intermédiaires en assurance, d’améliorer le conseil donné en matière d’assurances obsèques. Depuis, elle a mis à jour ses recommandations publiées le 23 février 2021 et qui entreront en vigueur le 23 août 2021. D’ici là les intermédiaires spécialisés sur ce type de risque n’en sont pas exsangues. Voici quelques points de vigilance destinés à améliorer le conseil donné et réduire le risque de responsabilité. 

Contrats d’irrégularité de l’ACPR

Ce marché, significatif avec un stock d’environ 5 millions de contrats et 500 000 nouveaux contrats souscrits chaque année, présente une typologie variée de contrats. Entre 2018 et 2019, l’ACPR a diligenté 16 contrôles sur la distribution de contrats obsèques auprès d’intermédiaires spécialisés sur ce risque et d’entreprises de pompes funèbres. Le constat porte sur des insuffisances récurrentes en matière d’information précontractuelle et de devoir de conseil. Parmi les griefs relevés par l’ACPR figurent :

  • l’attention du souscripteur n’avait pas été attirée sur le que l’utilisation du capital décès est d’après le contrat restreinte aux seuls frais funéraires ;
  • le risque d’insuffisance du capital décès par rapport au coût effectif des obsèques ;
  • la faculté ou non de rachat et les valeurs de rachat ;
  • l’attention du souscripteur n’avait pas été attirée sur les exclusions de garantie ;
  • l’attention du souscripteur n’avait pas été attirée sur le délai de carence ;
  • le soin à attacher à la rédaction de la clause bénéficiaire et l’opportunité de prévoir des bénéficiaires subséquents.

En matière d’information

L’attention des intermédiaires est attirée sur la nécessité de renforcer l’information donnée sur les caractéristiques propres du contrat proposé, les contrats entrant dans cette catégorie prévoyant des garanties variées : bien distinguer le type de contrat « prévoyance » ou « épargne » ; préciser le caractère temporaire ou viager de la garantie. La présentation doit être objective et équilibrée, incluant aussi les inconvénients. Par exemple, dans le cadre d’un contrôle, l’Autorité a relevé que l’intermédiaire avait mis en avant le montant périodique de la cotisation mais n’avait pas indiqué la durée de cotisation associée. 

L’Autorité insiste sur le besoin accru de transparence des frais et des coûts des contrats proposés. Le distributeur doit informer le client de tous les frais et coûts liés au contrat — sous forme exacte et aisément compréhensible — afin que le client dispose d’une information claire sur le coût global du contrat et prenne une décision de manière éclairée. Certains contrats prévoient des frais, nombreux, prélevés à diverses étapes et dont l’effet cumulé est significatif (frais d’entrée + frais sur versements + coûts de fractionnement de primes + frais de sortie en cas de rachat). 

Ces frais doivent être présentés de façon claire au client : l’information est souvent trop tardive (mention seulement dans le bulletin de souscription, non remise du DIC, etc.) ; les dénominations sont parfois ambiguës (ex : « frais d’administration funéraire ») ; l’articulation entre les frais est parfois obscure ; l’attention des intermédiaires est particulièrement attirée sur l’impact de la modalité de cotisation, sa périodicité et sa durée, sur le coût du contrat. 

En matière de conseil 

L’intermédiaire doit avoir une véritable réflexion quant à l’adéquation du contrat proposé : 

  • sur le risque d’insuffisance du capital au regard du coût des obsèques. Exemple : souscription par une cliente de 96 ans d’un contrat type épargne à primes périodiques sur 5 ans, au vu de l’espérance de vie, la durée de cotisation sera insuffisante pour couvrir les frais d’obsèques ;
  • sur le délai de carence en fonction du risque de survenance et de l’impact en cas de carence. Exemple : souscription par un client de 83 ans d’un contrat de type prévoyance à prime unique (7217 €) avec un délai de carence de 12 mois ;
  • sur l’adéquation de la rédaction de la clause bénéficiaire à la situation du souscripteur, les informations nécessaires n’étant bien souvent pas recueillies.

L’ACPR fait le constat que l’information recueillie sur la situation du client est souvent insuffisante et ne permet donc pas de dispenser un conseil adapté. Elle rappelle l’obligation de s’enquérir avant la conclusion du contrat de la situation du client et de ses exigences et besoins. Elle rappelle aussi l’obligation de vérifier la détention préalable d’un contrat obsèques. L’ACPR a déjà constaté des multi-détentions de contrats au sein d’une même entité. 

Il faut un recueil suffisant des informations patrimoniales du client avec ses revenus, sa capacité d’épargne, son patrimoine, ses personnes à charge pour vérifier sa capacité à supporter la prime dans la durée. Il faut évaluer ses connaissances financières et sa capacité à comprendre les principaux mécanismes du contrat. Le recueil doit être adapté et proportionné. 

Le conseil doit être formalisé par écrit et la préconisation motivée 

L’ACPR relève une formalisation partielle de la solution assurance préconisée avec : une formalisation non systématique du montant de garantie retenu ; l’absence fréquente de formalisation de la modalité précise de cotisation préconisée (montant, durée, périodicité).

Bien souvent la cohérence entre les besoins du client et les caractéristiques du contrat préconisé est insuffisamment motivée, s’agissant : de la formule conseillée (prévoyance ou épargne) ; de la modalité de cotisation préconisée (montant, durée, périodicité) ; de la présence éventuelle d’un délai de carence ou d’attente et de ses conséquences.

Mise à jour de la recommandation de l’ACPR

En suite de ces constats, l’ACPR a enrichi, le 18 février 2021, sa Recommandation 2015-R-02 du 12 février 2015 relative à la commercialisation des contrats d’assurance vie liés au financement d’obsèques afin d’amener les professionnels à progresser dans la clarté de l’information délivrée, y compris dans les publicités, et à améliorer la qualité du conseil lors de la commercialisation de ces produits. 

Celle-ci a été publiée sur le site de l’ACPR le 23 février 2021. La recommandation ainsi modifiée entrera en application 6 mois après sa publication, soit le 23 août 2021. Son respect sera donc vérifié dans le cadre des contrôles opérés sur ce point après l’été 2021. La recommandation concerne la commercialisation de l’ensemble des contrats d’assurance vie destinés à titre principal au financement d’obsèques. Ces contrats peuvent revêtir différentes formes. Il peut ainsi s’agir : 

  • de contrats d’assurance sur la vie garantissant le versement d’un capital à un opérateur funéraire en cas de survenance du risque assuré (le décès de l’assuré), associés à un contrat de prestations d’obsèques prises en charge par l’opérateur funéraire (nature des obsèques, mode de sépulture, fournitures funéraires, etc.),
  • de contrats d’assurance sur la vie assurant uniquement le financement des frais d’obsèques, sans être associés à un contrat de prestations d’obsèques et ne prévoyant pas nécessairement la désignation d’un opérateur funéraire en qualité de bénéficiaire. 

Ces contrats peuvent prévoir le versement d’un capital en cas de décès dont le montant est déterminé à la souscription (contrat de type prévoyance) ou dont le montant correspond au cumul des cotisations qui auront été acquittées par le souscripteur au jour du décès de l’assuré (contrat de type épargne). Les contrats de type prévoyance peuvent avoir une durée temporaire ou viagère et, dans ce dernier cas, prévoir ou non une faculté de rachat.

Cette recommandation comporte des dispositions en ce qui concerne les supports à caractère publicitaire, des précisions sur le recueil de ses exigences et ses besoins, le devoir d’information précontractuel et le détail des informations à communiquer au souscripteur avant la conclusion du contrat, et la pertinence du conseil donné. En annexe, sont rappelées les principales dispositions légales et réglementaires régissant les contrats d’assurance destinés au financement d’obsèques. 

L’attention des intermédiaires intervenant sur ce type de risque est donc attirée sur la nécessité de se ménager, sur support durable, la preuve du respect d’un parcours client destiné à remplir ses obligations en matière d’information et de la fourniture d’un conseil adapté et motivé, y compris lorsque la prime s’avère être modique.

Morgane Hanvic - CNCEF Assurance

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