La sérénité des marchés mise à l’épreuve

Asset Management - Les marchés ont une étrange capacité à mettre la charrue avant les boeufs. Encouragés par l’administration Trump sur des sujets tels la déréglementation et les réductions d’impôts, ils se sont rués sur les actifs risqués.

Mais les données objectives n’ont pas été aussi solides que les données subjectives. L’optimisme est certes justifié, avec des indices Citi Economic Surprise en hausse, particulièrement en Europe. Les indices des directeurs d’achat (PMI) pointent aussi vers une forte amélioration des secteurs manufacturiers dans les économies industrialisées. Mais certaines données objectives sont moins optimistes.

Aux USA, les prêts bancaires se sont contractés ces deux derniers mois. Et la seconde estimation du PIB du 4e trimestre 2016 a revu à la baisse l’investissement des entreprises, paramètre important de pérennité de la croissance américaine. En Europe, de très bons PMI ont parfois contrasté avec les chiffres beaucoup plus faibles de la production industrielle. Au Japon, les commandes de machines-outils n’ont pas progressé au même rythme que les PMI manufacturiers.

Mais les marchés restent convaincus que la conjoncture mondiale se redresse et que Trump lui donnera une impulsion supplémentaire. L’amélioration des bénéfices prévisionnels (auxquels les politiques de Trump devraient contribuer) a aussi dynamisé des indices comme le S&P 500, malgré des valorisations flirtant avec leurs records. L’ambiance générale est à la reflation, ce qui donne un coup de fouet aux cycliques et aux financières. Les marchés sont si confiants dans la trajectoire ascendante des actifs risqués que les indices mesurant la volatilité des actions sont tombés à de nouveaux plus bas depuis l’élection de Trump. Le resserrement presque continu des spreads des obligations d’entreprise en 2016 souligne aussi la sérénité du marché.

Surgissent déjà des craintes sur le report des grands projets de réforme fiscale aux Etats-Unis

Les données objectives devraient rattraper les données subjectives, ce qui justifie la confiance dans les actions. Et comme les prix et les taux d’intérêt augmentent, les rendements des bons du Trésor US devraient se rapprocher des 3% d’ici fin 2017. Mais le potentiel de volatilité reste, en particulier si les plans économiques de Trump laissent le marché sur sa faim. Surgissent d’ailleurs des craintes d’une bataille sur le remplacement de l’Obamacare si chronophage et laborieuse que les ambitieux projets de réforme fiscale soient reportés en 2018. Et au moment où la relance budgétaire promise est retardée, la Fed se lance dans un cycle de resserrement monétaire. Un tel mélange des genres pourrait pénaliser certaines classes d’actifs.

Mais la faible volatilité a le mérite de rendre les couvertures de risque assez bon marché. Si, malgré de possibles corrections passagères, les perspectives devaient rester assez bonnes pour les actions en 2017, il faudrait s’intéresser à d’autres domaines ne semblant pas intégrer de risques de déception. Les obligations d’entreprise, notamment high yield, ont profité de l’amélioration de la croissance, de la faiblesse de l’inflation et des largesses des banques centrales, ce qui a contribué à réduire les écarts de rendement par rapport aux obligations d’Etat. Mais les banques centrales normalisant leur politique, un de ces trois facteurs devrait disparaître, ce qui n’a peut-être pas été entièrement intégré.

César Pérez Ruiz - Pictet Wealth Management

Directeur des investissements & CIO

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