Qu’adviendra-t-il du dispositif dons ISF?

Patrimoine - Macron l'avait déjà annoncé lors de la campagne présidentielle. La suppression de l'ISF (il deviendra un impôt sur le patrimoine immobilier), chamboule tout le dispositif de défiscalisation qui l'accompagne. Premières victimes : les PME, qui bénéficient actuellement du dispositif ISF-PME. Ce serait plus d'1 milliard d'euros de manque à gagner pour ces entreprises. Pourtant, il suffit de se pencher un peu sur la question pour se rendre compte que le dispositif dessert l'attractivité des PME auprès des investisseurs Français.

Le dispositif ISF-PME bat de l’aile 

En 2016, déjà, la Cour des Comptes avait émis des  doutes quant à l’efficacité du système, prétendant que « son impact économique est incertain ».

Des réticences partagées par Jérémie Jeausserand, Avocat et membre de la Commission Fiscalité de CroissancePlus. Selon lui, la première des raisons pour lesquelles cet investissement n’est pas porteur réside dans l’intention des investisseurs : « Beaucoup de gens investissent à travers des organismes de collecteurs qui, après, investissent dans les PME ». En somme, les investisseurs montrent davantage une volonté de défiscaliser qu’un franc intérêt pour les PME françaises. En ce sens, le dispositif ISF-PME n’engendre pas une réelle dynamique d’investissement autour des PME françaises, c’est un « système de carotte fiscale ».

« Il vaudrait mieux que les investisseurs cherchent à investir dans les PME de croissance et qu’ils ne soient pas trop imposés lors de la revente plutôt que de chercher à défiscaliser à tout prix » ajoute-t-il. Il n’y a pas, de la part des investisseurs, de vraie prise de risque lorsqu’ils défiscalisent par le biais du dispositif ISF-PME. Le danger est donc qu’ils investissent même s’ils n’obtiennent pas, au final, de retour sur investissement, ce qui lèse les « PME dynamiques », celles qui se développent.

Quel dispositif compensatoire à l’ISF-PME ?

Paradoxalement, si la pertinence du dispositif ISF-PME est souvent remise en question, les PME dépendent fortement de ces investissements qui représentent chaque année 1 milliard d’euros. Trouver un dispositif compensatoire semble donc primordial.

Pour Mathieu Sanlaville, Directeur commercial de 123 Invest Managers, la solution émise par François Fillon, lors de la campagne présidentielle paraît la plus pertinente. L’idée consiste à rehausser le taux de défiscalisation sur l’impôt sur le revenu de 30% avec un plafonnement à 1 million d’euros pour encourager un socle plus large d’investisseurs à se tourner vers les PME, « Ce qui est une bonne chose, car aujourd’hui, il n’existe pas beaucoup de systèmes pour réduire l’impôt », précise-t-il. Ce dispositif compensatoire s’inspire des pays anglo-saxons et permet une base d’investisseurs beaucoup plus large.

Quoiqu’il arrive, un dispositif compensatoire sera mis en place pour soutenir les PME françaises, quitte à ce que l’Etat y mette de sa poche, car Mathieu Sanlaville le répète : « le dispositif d’investissement PME est nécessaire […] Ce qui serait intéressant, cependant, poursuit-il, ce serait d’adapter l’avantage fiscal en fonction du risque pris par l’investisseur. » Aujourd’hui, le dispositif permet de défiscaliser quelque soit le risque pris. Or, pour permettre que l’investissement soit pertinent, il faudrait que le risque soit récompensé.

Le dispositif ISF-dons épargné ?

Ce ne sont que des bruits de couloirs, mais le dispositif de défiscalisation dédié aux associations serait reporté sur le nouvel ISF. Les associations doivent, toutefois, encore veiller à ce qu’il y ait bien un report. Pour ce faire, celles bénéficient actuellement du dispositif s’organisent en groupes de travail, réunis sous la coupe du Centre français des fonds et des fondations ainsi que France Générosité. Leur objectif est d’être capable de réagir en cas de décision inattendue du gouvernement, et d’être force de proposition.

Aujourd’hui, le dispositif de défiscalisation ISF-dons représente 254 millions d’euros, soit 15% de la générosité en France. « Si l’ISF-PME n’est pas reconduit, affirme Chloé Baunard-Pinel, responsable philanthropie chez Apprentis d’Auteuil, il y aura, certes, moins d’hésitation sur le choix de défiscalisation du contribuable. Mais, il ne faut pas se leurrer, nous y perdrons quand même, car les investisseurs, tout comme les investissements, seront divisés par deux. »

Le dispositif de défiscalisation dons-ISF est voué à être remanié en profondeur, ce qui va bouleverser le marché du don en France. Il faut impérativement protéger les PME mais aussi les associations qui dépendent de ce dispositif. C’est pourquoi « Bercy n’hésite pas à consulter les acteurs du marché avant une prise de décision » rassure Mathieu Sanlaville, et que les associations œuvrent main dans la main afin de prévenir d’un éventuel changement. Tout est mis en place pour anticiper les conséquences de la disparition de l’ISF afin de minimiser l’impact sur les bénéficiaires des dons.

 

 

 

Charlyne Alloin

Rédactrice - Le Courrier Financier

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