Confinement : les dirigeants d’entreprises préparent le jour d’après

Patrimoine - Cette semaine, le Gouvernement a présenté les modalités de la sortie du confinement. Dès le 11 mai prochain, ce sont près de 400 000 entreprises qui vont redémarrer. Comment les dirigeants d'entreprises anticipent-ils cette reprise ? Quelles sont leurs problématiques pour les mois à venir ? Le Courrier Financier fait le point.

Le compte à rebours a commencé. Ce jeudi 7 mai, le Gouvernement a dévoilé son plan de bataille pour le déconfinement. Sans surprise, la stratégie nationale sera progressive — différenciée département par départements en fonction de trois critères : la circulation du virus, la tension hospitalière en réanimation et la capacité en tests. En métropole, les régions Ile-de-France, Hauts-de-France, Grand Est et Bourgogne-Franche Comté restent classées « rouge ». La région Ile-de-France et Mayotte — où le déconfinement est reporté — feront l’objet d’une vigilance accrue au cours des prochaines semaines, avec une « discipline renforcée ».

Reprise d’activité progressive

D’après le dernier bilan de la direction générale de la Santé — daté de mercredi soir — le coronavirus a entraîné plus de 25 800 décès en France depuis le 1er mars dernier dans les hôpitaux, Ehpad et autres établissements médico-sociaux. La situation sanitaire de la France sera réévaluée dans trois semaines « à la fin du mois de mai », précise Edouard Philippe. En cas de deuxième vague du coronavirus, ce sera marche arrière toute. « Ce plan comporte aussi un plan de reconfinement », avait admis Jean Castex — le « Monsieur Déconfinement » du Gouvernement — ce mercredi 6 mai pendant son audition devant le Sénat.

400 000 entreprises représentant 875 000 emplois vont redémarrer, a précisé Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des finances. La vraie problématique concerne les transports publics : le port du masque y sera obligatoire à partir de 11 ans, sous peine d’une amende de 135 euros. L’Etat a prévu d’en distribuer gratuitement les premiers jours. Dès lundi prochain, l’attestation de déplacement ne sera plus obligatoire. En Ile-de-France, l’accès aux transports en commun sera réservé aux heures de pointe aux personnes disposant une attestation de leur employeur, ou ayant un motif impérieux (santé, convocation de justice ou accompagnement d’enfants).

Santé des salariés et télétravail

Les réservations TGV et Intercités seront obligatoires avec des modalités adaptées suivant le type de train. Leur taux d’occupation sera lui plafonné à 50 % du total des places. Le retour au travail s’accompagne de précautions contraignantes. « La protection des salariés constitue la priorité numéro 1 pour les dirigeants. Il faut se souvenir qu’ils sont pénalement responsables de la santé de leurs salariés », nous explique Thierry Fournier, Directeur associé chez EIM France. Le cabinet — spécialisé en management de transition — publie cette semaine les résultats de son étude qualitative « Day One » sur l’adaptation des dirigeants aux défis de la crise sanitaire. 

Entre le 14 et le 22 avril 2020, EIM a interrogé par téléphone une cinquantaine de dirigeants d’entreprises (75 % de Directeurs Généraux, 20 % de Directeurs Financiers ou Directeurs des Ressources Humaines, 5 % de cadres dirigeants occupant d’autres fonctions), principalement de PME-ETI. Pour la majorité des sondés, l’installation durable du télétravail (58 %) et l’accélération de la digitalisation vont s’installer dans le quotidien de leurs salariés. Avec la distance, maintenir la cohérence du lien RH (55 %) représente le principal défi pour lutter contre la démoralisation. Après un arrêt d’activité, le retour à la normale pourrait s’étendre jusqu’en 2021.

Opportunités d’acquisitions

Au-delà de la reprise d’activité elle-même, se pose la question de la trésorerie d’entreprise. Les dirigeants ont notamment plébiscité les mesures de report des charges sociales (67 %) et le Prêt Garanti par l’Etat (33 %). « En repoussant les échéances, ils ont acheté du temps. Bien sûr, ils ont donc augmenté leur dette. C’était primordial pour eux de préserver leur cash en attendant d’avoir plus de visibilité sur la reprise. C’est un réflexe de survie essentiel », commente Thierry Fournier. Traverser la crise sanitaire se fait souvent au prix de nouvelles lignes de crédit bancaire (18 %), ou d’un report des paiement non-vitaux (18 %) tels que le loyer.

Mais les périodes de crise ouvrent aussi des opportunités. Pour les sondés, c’est le moment de gagner de nouveaux segments de clientèle (42 %) ou de lancer de nouveaux produits, de prendre des parts de marché (33 %) et même de consolider leur secteur d’activité (25 %) à travers des opérations de « Build-up ». Cette stratégie de croissance externe s’appuie sur l’acquisition d’autres sociétés du même secteur, souvent des concurrents en difficulté. « Nous avons été surpris par le nombre de dirigeants qui ont évoqué cette possibilité. Les acquisitions à venir font déjà partie de leur agenda », relève Thierry Fournier. Un signe d’espoir pour les mois à venir ?

Mathilde Hodouin - Le Courrier Financier

Rédactrice en chef (janvier 2019 - février 2024)

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