Taux du Livret A : le dilemme de Bruno Lemaire

Patrimoine - Avec la publication du taux d’inflation du mois de juin, le Gouvernement sera amené à décider ou non de relever le taux du Livret A.

Pour la première fois, au 1er août 2017, la nouvelle formule élaborée en 2016 est censée s’appliquer. Le gouvernement de Manuel Valls souhaitait à l’époque réduire l’écart entre le taux du Livret A et les taux du marché monétaire tout en garantissant le maintien du pouvoir d’achat des épargnants. Il y avait également la volonté d’éviter des changements fréquents de taux en retenant non plus le dernier taux d’inflation connu mais en prenant la moyenne des 6 derniers mois.

Le point important à retenir dans la nouvelle formule est la suspension de majoration de 0,25 point de pourcentage par rapport à l’inflation quand l’écart entre l’inflation et les taux monétaires est supérieur ou égal à 0,25 point de pourcentage, ce qui est le cas actuellement.

A priori, le taux moyen d’inflation annuel de ces six derniers mois dépasse 0,8/0,9 % ce qui devrait entraîner une majoration de 0,25 point du taux du Livret A qui repasserait ainsi à 1 %.

Faut-il ou non augmenter le taux du Livret A ?

Pour les épargnants, oui d’autant plus que le taux de rendement réel, après prise en compte de l’inflation, est négatif depuis le début de l’année. Une revalorisation permettrait d’avoir un rendement réel positif d’environ 0,25 point.

Pour les banques et la Caisse des Dépôts et Consignation : non !

Le coût de l’épargne réglementée est élevé. En effet, les banques et la CDC doivent rémunérer un produit d’épargne liquide et garanti à 0,75 % quand les taux des titres monétaires sont négatifs et que le taux de l’OAT à 10 ans est à 0,6/0,7 %.

Un Livret A à 1 % rendrait moins compétitif les autres produits d’épargne et notamment les livrets bancaires mais aussi l’assurance-vie. Un passage du taux du Livret A à 1% renchérirait également le coût du financement du logement social. Pour l’économie, la hausse du taux du Livret ne serait pas forcément positive.

En effet, le gouvernement souhaite tout à la fois réorienter l’épargne des ménages vers le long terme, vers les entreprises notamment à travers la flat tax à 30 % et conforter la reprise économique, donc la consommation.

Depuis le début de l’année, les ménages ont tendance à privilégier le Livret A et le LDD dont la collecte nette atteint sur les cinq premiers mois 10,2 milliards d’euros (8,58 milliards d’euros pour le seul Livret A). Une hausse du taux ne pourrait qu’accroître cette tendance. La Caisse des Dépôts ne manque pas de ressources, l’encours du Livret A, étant à un niveau record. De ce fait, il n’y a pas de réels motifs à accroître la collecte en faveur du Livret A.

Le gouvernement d’Édouard Philippe est donc confronté à un dilemme. Économiquement et financièrement, il n’a pas intérêt à relever le taux du Livret A. Politiquement, d’autres considérations entrent en jeu. Premièrement, il est délicat de ne pas appliquer la formule pour son entrée en vigueur. Deuxièmement, il est gratifiant d’ouvrir son quinquennat sur une hausse du taux du Livret A, qui est considéré, à tort ou à raison, comme le produit de l’épargne populaire.

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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