Les taux «frappent à la porte du paradis»

Asset Management - En cette époque de taux d’intérêts très bas, voire, pour de nombreux taux européens, de rendements négatifs, le paradis serait aujourd’hui de passer du côté « positif ». Or les dernières semaines ont vu les rendements des taux remonter. Le rendement de l’emprunt allemand à 10 ans, dit « sans risque » (de défaut) sur les marchés européens, est ainsi passé de -0,15% à 0,05% entre le 28 septembre et le 14 octobre. C’est encore bien peu, mais au moins c’est positif. Comme aurait pu le dire le dernier prix Nobel de littérature, s’il eût été banquier, les taux frappent à la porte du paradis !

Dans le même temps, le rendement des taux à 10 ans américains est passé de 1,57% à 1,80%. L’ampleur de la variation est comparable, en partant d’un niveau déjà positif.

Comment cela se traduit-il dans les performances des actifs ? Les obligations d’Etat voient leur prix baisser très légèrement sur cette période (de quelques dixièmes de pourcents seulement). Côté actions, les valeurs pouvant profiter du relèvement des taux sont les valeurs cycliques, notamment les bancaires, alors que les valeurs de rendement (infrastructure, immobilier etc.) et les valeurs de qualité à croissance visible sont à la peine.

Est-ce le début d’un nouveau cycle financier, renversant la dynamique à l’œuvre depuis plusieurs années, où les valeurs de rendement et de qualité surperformaient généralement les cycliques ?

D’un point de vue structurel, il y a lieu d’en douter. Le niveau des dettes mondiales pèse sur l’activité économique, la Chine décélère et déprécie sa monnaie, exportant de la déflation dans le monde importateur, et les États-Unis, malgré leur taux de chômage très faible, ont une croissance toujours terne dans un cycle déjà ancien.

En revanche, il y a probablement un positionnement tactique favorable à trouver sur ce type d’actifs. Dans Stamina Patrimoine, nous avons ainsi acheté – avec mesure –  des actifs liés aux valeurs bancaires, plus précisément des options acheteuses (« calls ») et avons arbitré une petite partie des actifs européens vers un fonds appelé « value », lui-même fortement composé de valeurs cycliques. Nous bénéficions en outre de notre positionnement déjà ancien sur les obligations à haut rendement, notamment américain, qui sont nettement exposées aux cycliques et peu sensibles aux taux gouvernementaux.

Jusqu’où cette remontée des taux peut-elle aller ?

Le consensus est très large sur l’idée qu’un plafond sera atteint à court terme, en raison des faiblesses structurelles des Etats et de l’économie mondiale, qui impliquent en principe des taux bas. Mais le consensus se trompe régulièrement, le marché passant souvent par des extrêmes au lieu de suivre la voie moyenne.

Difficile donc, et même impossible, de fixer un terme a priori à ce mouvement. Mais rappelons-nous l’histoire boursière récente. Entre le 20 avril et le 6 octobre 2015, le rendement du Bund a bondi de 90 centièmes de points (appelés « point de base »). Entre le 1er mai et le 5 septembre 2013, le rendement du « 10 ans » américain a grimpé de 137 points.

Le récent mouvement sur les taux est donc très faible par rapport aux dernières remontées significatives. Gageons qu’avec des banques centrales devenant un peu moins accommodantes, car moins placées sous la pression par les marchés, le mouvement actuel a de bonnes chances de continuer. Positionnés comme nous le sommes dans nos portefeuilles, c’est-à-dire globalement absents des taux gouvernementaux de pays industrialisés, et repositionnés sur certains actifs pouvant profiter au contraire de ce mouvement (les valeurs cycliques) nous avons des raisons d’espérer que les portefeuilles soient assez peu impactés par ce mouvement. Et s’il perdurait, nous pourrions même envisager d’adopter un positionnement inverse : s’exposer aux taux gouvernementaux une fois qu’ils seront moins bas.

Mais il est trop tôt pour le faire. Les portes du paradis boursier ne sont pas encore grandes ouvertes…

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Alexis Bienvenu - LFDE

Gérant

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