La récente baisse de l’inflation et son incidence sur l’allocation

Asset Management - En début d’année, l’inflation américaine semblait repartir doucement à la hausse dans un contexte de croissance économique soutenue et de tensions sur le marché de l’emploi. L’IPC de base, qui exclut les prix de l’énergie et des produits alimentaires, atteignait ainsi 2,3 % sur 12 mois glissants (y/y) en février.

De son côté, le déflateur de base des dépenses de consommation, qui est l’indice suivi par la Réserve fédérale, s’affichait à 1,8 % y/y sur le même mois, proche des 2 % visés par la Fed. Nos prévisions annonçaient une accélération progressive et continue. Au lieu de cela, l’inflation a rétrogradé ces derniers mois, les deux indices repassant largement en-dessous de 2 % sur 12 mois glissants. Dans une certaine mesure, l’inflation des salaires s’est également ralentie ces derniers temps. Quelles sont les raisons de ce fléchissement, et quelles en sont les conséquences pour les portefeuilles multi-actifs ?

La baisse de l’inflation suscite deux craintes interdépendantes, l’une étant qu’elle puisse signaler un affaiblissement de l’économie, et l’autre que l’apparente détermination de la Fed à poursuivre sa politique de resserrement monétaire puisse s’avérer une erreur conduisant l’économie en récession. Sur ces deux aspects, notre vision est plus optimiste, même si les surprises à la baisse de l’inflation n’ont pas une cause unique.

Mais surtout, nous voyons peu de lien à court terme entre l’évolution de la croissance et les chiffres d’inflation globale. L’inflation nous semble plutôt liée au « slack » (ressources inutilisées) dans l’économie. Mais sur les vingt dernières années, même ce lien s’avère relativement limité. Tout en estimant que ce slack continue de jouer un rôle, et que les faibles taux d’inflation récemment observés restent dans les limites des résultats historiquement prévisibles, d’autres forces pèsent lourdement sur la courbe de Phillips (qui illustre la relation entre inflation et chômage) depuis début 2017. L’inflation s’est ralentie dans des catégories clés, telles que les soins médicaux ou les loyers, sans afficher de lien significatif à court terme avec le cycle économique. Un changement ponctuel important dans les forfaits de téléphonie mobile a pesé sur l’indice des prix à la consommation, tandis que plusieurs composants très volatiles, tels que les tarifs aériens, affichent également des chiffres à la baisse depuis février.

Dans quelques cas, nous pensons que les chiffres reflètent effectivement une variation de la demande à court terme. Les prix des voitures neuves ont ainsi récemment fléchi en raison du ralentissement des ventes. Mais cette baisse nous semble relative : même si les ventes de voitures ont baissé, les dépenses totales de consommation sont restées stables.

Nous ne savons pas encore si les changements technologiques et de comportement de travail pèsent sur l’inflation, en pesant notamment sur les salaires. Mais ces forces n’expliquent pas non plus pourquoi l’inflation, qui était repartie à la hausse de manière convaincante quelques mois auparavant, s’est soudainement ralentie ces derniers mois. Tout en notant le récent fléchissement de l’inflation, le FOMC (Federal Open Market Committee) n’a pas encore donné le signal d’un changement de trajectoire flagrant de sa politique monétaire. Cette attitude tranche avec le niveau élevé de dépendance de la Fed à l’égard des statistiques économiques en 2015 et 2016. Le risque d’erreur de politique de la Fed nous apparaît toutefois limité sur l’année à venir, pour deux raisons. Premièrement, la politique de la Fed nous apparaît encore conciliante. Elle ne commencera à peser sur la croissance qu’après plusieurs autres hausses de taux. Même en supposant que le taux réel neutre des fonds fédéraux se situe aux alentours de zéro à l’heure actuelle, les « dots » prévisionnels du FOMC n’atteignent ce niveau que vers la fin de 2018, ce qui laisse une importante marge de hausse avant que la politique monétaire ne devienne réellement restrictive. Deuxièmement, la Fed n’appliquera certainement pas sa politique à l’aveugle, en ignorant les informations à
venir. Dans leur ensemble, les membres du FOMC analysent probablement l’inflation de la même manière que nous, observant le faible niveau de chômage et en concluant que l’inflation devrait à terme augmenter.

En l’absence d’un meilleur modèle prévisionnel, il faudrait que l’inflation dévie de sa tendance sur une plus longue période pour qu’elle aie un impact significatif sur le raisonnement de la Fed. Plusieurs membres du FOMC ont toutefois déjà évoqué cette baisse de l’inflation et son incidence éventuelle sur leur approche d’ici la fin de l’année et dans la perspective de l’année prochaine. La Fed affiche ainsi une certaine sensibilité à cette évolution récente, ce qui réduit le risque d’un resserrement monétaire excessif.

Tout en estimant que l’économie américaine est en cours de transition vers une fin de cycle, la faiblesse de l’inflation laisse à penser qu’un resserrement vigoureux de la politique monétaire n’est pas nécessaire, ce qui renforce notre conviction selon laquelle le risque de récession à court terme reste relativement limité. Alors que les politiques de bilan des banques centrales passent de l’expansion à la contraction, nous anticipons des pressions à la hausse sur les rendements obligataires. La stabilité de l’inflation laisse toutefois présager une remontée graduelle des taux directeurs, susceptible de contrecarrer ces hausses à l’extrémité plus longue des courbes. Le faible
risque de choc lié à la politique monétaire suggère en outre que les obligations d’État resteront une couverture efficace pour les actifs risqués.