Politique monétaire : la Fed tiendra-t-elle ?

Asset Management - Plus d'un an après le début de la crise sanitaire, les Etats-Unis pourraient être le premier pays occidental à effacer les séquelles de la Covid-19. Le retour de la croissance écarte-il le risque d'inflation ? Quel impact sur la politique monétaire de la Fed ? Le point avec Karamo Kaba, Directeur de recherche économique chez Ecofi.

L’activité économique n’a cessé de surprendre par sa vigueur sans que cela n’ait d’impact réel sur les rendements obligataires. Le ton conciliant des autorités monétaires envers l’inflation poussée à la hausse par des effets de base favorables liés à l’énergie — et l’existence de goulets d’étranglement qui devraient s’atténuer lorsque la pandémie sera sous contrôle expliquent ce paradoxe.

Dans la mesure où la situation sanitaire en Inde risque de réduire à néant les efforts constatés sur le front de la vaccination, le biais accommodant de la politique monétaire pourrait donc durer un certain temps. Néanmoins, cette attitude serait remise en cause si l’emploi et les composantes « prix » des indicateurs avancés continuaient sur leur dynamique actuelle.

Entre vaccins et variants

Selon les données de la plateforme Our World in Data, plus de un milliard de doses ont été injectées depuis le début de la campagne de vaccination dans le monde. Derrière ces chiffres se cachent d’énormes disparités, les pays du G7 (33 % du total, dont 21 % pour les Etats-Unis) se taillant la part du lion. Tous ces efforts risquent toutefois d’être réduits à néant suite à l’apparition d’un variant plus résistant en Inde, où la situation sanitaire semble hors de contrôle.

Même si le pays a récemment reçu l’aide internationale, le mal semble être fait puisque le pays se dirige vers une contraction de 7,7 % de son PIB pour l’année fiscale 2021 contre une estimation initiale de +12,5 % de la part du FMI. Dans ces conditions, compte tenu de son poids important (7 % du PIB mondial), notre prévision pour le PIB mondial a été abaissée (-0,4 point, à +4,5 % pour 2021).

USA, le retour de croissance

Malgré cette révision, l’optimisme n’a cessé de gagner du terrain. Nous avons ainsi assisté à une cohorte de données économiques de très belle facture. Les Etats-Unis ont vu l’activité accélérer au premier trimestre (+6,4 % en rythme annualisé), portée par la dynamique de la consommation et des dépenses d’investissement. Et si nous nous fions à l’évolution des indicateurs avancés, le pic de la croissance américaine est encore devant nous.

Revenu à -0,9 % de son niveau d’avant la crise, les Etats-Unis devraient être le premier pays occidental à effacer les séquelles de la Covid-19. Il faudra sans doute plus de temps à la zone euro après son entrée en récession (-0,6 % sur le trimestre). L’activité de la zone, qui se situe désormais à -5,5 % de son niveau pré-Covid-19, a été freinée par les mesures sanitaires mises en place pour contenir la pandémie. Sa réouverture progressive devrait faciliter l’accélération de la croissance et des prix.

Quelle politique pour la Fed ?

Cette perspective ne suffira pas pour que la Réserve fédérale (Fed), et encore moins la Banque centrale européenne (BCE), commencent à changer son discours. La Banque centrale américaine a continué à adopter un ton particulièrement conciliant envers l’inflation.

Il n’est toutefois pas certain que le calme de la Fed persiste si l’emploi et les composantes « prix » des indicateurs avancés continuent sur leur dynamique actuelle. Elle pourrait bientôt commencer à préparer les esprits à un retrait progressif de l’assouplissement quantitatif, qui interviendrait au premier trimestre de l’année prochaine avant de relever ses taux directeurs l’année suivante.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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