Crédit aux entreprises : vers de nouveaux partenariats entre CGP et courtiers ?

Patrimoine - Avec les prêts garantis par l'Etat (PGE), les courtiers en crédit accompagnent leurs entreprises clients pendant le confinement. Cette semaine, la CNCEF Crédit prend la température auprès de ses adhérents avec un nouveau sondage. Après la crise sanitaire, quelles perspectives d'évolution pour l'écosystème du financement ? Explications avec Le Courrier Financier.

Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. En période de crise sanitaire, les courtiers en crédit vont-ils manquer de trésorerie ? Dans un sondage dévoilé ce jeudi 30 avril, la CNCEF Crédit (ex CNCIOB) alerte sur la situation financière de ses adhérents courtiers IOBSP. « 59 % d’entre eux anticipent déjà une perte de plus de 20 % de leur chiffre d’affaires en 2020 », explique Christelle Molin-Mabille, Présidente de la CNCEF Crédit. Les trois quarts des sondés (75 %) évoquent des difficultés de trésorerie, notamment à moyen terme (22 % dans trois mois et 25 % dans six mois). Pour près de deux sur cinq (19 %), le problème se pose même « dès maintenant ».

Une rémunération sur le fil

Cette fragilité vient en partie au profil des adhérents à la CNCEF Crédit. Plus de la moitié (55 %) d’entre eux réalise moins de 100 000 euros de chiffre d’affaires par an. Ces courtiers travaillent surtout dans des petites structures avec deux collaborateurs au plus (41 %) ou en tant qu’indépendants (37 %) et plus rarement dans des cabinets plus gros. Parmi les sondés, 13 % déclarent travailler avec trois à dix collaborateurs et 9 % avec plus de dix collaborateurs. En cohérence avec cette typologie d’entreprise, 81 % désignent le bouche-à-oreille comme leur principale source de captation de nouveaux prospects.

La rémunération des courtiers est davantage forfaitaire (41 %) que proportionnelle au montant du crédit (37 %). Pour rappel, elle inclut les frais de courtage et les éventuelles commissions bancaires. Depuis le 1er janvier 2013, les courtiers doivent communiquer à leur client le montant de leurs frais de courtage — et leur mode de calcul — dès l’ouverture du dossier de crédit, mais aussi le montant de leurs commissions bancaires. Pourtant avec la crise sanitaire, les conventions de partenariat actives entre banques et courtiers se réduisent. « Actuellement » seuls 16 % des courtiers déclarent en avoir entre cinq et dix. C’est presque deux fois moins qu’en temps normal (28 %).

Conventions bancaires… ou pas ?

Le conventionnement avec la banque prévoit une commission de 1 % du montant emprunté en tant qu’apporteur d’affaires. Depuis l’automne 2019, cet équilibre semble néanmoins menacé. Les relations commerciales se sont tendues entre banques et courtiers. « Le déconventionnement est une question de volume », explique Christelle Molin-Mabille. 34 % des courtiers finalisent moins de 30 dossiers par an et 34 % moins de 100, une productivité cohérente avec la taille des entreprises de courtage. Juste avant le déconfinement — prévu le 11 mai prochain — les courtiers pensent que la crise ne renforcera pas (28 %) ou « probablement pas » (47 %) leurs relations avec les banques.

Banques et courtiers, des frères ennemis irréconciliables ? Nous en sommes encore loin, tempère la CNCEF Crédit. « Les banques sont au cœur du dispositif de prêts garantis mis en place par l’Etat (PGE). Elles ont su réagir rapidement pour mettre en place les outils nécessaires. Nous tenions à les remercier », rappelle Antoine Pacan, administrateur de la CNCEF Crédit. En plein confinement, les banques fonctionnent avec des effectifs réduits en raison du chômage partiel. Mécaniquement, elles traitent donc des volumes plus faibles. Par ailleurs, avec la fragilisation du tissu économique, les banques se montrent plus prudentes. Les conditions d’octroi de crédit aux entreprises devraient se durcir.

Renforcer les liens avec les CGP

Les courtiers en crédit doivent composer avec plusieurs inconnues. Dans ses dernières prévisions, publiées mi-avril, le gouvernement anticipe une contraction de 8 % du PIB cette année. Le risque de faillite a bondi pour les entreprises. Nous sortons aussi d’une longue période de taux bas. La remontée brutale des taux bancaires — « jusqu’à 70 % pour le crédit immobilier » relève Christelle Molin-Mabille — aura nécessairement un impact sur le réinvestissement des entreprises. Pour passer ce cap, elles auront besoin de l’expertise des courtiers. « L’obtention d’un PGE représente une première étape, ensuite il y aura le réétalement de la dette », pointe Antoine Pacan.

Toute période de crise ouvre des opportunités. « C’est le moment pour les courtiers de jouer la diversification pour sortir leur épingle du jeu : la pédagogie et l’accompagnement du client sont d’ailleurs au cœur de leur métier », affirme Christelle Molin-Mabille. Les courtiers en crédit et les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) exercent des métiers complémentaires. L’occasion de nouer de nouveaux partenariats : « les CGP ont souvent déjà une petite activité de courtage, mais ce ne sont pas toujours des spécialistes. En revanche, ils peuvent apporter du volume d’affaires aux courtiers », pointe la présidente de la CNCEF Crédit. Les courtiers en crédit ont donc sûrement une carte à jouer avec les CGP.

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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