Risque politique : souveraineté, vous avez dit souveraineté ?

Asset Management - Malgré l'arrivée d'un vaccin contre la Covid_19, la conjoncture économique reste incertaine pour début 2021. A la faveur de la crise sanitaire, comment le risque politique mondial affecte-il les marchés ?

Les chiffres sur le développement de l’épidémie et sur ses conséquences en termes de mobilité confortent la vue d’une dynamique économique compliquée à la jonction de l’année qui se termine et de celle qui démarre. La conjoncture politique reste compliquée. En Europe, deux négociations importantes sont en cours : les relations commerciales UE-RU et les propositions budgétaires au sein de l’UE.

Il faut croire à une fin heureuse, car rationnelle d’un point de vue économique ; mais les signaux en la matière reste faibles. Le poids des considérations politiques dans les discussions en cours reste élevé. Aux Etats-Unis, on discute d’un nouveau plan budgétaire de soutien à l’économie. Cela ne devrait pas être conclusif. 

Risque politique : souveraineté, vous avez dit souveraineté ?

Covid-19, les marchés inquiets

Le marché s’inquiété à nouveau de l’évolution de l’épidémie de Covid-19. Faisons donc un point rapide. Pour ce qui est des nouveaux cas, les Etats-Unis ont vraiment du mal à prendre le contrôle, tandis qu’en Europe la situation est davantage maîtrisée, même si les progrès observés paraissent encore insuffisants. La baisse semble s’interrompre au Royaume-Uni et aussi en France, tandis que la situation paraît très stable en Allemagne depuis un mois. Seule l’Espagne poursuit une décrue lente et régulière.

Quelle est la traduction en termes de mobilité et donc de contraintes mises sur la dynamique de l’économie ? Disons que la situation s’améliore en France et peut-être aussi, mais de façon moins convaincante, au Royaume-Uni. Elle est assez stable en Espagne et se dégrade en Allemagne et dans une moindre mesure aux Etats-Unis. De quoi confirmer l’idée que la croissance économique va décevoir sur la période couvrant le T4 2020 et le T1 2021. Le « mieux » devrait venir avec le printemps, si tout se passe bien sur le front de l’évolution et de la gestion de la maladie, dont l’introduction des vaccins.

Risque politique : souveraineté, vous avez dit souveraineté ?

Brexit, négociations sur le fil

Passons à la conjoncture politique et commençons par l’Europe. C’est ce soir qu’Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission européenne, et Boris Johnson, le Premier ministre britannique, se retrouvent autour d’un diner. Hier, Londres a annoncé que le projet de loi sur le marché intérieur ne contiendrait pas d’éléments contraires au traité de sortie du RU de l’UE. Disons qu’il s’agit plus de la confirmation d’un « changement de pied » — nous le sentions venir depuis quelques petites semaines — que d’un revirement inattendu. 

Le point reste en fait le même. Le Gouvernement de sa Majesté envoie des signaux contradictoires : aller à l’accord pour des raisons de rationalité économique et hésiter à la faire au nom d’une certaine vision politique de la place du pays, tant par rapport à l’histoire que dans le monde. Au pied du mur, une « nation de boutiquiers », pour reprendre l’expression de Napoléon, devrait donner la préférence aux premières. Mais c’est à confirmer !

Populisme et séparatisme…

Cela discute ferme aussi à Bruxelles et dans les capitales des pays-membres sur la façon de lever le véto, mis aux initiatives budgétaires communes et imposé par la Hongrie et la Pologne. Il faudrait réussir avant le Sommet européen de demain et après-demain. Les informations les plus récentes sont positives.

Le gouvernement polonais paraît divisé sur la ligne à tenir, avec les « modérés » qui poussent à aller au compromis. De son côté le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, parle d’un accord tout proche. La Présidence allemande de l’Europe (pour encore quelques jours ; elle change tous les six mois), à la manœuvre sur le sujet, arrive à faire avancer le dossier. Jusqu’au résultat attendu ? Nous allons le savoir très vite !

…deux visions de la souveraineté

Il y a en fait un point commun entre ces deux négociations, si importantes pour prendre la mesure du rôle de l’Europe dans les affaires internationales. Chacune questionne la notion de souveraineté. Dans un monde dont certains des acteurs sont des « géants » (d’abord la Chine et les Etats-Unis), seule une souveraineté en partie partagée permet de « tenir son rang ». Cette approche sous-tend le projet d’intégration poussée plus avant de l’UE. 

La position des Hongrois et des Polonais, d’une part, et des Britanniques, de l’autre, est différente. Les premiers veulent retrouver leur souveraineté, en profitant de l’assurance de prospérité et de sécurité apportée par l’Union (et par l’OTAN). Les seconds gardent une méfiance par rapport au projet européen, surtout s’il intègre des éléments politiques, et considèrent qu’ils restent armés pour profiter des opportunités économiques proposées par un monde ouvert et en croissance. En Europe, il est souvent plus facile de suivre la maxime cujus regio ejus religio que la devise e pluribus unum !

Etats-Unis, la politique de la montre

Passons au débat politique en cours aux Etats-Unis. Il concerne la décision de lancer un nouveau plan de relance. Nous avons fait part de notre scepticisme sur la capacité, tant des Démocrates et des Républicains que des deux chambres du Congrès et de la Maison Blanche, à s’entendre.

Malgré l’opportunité économique qu’il y aurait à aller à l’accord rapidement, le moment est simplement trop politique pour créer les conditions nécessaires à forger le consensus. Chaque camp se dit en faveur du projet, mais récuse des éléments jugés essentiels par les autres. Pendant ce temps-là, le temps se passe et il sera vite trop tard pour conclure. Cela s’appelle « jouer la montre », en s’efforçant de faire porter le blâme à ses partenaires.

Pendant ce temps, en Asie…

Parlons d’autres choses ; même si ce n’est pas complètement éloigné de la question de la souveraineté. Commençons par le Japon. Nous le savons ; la banque centrale détient 45 % de la dette publique. Eh bien, selon un dernier pointage à fin septembre, elle a en portefeuille, au travers d’ETF, l’équivalent de 7 % de la capitalisation de la bourse domestique.

Risque politique : souveraineté, vous avez dit souveraineté ?
Risque politique : souveraineté, vous avez dit souveraineté ?

Sommes-nous encore dans la régulation de l’économie de marché ou basculons-nous progressivement dans une forme, qui plus est étendue, de la Modern Monetary Policy ? Passons à la Chine. Elle semble financer moins de projets dans le monde émergent. Comme si l’ambitieuse idée des « routes de la soie » était mise en sourdine. Faut-il y voir un signe supplémentaire d’une politique aujourd’hui plus centrée sur le domestique que sur l’ouverture au monde ?