Royaume-Uni, des élections législatives sous tension

Asset Management - A l’approche des élections législatives britanniques prévues le 8 juin prochain, les résultats des sondages témoignent d’un rapprochement des intentions de vote entre les Travaillistes et les représentants du Parti conservateur. Ces derniers emmenés par la Première ministre, Theresa May, ne disposent plus que de 6 points d’avance sur les travaillistes de Jeremy Corbyn. À la mi-avril, l’écart était de 21 points entre les deux formations. Dans le détail, les Tories restent crédités de 43 % des intentions de vote contre 37 % au Labour.

Le parti conservateur au pouvoir est confronté à deux polémiques, la première concernant les mesures de sécurité en matière de lutte contre les attentats après celui de Manchester qui avait entraîné une suspension provisoire de la campagne et la seconde visant la « taxe sur la démence ». Pour financer les dépenses liées à la dépendance, Theresa May souhaitait contraindre les personnes concernées à vendre leur logement. Face aux réactions négatives des électeurs, la Première Ministre a été contrainte d’abandonner ce projet.

La croissance britannique en 2016 a été de 2 % avec un excellent dernier trimestre (+0,7 %). Néanmoins, un ralentissement a été constaté au cours du premier trimestre de cette année, +0,3 %. Le secteur des services qui représente une grande majorité de l’activité du pays, n’a progressé que 0,3 % contre 0,8 % au quatrième trimestre. L’institut statistique britannique, ONS, souligne par ailleurs que la consommation des ménages commence à souffrir de l’augmentation des prix des produits importés, provoquée par la dépréciation de la livre sterling. Hors produits pétroliers, l’indice des prix à l’importation a, en rythme annuel, atteint un sommet au mois de novembre 2016, à 9,4 %. En début d’année, s’est ajoutée à ce mouvement, l’augmentation des produits pétroliers. De ce fait, le taux d’inflation s’est élevé à 2,7 % au mois d’avril. Les économistes estiment que l’indice des prix pourrait dépasser 3 % au cours de l’année. Comme les salaires ne suivent pas l’évolution des prix, le pouvoir d’achat des Britanniques baisse ce qui conduit à un recul des ventes détail, -0,8 % sur le premier trimestre. Sur la même période, la production industrielle ne s’est accrue que de 0,3 % et la construction de 0,2 %. Les emprunts contractés par les entreprises comme par les ménages ont quelque peu diminué depuis le début de l’année, signe d’un léger ralentissement de l’activité. Les économistes de l’Office for Budget Responsability ont, dans ces conditions, revu à la baisse leurs prévisions. L’organisme prévoit une croissance de 1,6 % en 2018 (contre 1,7 % prévu en novembre), 1,7 % en 2019 (contre 2,1%), 1,9 % en 2020 et 2 % en 2021. Le FMI est plus optimiste maintenant le taux de croissance à 2 % pour cette année.

En ce qui concerne l’emploi, la situation reste, en revanche, très favorable. Le taux de chômage est tombé à 4,6 % à la fin du mois de mars dernier, soit le taux le plus faible enregistré depuis 1975. 381 000 emplois ont été créés en un an dont 282 000 dans le cadre du salariat et 82 000 dans le cadre du travail indépendant. Le Royaume-Uni compte 27,7 millions de salariés (84,4 % de la population active) et 4,78 millions de travailleurs indépendants. Le taux d’emploi est de 74,8 %, ce qui constitue un nouveau record. Les salaires de janvier à mars n’ont augmenté que de 2,1 % sur un an, alors que les économistes tablaient sur une hypothèse de 2,2 %. Si l’on prend en compte l’inflation, les salaires ont baissé de 0,2 %, ce qui constitue un premier recul depuis le troisième trimestre 2014. Par ailleurs, les personnes bénéficiant d’une prestation chômage sont désormais 793 000, un chiffre en hausse de 19 400 au mois d’avril. Ces derniers résultats témoignent du retour sur le marché du travail de personnes qui en étaient sorties du fait qu’elles n’espéraient pas trouver d’emploi. Mais, cela peut aussi être le symptôme précurseur d’un ralentissement de l’économie qui pourrait toucher le Royaume-Uni.

La livre sterling restera baissière tant que le Royaume-Uni n’aura pas opté pour un code de développement économique. S’il joue sur un accord équilibre avec l’Union, la monnaie pourrait se stabiliser voire légèrement s’apprécier. En revanche, si une voie conflictuelle était choisie, la dépréciation serait tout à la fois une sanction du marché et une arme du gouvernement pour rééquilibrer ses comptes extérieurs.

Theresa May promet à ses électeurs une négociation serrée avec les représentants de l’Union européenne, négociation pouvant, à ses yeux, échouer. De son côté, le candidat travailliste reconnaît le résultat du référendum du 23 juin 2016 mais souhaite ardemment élaborer un accord équilibré avec le reste de l’Europe. Les électeurs sont ainsi amenés à trancher entre deux trajectoires de négociation. Par ailleurs, le scrutin sera intéressant à analyser en Écosse. Le parti nationaliste a, ces derniers jours, mis en sourdine ses demandes d’indépendance pour centrer ses attaques sur le programme économiques des conservateurs. Un rapprochement avec les Travaillistes pourrait être imaginable dans le cadre d’une coalition. La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, a récemment affirmé que l’organisation d’un nouveau référendum d’indépendance pourrait se dérouler après la négociation portant sur le Brexit. « L’Écosse doit pouvoir choisir son avenir, choisir de suivre le Royaume-Uni sur le chemin du Brexit ou de devenir indépendante ».

 

Philippe Crevel - Cercle de l'Epargne

Directeur

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