EXCLUSIF / Contrôles fiscaux aux Etats-Unis : les causes et la stratégie à adopter

Patrimoine - Quelles sont les principales causes des contrôles fiscaux aux Etats-Unis ? A quelle fréquence se produisent-ils, et comment anticiper leur déroulement ? Les explications de Marc Trost, co-fondateur et associé d’Orbiss — cabinet d'experts-comptables spécialisés dans la croissance des entreprises aux USA — en exclusivité pour Le Courrier Financier.

La crise sanitaire du Covid-19 impacte négativement l’économie mondiale, y compris les services administratifs dont le fonctionnement n’est pas épargné. C’est la raison pour laquelle l’Internal Revenue Service (IRS), qui est l’agence fédérale en charge notamment du traitement des déclarations fiscales et des contrôles y afférents, avait suspendu l’ouverture de nouvelles procédures de vérification jusqu’au 15 juillet 2020.

Il est à noter que les contribuables américains sont assujettis à des obligations fiscales au niveau fédéral, ainsi qu’au niveau des Etats et parfois même de certaines villes. Les juridictions étatiques et communales qui sont indépendantes de l’IRS procèdent à leurs propres contrôles.

Des contrôles peu fréquents et orientés sur les hauts revenus

La probabilité qu’une déclaration soit examinée est faible. Selon les statistiques officielles de l’IRS, seulement 0,4 % des déclarations d’impôt sur le revenu des personnes physiques ont été contrôlées en 2018, contre 0,2 % pour les sociétés transparentes fiscalement et 0,9 % pour les sociétés non transparentes.

Ce pourcentage s’élève à 6,66 % pour un particulier déclarant un revenu supérieur à 10 millions de dollars et 6,2 % pour une société générant un bénéfice imposable dépassant le million de dollars. Par ailleurs, la majorité de ces procédures se déroule par correspondance. Seulement 19 % des vérifications effectuées en 2018 ont été réalisées sur le terrain, c’est-à-dire au siège de la société ou de son représentant.

Ce dernier doit avoir une qualification spécifique pour agir au nom du contribuable, ce qui est notamment le cas des avocats ou des « Certified Public Accountant » (CPA) qui sont l’équivalent des experts-comptables français.

Les principales causes engendrant un contrôle

Le processus de sélection des déclarations à vérifier s’opère principalement de manière électronique. Selon les données officielles publiées, le niveau de revenus augmente de manière exponentielle le risque de contrôle. De la même manière, l’utilisation de l’informatique permet de détecter des incohérences comme par exemple un taux de marge qui n’est pas conforme aux normes d’un secteur d’activité.

De plus, l’IRS dispose d’informations sur les revenus des contribuables. Ainsi, il est obligatoire de déclarer annuellement les sommes payées à certains prestataires dans le cadre d’une activité professionnelle. L’employeur a la même obligation concernant les salaires payés aux employés. L’agence fédérale peut donc recouper ces revenus avec ceux indiqués sur la déclaration d’impôt. L’établissement de nombreux formulaires informatifs est obligatoire aux Etats-Unis.

A titre d’illustration, une filiale américaine doit communiquer annuellement le montant des transactions réalisées avec toutes les autres filiales d’un même groupe de sociétés sur un formulaire 5472, sous peine de l’application d’une amende de 25 000 dollars par formulaire omis ou erroné. Les montants déclarés peuvent alors attirer l’attention sur des problématiques de prix de transfert. L’IRS est en outre attentive à de nombreux autres « red flags » selon l’expression américaine consacrée.

Quelle stratégie adopter lors d’un contrôle ?

Selon d’autres statistiques publiées par les autorités américaines, environ 90 % des contrôles opérés sur les 5 dernières années ont engendré une ou plusieurs propositions de redressement. Dès lors, il est important de bien définir la stratégie à adopter après réception d’une notification de vérification.

Les agents de l’IRS ayant des personnalités et des compétences très différentes, l’aspect humain et les relations nouées avec ces derniers sont prépondérants dans la gestion d’un contrôle. De manière générale, lorsqu’une erreur manifeste est découverte par le contrôleur, il est recommandable d’accepter le redressement.

En cas de désaccord avec un agent ayant une personnalité difficile, il est sans doute préférable d’éviter de longues discussions pouvant détériorer la relation et alors de considérer les recours qui sont disponibles au sein de l’IRS préalablement au jugement devant un tribunal. Il est fondamental de ne jamais mentir à un agent et de lui procurer des informations qui sont exactes, sous peine d’être poursuivi pour parjure.

Jurisprudence américaine et subtilités juridiques

Le droit américain, principalement jurisprudentiel, est complexe et peut être soumis à interprétation du juge. Il est ainsi important de remettre si possible en cause les fondements juridiques d’une proposition de redressement.

L’affaire Wilson jugée en 2019 illustre parfaitement ce constat. Celle-ci était afférente à l’obligation qu’a un contribuable américain de déclarer sur un formulaire 3520 les transactions effectuées avec des « trusts » (entités juridiques généralement créées pour des raisons patrimoniales) étrangers.

En l’espèce, l’IRS avait appliqué une pénalité de 35 % des montants en question, soit une amende de 3,2 millions de dollars, en raison du retard dans la production de ce formulaire. Le Tribunal de New York n’a pas suivi la lecture faite par l’agent du code fiscal américain, annulant ainsi le redressement en considérant des subtilités juridiques.

Ce qu’il faut retenir pour sa prise de position fiscale

Cet exemple souligne les opportunités de défense des contribuables. Il est néanmoins important de rappeler à ces derniers et à leurs conseillers que la prise d’une position fiscale doit toujours se faire de bonne foi et de manière raisonnable, sur la base de règles ou interprétations dictées par un texte de loi ou une jurisprudence.

Marc Trost - Orbiss

Co-fondateur et Associé

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