La Blockchain : une révolution pour les fonds immobiliers

Immobilier - La Blockchain entre petit à petit dans l'univers de l'investissement financier. Comment fonctionne la tokenisation des actifs immobiliers ? Quels avantages cette technologie apporte-elle aux sociétés de gestion ? Matthieu Bouchaud, Consultant et Responsable du Business Development chez ConsenSys, partage son analyse.

Quel Hôtelier pourrait se targuer d’avoir vu venir AirBnb ou Booking ? Quel propriétaire de bureaux a anticipé la vague Wework ? Tous ces projets, d’abord ignorés et dont nous reconnaissons aujourd’hui l’importance, doivent nous tenir en alerte lorsque nous abordons la question de l’innovation dans l’immobilier. Parmi toutes les innovations qui surgissent de nos jours, la Blockchain est certainement l’une des plus incomprises.

Sans rentrer dans les détails techniques, la Blockchain permet le transfert de titres de propriété et de valeur — deux éléments clés en immobilier —d’une manière extrêmement optimisée en supprimant les intermédiaires. Cette technologie représente une opportunité majeure de transformation de la plus grande classe d’actifs du monde qu’est l’immobilier (+ 3000 milliards de dollars en 2018). Les améliorations permises par la blockchain sont multiples — réduction de la fraude, augmentation de la transparence, etc. — mais concentrons-nous sur le secteur des fonds immobiliers non cotés.

Opportunité pour l’immobilier

Les sociétés de gestions françaises les plus importantes du marché sont Perial, La Française, ou encore BNP Paribas REIM. Ce marché — qui représente 165 milliards d’euros d’actifs sous gestion — est organisé en silos. Le passage d’ordre sur parts de fonds et leur tenue au registre sont réalisés le plus souvent par un dépositaire. Le cycle de vie des titres est dans l’ensemble très peu dématérialisé pour la majorité des fonds.

Par une ordonnance du 8 décembre 2017, la France a mis en place un cadre réglementaire sur l’utilisation de la Blockchain pour la représentation et la transmission de titres financiers non cotés. L’ordonnance rend possible l’utilisation d’une Blockchain comme alternative à l’inscription en compte, afin d’établir la propriété des titres concernés et reconnaître leur transfert. Lorsqu’un actif est représenté sur une Blockchain, nous parlons de tokenisation. La tokenisation — couplée à l’ordonnance Blockchain — constitue une opportunité sans précédent pour les fonds immobiliers.

Augmenter la bande passante

Tout d’abord, l’utilisation d’une Blockchain permet une exécution grandement accélérée et automatisée des transactions d’émission, de souscription/rachat et d’enchère Walrasienne — pour les SCPI à capital fixe. Cela permet d’augmenter considérablement la bande passante, c’est-à-dire la gestion d’une plus grande quantité d’opérations sur une même période. Cette amélioration des capacités entraîne mécaniquement la possibilité d’une réduction du montant minimal de souscription. Ensuite, si la tokenisation de l’actif est réalisée en suivant un standard — comme les standards open source ERC 777 ou 1400 — l’actif est interopérable avec toutes les blockchains de type Ethereum, publiques et privées.

L’ERC 777 permet de conditionner le transfert d’un token à une série d’événements définie en amont. À travers ce standard, l’émetteur s’assure que le titre ne s’échange que dans des conditions dictées par des règles métiers et/ou en accord avec certaines exigences légales. Par exemple, la possibilité de transfert d’un token peut être soumise à la bonne exécution d’une procédure de KYC. L’ERC 1400, quant à lui, permet la qualification des tokens dans différentes partitions ou catégories. Elles reflètent, par exemple, des conditions de conservation et d’incessibilité, ou des droits préférentiels spécifiques — par exemple, les intérêts reportés — fonctions de caractéristiques propres aux détenteurs. Les tokens qui suivent ces standards peuvent être ensuite contrôlés par des smart-contracts.

Mutualiser les efforts de vérification

Un programme stocké sur la blockchain qui s’exécute de façon conditionnelle et de matière sécurisée. Il est alors possible d’imaginer une infinité d’utilisations. La création d’un consortium de fonds immobiliers non cotés utilisant la Blockchain Ethereum permet de révolutionner la manière dont les fonds procèdent aux vérifications KYC/AML. Avec une circulation simple et sécurisée d’informations sensibles, il devient possible pour les sociétés de gestion de mutualiser les efforts de vérification.

Enfin, la création d’un consortium des acteurs de l’immobilier tirant parti des standards de tokens ERC 777 et 1400 permettrait la mise en place de plateforme de distribution plus performante et d’un système multilatéral de négociation — améliorant la fluidité du marché secondaire — nécessaire par exemple dans l’hypothèse d’un retournement de marché.

L’avenir de la pierre papier ?

Pour le secteur des fonds immobilier, les conseils, les connaissances et le savoir-faire des professionnels de l’immobilier constitueront toujours des éléments essentiels. Cependant, le traitement des opérations sur titres et de gestion du passif changera inévitablement. Ce changement est déjà en cours. En permettant une gestion plus efficace et de nouvelles opportunités, la Blockchain est en passe de révolutionner le secteur de la pierre papier.

Matthieu Bouchaud - ConsenSys

Consultant et Responsable du Business Development

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