Pays nordiques : le couple taux d’intérêt et investissement obligataire

Asset Management - Ces dernières années, la baisse des taux d'intérêt a entraîné la chute du rendement de l'investissement obligataire. Ce segment reste-il intéressant dans les pays nordiques ? Comment aborder ce segment de marché ? Le point avec Tomas Hildebrandt, Gérant Senior en charge de la gestion institutionnelle d'actifs français chez Evli.

Au cours des vingt dernières années, les taux d’intérêt ont fortement baissé pour atteindre des niveaux record, ce qui a favorisé à la fois l’économie et la croissance des marchés financiers. Mais comment les pays nordiques s’inscrivent-ils dans ce contexte et les investissements obligataires ont-ils encore du potentiel en réserve ?

Cela vaut-il encore la peine d’investir dans l’obligataire ?

La mission du marché obligataire est de canaliser les financements vers ceux qui en ont besoin. Cependant, l’évolution des marchés mondiaux a soulevé des questions fondamentales sur l’emprunt : qu’est-ce qu’un taux d’intérêt sans risque, le prix de la dette est-il légitime et les primes de risque sont-elles suffisantes ? En outre, les anciennes dynamiques du marché obligataire fonctionnent-elles encore ?

L’attrait pour des taux élevés est contrebalancé par les risques encourus. Un taux d’intérêt plus élevé représente une compensation pour un risque plus élevé. A mesure que la récompense pour la prise de risque diminue, l’importance de diversifier le portefeuille obligataire est accentuée, afin que les potentielles difficultés de paiement des emprunteurs ne pèsent pas excessivement sur le rendement du portefeuille.

La caractéristique la plus importante d’un investissement obligataire réside dans le fait qu’il constitue un passif pour l’emprunteur. En règle générale, le créancier a un droit de premier rang sur les actifs du débiteur et le créancier reçoit généralement une compensation pour le prêt accordé. L’avantage de la dette pour l’investisseur reste son droit de premier rang sur les actifs du débiteur ou de l’émetteur. Cette caractéristique offre une sécurité à l’investisseur, tant qu’il connaît la valeur réelle de cette garantie.

Rendements obligataires positifs

La perspective d’une hausse des taux d’intérêt interroge donc actuellement l’investisseur : une hausse des taux d’intérêt réduit la valeur du capital et des taux  plus élevés reflètent des risques plus élevés sur les émetteurs ou une liquidité plus faible. Une baisse des rendements des investissements obligataire semble dès lors inévitable. Toutefois, il n’est pas impossible d’obtenir des rendements plus élevés avec une stratégie de taux appropriée.

De nombreux investisseurs se demandent s’il n’est pas possible d’obtenir une meilleure compensation pour la prise de risque dans des instruments obligataires complètement différents. Des rendements plus attractifs sont de plus en plus souvent offerts sur les marchés non cotés ou par le biais d’accords de gré à gré, comme dans le cadre de la dette privée.

Ainsi, la nature des investissements obligataires change-t-elle dans l’environnement de taux actuel et il ne s’agit plus seulement de percevoir un coupon élevé. La valeur des investissements obligataires sera affectée à l’avenir par de nouveaux facteurs qui, s’ils sont utilisés, rendent disponibles des rendements positifs.

Impact sur les marchés nordiques

Dans les pays nordiques, nous avons la chance d’avoir des taux d’intérêt bas, mais il y a toujours une crainte grandissante sur une éventuelle hausse des taux. Hormis une hausse des taux d’intérêt par la Banque Centrale norvégienne, les niveaux généraux des taux d’intérêt sont néanmoins bas et le resteront pour l’instant.

Toute augmentation de la Banque Centrale Européenne interviendra longtemps après une hausse des taux de la Réserve Fédérale, mais il est inévitable que sa politique monétaire se durcisse et nous devons nous y préparer.

Quel avenir pour l’investissement obligataire ?

Le développement de l’économie mondiale a été influencé à un rythme soutenu par de grandes mégatendances, qui ont également eu un impact sur les taux d’intérêt mondiaux. Les progrès technologiques, l’information en temps réel, la croissance du commerce international, les flux de capitaux à l’échelle globale, la prospérité croissante des pays en développement et l’émergence de nouveaux services sont autant de facteurs qui ont accru le capital à l’échelle mondiale.

En 2005, le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a introduit l’idée d’une « surabondance d’épargne mondiale ». Malgré des crises occasionnelles, l’épargne excédentaire a cherché fébrilement des cibles d’investissement, poussant ainsi les taux d’intérêt à la baisse. La baisse des taux d’intérêt, à son tour, a profité à tous les débiteurs,  des souscripteurs d’emprunts immobiliers aux entreprises, en passant par les Etats. À leur tour, les économies sont même devenues dépendantes de coûts de financement bon marché.

La baisse des taux d’intérêt a donc entraîné une augmentation de la valeur en capital d’un investissement obligataire, et les faillites d’émetteurs ne se sont pas matérialisées comme on le craignait lors des crises financières. Dans le même temps, les stratégies d’investissement obligataire se sont rapidement développées.

L’importance de la gestion des risques

Actuellement, les attentes de rendement à long terme sur le marché obligataire sont plus faibles que jamais dans de nombreuses catégories dites traditionnelles de taux d’intérêt. Outre le marché traditionnel des obligations corporate, le marché des prêts par émission de dette privée a notamment émergé, et de plus en plus de moyennes et grandes entreprises demandent un financement par ce biais. De plus, l’investissement obligataire ne consiste plus seulement aujourd’hui à acheter un coupon fixe.

Nous trouvons notamment sur ce segment d’investissement des obligations à taux variable, des CDOs, des CDS, des ETFs obligataires et des titres convertibles en fonds propres ainsi que divers instruments de dette structurée. Et avec cette complexification de l’investissement obligataire, il est essentiel de souligner l’importance de la gestion des risques, tandis que la réglementation des marchés s’est aussi renforcée de son côté depuis la dernière crise financière.

Tomas Hildebrandt - Evli Fund Management Company

Gérant Senior pour des clients institutionnels

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