La troublante complaisance des marchés du crédit

Asset Management - Le monde connait de forts déséquilibres : activités déstabilisatrices des banques centrales, croissance sans précédent du crédit sur les marchés émergents, etc. Les valorisations des actifs risqués sont élevées. Mais c’est ainsi que fonctionnent les marchés ; ils peuvent faire preuve de complaisance pendant des années. Ces déséquilibres peuvent éclater ou retomber à tout instant pour une raison quelconque et, donc, de façon imprévisible.

La situation la plus inquiétante provient de la Chine, si l’on compare la croissance réelle et la création de crédit. Le risque d’un ralentissement déflationniste majeur de la croissance augmente de plus en plus.

D’un point de vue économique, nous disposons encore d’un peu de temps. L’Europe est en pleine expansion. Mais la BCE met du temps à relever ses taux car s’il y a bien une chose qu’elle ne parvient pas à faire, c’est de relever ses prévisions d’inflation. Cette question reste sa principale préoccupation. Compte tenu de la situation des marchés de l’emploi, il est difficile d’expliquer l’absence d’inflation. Le risque est que tôt ou tard, les banques centrales se retrouvent en retard par rapport à la réalité, puisque l’augmentation des salaires s’accélère de façon imprévue.

L’augmentation des inégalités de revenus aux États-Unis est source d’inquiétude

Outre-Atlantique, le trou d’air économique actuel pourrait bien ne pas durer. Le risque est que certains indicateurs avancés révèlent un affaiblissement économique. La contraction des profits et des marges, l’aplatissement de la courbe ou un cycle d’investissement très faible montrent en effet que cette expansion économique est fragile. Deux autres questions sont préoccupantes. La première concerne l’augmentation des inégalités de revenus aux États-Unis. Historiquement, les nations qui privilégient réellement l’égalité des chances à l’égalité des résultats s’en sortent mieux que celles où les « nantis » et les « démunis » sont constamment divisés. Cette surproduction de l’élite semble ancrée dans la société américaine. Cela pourrait également expliquer en partie la seconde préoccupation.

Les crédits subprime connaissent un nouvel essor. On observe en effet une hausse des prêts automobiles, des prêts étudiants et des dettes en souffrance liées aux cartes de crédit. Concernant les prêts automobiles, le nombre de défaillances atteint des niveaux jamais enregistrés depuis 2007-2008. Si les programmes d’assouplissement quantitatif (QE) ont permis la création considérable de richesses, celles-ci sont distribuées de manière très inégale. Cela signifie que les ménages à revenus faibles et moyens ont des difficultés à rembourser leurs dettes.

Malgré une reprise économique aux États-Unis toujours inférieure à son potentiel, les résultats des entreprises se sont redressés de manière inattendue, les banques restent centrées sur les résultats et le marché du travail est solide. Pour le moment, rien ne présage une récession immédiate, mais elle se produira probablement dans les deux prochaines années.

La Chine crée de la dette à tout-va

Et puis, il y a la Chine. Peu importe ce qu’on pense du pays, la croissance du crédit y est bien trop élevée par rapport à la croissance nominale. Les décideurs politiques chinois recourent bien trop souvent à la création de dette. La croissance économique ralentit et est interrompue par des mini-cycles. Durant ceux-ci (le dernier exemple remonte à 2015), les décideurs paniquent quand la croissance devient trop faible et ils s’en remettent une nouvelle fois à la création de dette. Tirée par les banques étatiques qui fournissent des fonds aux entreprises publiques, la croissance du crédit est déséquilibrée, elle favorise les secteurs non productifs de l’économie et a atteint des niveaux dangereux. Sans prédire la formation d’une bulle, il est quasiment certain que la Chine risque de subir un sérieux ralentissement dans les années à venir. Les exportations occidentales vers le pays seront un indicateur important à surveiller.

Les valorisations se sont resserrées. Les titres high yield entrent dans le premier quartile, ou le plus onéreux, des spreads historiques, devant les valeurs investment grade ou émergentes, qui se situent juste en dessous des spreads médians. Le comportement du marché du crédit enseigne que ces valorisations peuvent se maintenir plusieurs années. Il n’y a donc pas de raison de paniquer, il faut juste être plus prudent. Le plus de valeur se trouvent dans des poches spécifiques du marché mondial du crédit, telles que les financières européennes et les compagnies d’assurances.

Les valeurs techniques sont relativement stables pour le moment. Les banques centrales sont très prévisibles, les tensions liées aux élections ont pour le moment disparu et une quantité considérable de liquidités attend d’être investie.