Le risque européen est-il américain ?

Asset Management - Le premier semestre boursier s’achève sur une note positive, particulièrement en Europe où les actions commencent à surperformer à la faveur d’un risque politique qui a baissé et d’indicateurs macro et micro-économiques positifs. Cette dynamique survient au moment où des doutes apparaissent sur la conjoncture internationale, et particulièrement américaine : bilan très maigre de la politique de reflation de Donald Trump, durcissement monétaire de la Fed, valorisations élevées à Wall Street... Comment analyser cette situation et quelle stratégie adopter ?

L’indice des actions mondiales progresse de pratiquement 10 % en monnaies locales, avec une hausse de pratiquement toutes les zones et secteurs (à l’exception notable de l’énergie) et un rattrapage « en marche » des actions européennes et émergentes, en hausse de l’ordre de 10 % en euros (mais + 17 % pour les actions émergentes exprimées en dollars). Les actions américaines obtiennent des performances également très correctes (+ 10 % de l’indice S&P 500 en USD, mais seulement + 3,5 % en euros), avec des performances plus sélectives et une contribution de près de la moitié liée aux 5 grandes valeurs « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon auxquelles il faut ajouter Microsoft). Les performances obligataires sont positives aussi sur tous les segments, et pour cause, les taux ne montent pas. Contrairement aux anticipations initiales, le Bund 10 ans reste englué autour de 0,25 % et le T-Notes US 10 ans s’est détendu jusqu’à 2,15 %.

Comment appréhender la seconde partie de l’année ?

Pour une fois, les problèmes ne viennent pas de la zone Euro. Pratiquement tous les indicateurs montrent qu’une dynamique macroéconomique est en accélération, si bien qu’une croissance supérieure à 2 % n’est plus inenvisageable. L’autre point positif est que cette croissance dépend largement de la consommation intérieure et est donc en partie immunisée de la conjoncture internationale. Cette embellie est par ailleurs assez homogène et se diffuse dans la grande majorité des pays de l’Union Européenne, notamment en France où une croissance de 1,5 % est attendue. La croissance de la zone serait de ce fait supérieure à son potentiel, si bien qu’une remontée de l’inflation serait alors possible. Ces paramètres se répercutent naturellement sur les entreprises et les perspectives bénéficiaires continuent à être révisées à la hausse. Le consensus attend désormais une progression de 17 % pour l’exercice 2017, ce qui semble assez fiable.

Le problème est que l’Europe n’est pas seule. Dans le reste du monde, la dynamique semble s’essouffler, même si l’on est loin d’une récession et si les prévisions de croissance mondiale autour de 3,5 % restent crédibles. Mais le momentum est clairement moins favorable…

Et particulièrement aux États-Unis, où l’effet Donald Trump commence à devenir négatif. Les statistiques du T1 ont été décevantes. Certes, les investisseurs sont habitués depuis plusieurs années à composer avec des statistiques de début d’année perturbées par différents aléas, notamment climatiques. Un rebond significatif était attendu au T2, mais les espoirs s’amenuisent. La politique de reflation promise par Donald Trump ne s’est pas encore concrétisée. La mise en application des réformes attendues se heurte à l’opposition du Congrès (« Obama care ») et à des difficultés administratives car bon nombre de hauts fonctionnaires nouvellement nommés n’ont pas encore pris leurs fonctions. Le programme de baisse d’impôts (s’il est mis en place) donnerait beaucoup d’espoir aux investisseurs en actions. Mais sa mise en place nécessite une visibilité sur la trajectoire de la dette fédérale et il faut donc réduire les dépenses liées à « Obama care », ce qui est loin d’être évident. Par ailleurs, l’investissement des entreprises reste décevant après des espoirs suscités par les enquêtes de sentiment des chefs d’entreprise nées avec l’élection. La promesse du « made in America » de réindustrialiser le pays se heurte à des problèmes de capacité de main d’œuvre qualifiée, notamment dans un pays proche du plein emploi dans les états les plus dynamiques. Finalement, la croissance américaine devrait se situer autour de 2,2 % cette année… sans réelle perspective d’accélération désormais.

La baisse récente des cours du pétrole suscite également le doute sur la réalité de l’activité économique

Elle redonne du crédit au scénario d’une croissance économique qui s’essoufflerait, à l’image de ce qu’il s’était passé en début d’année 2016. Le baril vient de perdre près de 20 % en quelques semaines, vers la zone de 45 dollars, et s’éloigne de la zone consensuelle de 55/60 USD, presque idéale à la fois pour les consommateurs et les producteurs. Cette baisse reflète-t-elle donc une baisse de l’activité, ou alors seulement l’incapacité de l’OPEP à réellement contrôler les prix à l’heure où la production de certains pays comme la Libye ou le Nigeria remonte ? Cette hypothèse est fort probable, d’autant plus que les producteurs de pétrole de schiste aux Etats-Unis ont également fait preuve d’une grande réactivité en abaissant leurs points morts de production de presque la moitié en quelques années, passant de la zone des 75 USD à 35/40 USD. Par ailleurs, gardons à l’esprit que la baisse du pétrole est une aubaine pour de nombreux pays, en premier lieu l’Europe, mais aussi de grands pays d’Asie comme la Chine, l’Inde et le Japon. C’est évidemment plus problématique pour la Russie, le Brésil dans une moindre mesure, et évidemment les pays du Golfe, et particulièrement l’Arabie Saoudite en proie à des difficultés budgétaires et sociales.

Il conviendra toutefois de surveiller de près ce paramètre pétrole : une cassure nette à la baisse de la zone des 40/45 dollars le baril serait techniquement très négative et pourrait être interprétée comme un signe de retournement de la croissance mondiale.

Ce n’est toutefois pas encore le scénario le plus probable. Il y a juste une déception sur la prolongation attendue du cycle américain qu’avait suscité l’élection de Donald Trump. La Chine ne donne pas de signal d’affaiblissement (au prix d’une explosion de la dette toutefois) de même que la majorité des pays émergents. En revanche, il y a un impact qui se ressent déjà sur les statistiques d’inflation, ce qui peut troubler la lecture des politiques monétaires et contribue au maintien de taux d’intérêt obligataires très bas. Le rythme de hausse des prix a clairement ralenti en raison de cet effet pétrole : + 1,4 % dans la zone Euro alors que l’objectif de 2 % d’inflation était pratiquement atteint en début d’année. De même, aux états-Unis, l’inflation publiée est retombée à moins de 2 %. Ceci accrédite la thèse que les marchés ne croient plus au scénario de reflation.