Or et mines : en route vers les sommets ou faux signal ?

Asset Management - Depuis juin 2019, les cours de l'or sont repartis à la hausse. Comment expliquer ce mouvement sur les marchés ? Quel est l'impact de l'inflation et de la politique des banques centrales ? Quel rôle jouent les mines et l'industrie aurifère ? Arnaud du Plessis, Gérant actions thématiques spécialisé sur l’or et les ressources naturelles chez CPR AM, partage son analyse.

Après testé à de nombreuses reprises — et sans succès depuis 2014 — la zone de résistance définie à $1365/$1385/oz, les cours de l’or l’ont finalement pulvérisée le 20 juin. C’est arrivé après que Jerome Powell a ouvert la porte à une inversion de la politique monétaire de la Fed, et ce dès le FOMC de fin juillet. La question est maintenant de savoir si la trêve décidée par Donald Trump et Xi Jinping — dans la guerre commerciale qui les oppose — ne va pas contrarier cette anticipation des marchés.

En attendant, les chartistes n’excluent pas une poursuite du mouvement haussier de l’or jusqu’à ~$1700/oz à moyen-terme — réplication de la hausse observée depuis le creux de décembre 2015 jusqu’au top de juillet 2016 : $1046/$1375/oz (~$325/oz), à partir du point de rupture à $1365/$1385/oz — avec des points intermédiaires à ~ 1485/oz puis ~$1585/oz — 50 % et 61,8 % de la baisse 2011/2015 : $1921/ $1046/oz. Pas de remise en cause de cette tendance, ni de ces objectifs tant que $1350/$1365/oz servira de soutien au marché. A suivre…

Inflation et taux réels

En dehors des anticipations inflationnistes qui restent en berne, les signaux donnés par les principaux « moteurs » de l’or ont été plus affirmés en juin. A commencer par le dollar US, qui semble avoir marqué un point d’inflexion, et dont l’accélération à la baisse donnerait une indication très positive pour le marché de l’or — dont les cours sont inversement corrélés dans les deux tiers des cas.

Bien que n’offrant pas de rendement, l’or profite de la très nette détente des emprunts d’état observée de par le monde, avec plus de $ 12,5 trillons offrant même des rendements négatifs ! En l’absence de reprise inflationniste, le maintien des taux réels à un faible niveau — voire leur accélération à la baisse — constituerait une 2e indication très positive. L’aversion au risque, bien que plus versatile, est toujours bien présente, et n’est pas non plus à négliger. L’évolution de la parité $/¥ — inversement corrélée au cours de l’or — l’illustre bien.

Cours de l’or à l’international

A noter que si les cours de l’or demeurent plus de 25 % ($) en deçà de leur sommet de septembre 2011, ils ont établi de nouveaux sommets dans de nombreuses devises, à l’image de la Roupie indienne, et surtout des devises « minières » : Rand sud-africain, Dollar australien et canadien, ce qui est particulièrement favorable à l’industrie minière aurifère de ces régions.

Il y a un regain notable d’intérêt pour les ETPs (en anglais Exchange-Traded Product, NDLR) adossés à l’or, dont les encours ont bondi de 110 tonnes en juin — recouvrant leur niveau d’avril 2013 — et s’affichent en hausse de 97 tonnes depuis janvier. La tendance est la même sur les marchés à terme, avec des positions ouvertes non-commerciales nette-acheteuses en progression de 193,47k lots, soit 19,347Moz (~601,7 tonnes).

Autres Métaux Précieux

La corrélation historique des cours de l’argent métal avec ceux de l’or a disparu et « l’or du pauvre » semble avoir perdu son statut de métal précieux. La performance relative de l’argent par rapport à l’or est aujourd’hui au plus bas depuis 1992. Ainsi, le « Mint Ratio » (ratio or/argent) a clôturé fin juin à 92,15x contre 89,3x le mois précédent et 82,75x fin décembre, largement au-dessus des moyennes observées depuis 10 ans, 20 ans et 30 ans, respectivement à 66,4x puis 63,7x et 67,3x. Dans ces conditions, les producteurs d’argent sont à la peine mais gardons en tête que près de 70 % de l’argent produit prend la forme de « by-product », les compagnies argentifères n’assurant que 30 % de la production globale.

Au sein des platinoïdes, et à l’image de l’argent métal, les cours du platine n’ont que peu profité de l’engouement du marché pour l’or. Force est de constater que l’accumulation de positions sur les ETPs adossés au platine — et dont les encours ont atteint un record historique (93 tonnes) — n’a eu que peu d’influence sur les cours, touchant par ailleurs un point bas historique contre ceux de l’or à 0,58x. En revanche, l’intérêt demeure pour le palladium dont les cours ont repris leur ascension ; +15,5 % ($) en juin ; après la consolidation observée le mois dernier.

Quid des mines d’or ? 

Les mines aurifères ont bien profité de la situation, amplifiant la performance de l’or de ~2,35x en juin (NYSE Arca Gold Miners NTR $ : +19,1 % vs Gold $ : +8,04 %). Peu nombreux sont les investisseurs globaux exposés à cette classe d’actifs. Le franchissement de résistances majeures en a incité plus d’un à se repositionner. Pourtant, si les cours de l’or sont revenus tester leur niveau de mai 2013, les mines en sont encore loin. Elles ne sont même pas parvenues à dépasser celui atteint durant l’été 2016 ($~18 %/20 % des cours actuels). Si les mines évoluent davantage en ligne avec le métal jaune depuis 2017, l’écart de performance par rapport à l’or depuis le sommet de septembre 2011 demeure considérable (~-58 % vs -27 % – $).

Un maintien de la tendance de l’or observée ces dernières semaines offrirait des perspectives de revalorisation considérables. Elles reposeraient sur un effet de levier sur le résultat des mines potentiellement très significatif, quand on sait les coûts totaux (en anglais all-in costs ou AIC, NDLR) des producteurs américains est aujourd’hui de l’ordre de $1200/oz. Le momentum bénéficiaire du secteur aurifère s’est repris en juin, mais demeure en repli de ~3,5 % sur un an glissant. Pas de réelle modification en revanche des anticipations de cours moyens attendus pour 2019, qui demeurent autour de $1325/oz vs $1250/oz en début d’année.

Valorisation de l’industrie aurifère

A 1x P/NAV (spot), la valorisation moyenne des mines d’or ne prend en considération aucune découverte ni développement supplémentaire par rapport à l’existant. Elle se situe à un écart-type en deçà de la moyenne observée depuis 2013. A noter que la hausse récente du secteur n’a pas entraîné un re-rating du secteur — bien au contraire — grâce à l’appréciation de l’or sur la période. 

L’analyse des P/CF corrobore cette approche – à ~7x P/CF, la valorisation du secteur aurifère se situe un écart-type en deçà de la moyenne observée ces 10 dernières (~9,5x). Toute choses étant égales par ailleurs, un retour à la moyenne pourrait justifier une hausse de ~25 % du secteur.

Arnaud du Plessis

Gérant actions thématiques spécialisé sur l’or et les ressources naturelles

Voir tous les articles de Arnaud