Risque politique : après l’Italie, l’Espagne

Asset Management - « Les problèmes ça vole en escadrille » disait, avec un langage plus fleuri, un ancien président français. Alors que l’Italie se cherche toujours un gouvernement, l’espérance de vie de son homologue espagnol s’est effondrée ce weekend.

Quel est le problème ?

Plusieurs membres du Partido Popular (parti conservateur du Premier Ministre Rajoy) ont fait l’objet d’une condamnation pour corruption. Le PSOE (parti socialiste espagnol, 1er parti d’opposition) a donc déposé une motion de défiance au Parlement espagnol.

Comment ça marche ?

Il y a 350 sièges au Parlement espagnol, il faut donc 176 votes pour approuver la motion. Peut-on y arriver ? Plusieurs partis on dit qu’ils soutiendront la motion : PSOE (évidement), Podemos, les deux partis catalans et un parti basque. Ce qui nous fait 175 votes. Il manque un vote.

Pour faire passer la motion il y a donc deux options :

  • Première option : Cuidadanos, qui soutient le gouvernement, pourrait aussi se décider à supporter la motion. La ligne officielle pour l’instant est qu’ils ne voteront pas la motion. En revanche, ils demandent des élections anticipées.
  • Deuxième option : il reste un parti qui ne s’est toujours pas déclaré, le PNV (Parti nationaliste basque). C’est donc lui qui tient l’avenir de l’Espagne entre ses mains.

Quelles conséquences ?

Si la motion de défiance est approuvée, le gouvernement tombe et le Parlement doit donc se trouver un nouveau gouvernement. Cela mènerait, presque automatiquement, à de nouvelles élections. En effet, sans le PP il semble impossible de former une majorité stable.

Ciudadanos (centre-droit), s’il a rappelé qu’il refuserait de gouverner avec Podemos (gauche antisystème), supporterait un gouvernement transitoire qui appellerait immédiatement à des élections.

Qui va gagner les élections ?

La cote du PP s’est effondrée depuis la crise catalane. 90,7% des espagnols pensent que Rajoy devrait démissionner, 71,6% pensent qu’il faut appeler des élections anticipées.

Le premier parti est (si l’on en croit les sondages, dont la fiabilité récente a été à toute épreuve…) Ciudadanos qui raflerait la mise mais devrait gouverner avec le support du PP faute de majorité absolue. Ciudadanos est centre-droit, proche d’En Marche ! Avec qui il compte former un groupe au Parlement Européen. Bien loin des épouvantails pour les marchés que sont M5S ou la Ligua.

Et les marchés dans tout ça ?

Les élections sont toujours une source de stress pour les marchés mais si le résultat est un gouvernement formé par Ciudadanos, c’est probablement un résultat positif pour les marchés.

L’Espagne a une situation économique plus solide que l’Italie et la probabilité de voir des partis antisystèmes prendre le pouvoir comme en Italie est marginale. Le risque politique est donc plus faible. Mais c’est exactement là que le bât blesse : beaucoup d’investisseurs se sont positionnés sur l’Espagne qui semblait offrir un degré de protection par rapport à l’Italie. Une déception ou une crainte pourrait générer des flux sortants. La force passée de l’Espagne serait alors sa faiblesse.

Stéphane Déo

Stratégiste au sein de la gestion à la Banque Postale Asset Management.

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