Métaux précieux : palladium, décollage imminent ?

Asset Management - Sans doute le moins connu des métaux précieux, le palladium poursuit en toute discrétion un parcours impressionnant : +50% sur un an et déjà +23.40% depuis le début de l’année ! Pourtant, ce mouvement pourrait n’en être qu’à ses débuts, et le palladium receler encore un très fort potentiel d’appréciation.

Produit essentiellement par l’Afrique du Sud et la Russie, qui représentent à eux deux 75% de la production mondiale, ce métal sera en 2017 en déficit de production pour la sixième année consécutive, avec une consommation 25 tonnes supérieure à la production mondiale (207 tonnes attendues en 2017). En cause, la forte augmentation de la demande de ce métal pour sa principale utilisation : la fabrication de pots catalytiques pour les véhicules essence.

Ceci n’est pas un problème en soi, car le palladium est une matière de stock, ce qui signifie que sa consommation n’entraîne pas sa destruction, contrairement aux matières de consommation comme le pétrole.

Toutefois, pour ce faire, il faut qu’il y ait du stock disponible. Et il semble que celui-ci soit en train de se réduire à vitesse grand V. Pendant plusieurs années, le marché s’est équilibré grâce aux stocks russes. Historiquement, il semble que la Russie ait constitué des gros stocks de ce métal dans les années de guerre froide, avec l’idée que le palladium pourrait être utile pour mener à bien les projets de fusion à froid. Une fois le mur de Berlin tombé et les rêves de fusion à froid « reportés », le gouvernement russe a autorisé la vente des stocks de palladium.

Même si les informations sur le niveau de ce stock ne filtrent pas, le fonds russe a annoncé fin 2014 qu’il allait à nouveau se porter acquéreur de palladium, laissant supposer que ses stocks arrivaient à leur terme. Le marché a depuis trouvé une nouvelle source d’approvisionnement dans les ETF, dont les détentions ont été divisées par 2 en quelques mois. Au niveau de déficit actuel, même si la totalité des détenteurs d’ETF décidaient de vendre leurs positions, le stock ne permettrait de couvrir les déficits que pour 2 ans et demi !

Lorsque les stocks diminuent, il est souvent nécessaire que le prix augmente afin de mobiliser de nouvelles ressources. C’est sans aucun doute ce qu’il se passe depuis quelques mois. Mais à présent, de nouveaux signes de tensions laissent à penser qu’une véritable tension existe sur l’approvisionnement physique de ce métal, et pourrait être la cause d’une nouvelle flambée des prix.

Deux indicateurs retiennent particulièrement l’attention. D’abord le Palladium Forward Offered Rate (PAFO), qui est l’écart entre le taux auquel un investisseur peut prêter le métal et le taux d’intérêt de référence à court terme (LIBOR). En temps normal et si le marché est bien approvisionné, ce taux n’a pas de raison d’être négatif, c’est-à-dire qu’il est moins rémunérateur de prêter le précieux métal que de placer son argent à court terme. Toutefois, lorsque la matière première vient à manquer, la rémunération offerte pour un prêt de palladium augmente et le PAFO passe alors en territoire négatif. Cela s’est déjà produit en fin d’année dernière au mois de novembre, où ce taux avait atteint son niveau le plus important depuis près de 10 ans. Mais, après une normalisation dans les premiers mois de 2017, le PAFO vient de connaître une nouvelle accélération. Il culminait ainsi à 30% le 9 juin.

En temps normal, afin qu’il n’y ait pas d’arbitrage possible, le prix d’une matière première est plus cher à terme qu’au comptant. Cela correspond au fait qu’un acheteur au comptant devra payer les coûts de stockage de la marchandise. Le prix à terme est donc égal au prix comptant majoré des coûts de stockage, ce qui rend les deux opérations équivalentes financièrement (à noter qu’entre en compte également une composante liée au portage financier, que nous ne développons pas ici pour plus de clarté).

Toutefois, dans certains cas, si une matière première devient difficile à trouver, certains acheteurs sont prêts à payer plus cher la marchandise au comptant afin d’être sûrs de pouvoir s’approvisionner. Le prix à terme est alors moins cher que le prix au comptant. Cela revient à rémunérer l’acheteur qui accepte de reporter son achat à plus tard en acceptant de lui vendre la marchandise moins cher s’il est prêt à attendre pour se la procurer. On parle alors de marché en backwardation. Plus on s’éloigne dans le temps, plus le prix de la matière première baisse. On mesure l’importance de ce phénomène en calculant l’écart entre deux échéances, appelé spread.

Sur le marché des métaux précieux, étant donné l’existence d’un stock mobilisable constitué par le métal déjà vendu qui peut être recyclable, cette situation est relativement rare. Sur le palladium, ce phénomène de spread positif ne s’est pratiquement jamais produit, hormis à la fin des années 90 lorsque les livraisons russes ont été perturbées et ont déstabilisé le marché. A l’époque, entre 1997 et 2000, le palladium avait multiplié ses cours par cinq.

Or, depuis un mois, on observe une tension sur le spread de plus en plus importante. Celui-ci offre à présent un rendement de plus de 2% à l’investisseur qui accepte de reporter son achat jusqu’à l’échéance suivante. La répétition de ce phénomène rarissime à quelques mois d’intervalle (novembre 2016 et aujourd’hui) peut laisser penser qu’une tension est bel et bien en train de se confirmer sur le marché physique. Et si ce phénomène devait se confirmer, le palladium n’en aurait sans doute pas fini de monter…

Benjamin Louvet - OFI AM

Gérant matières premières

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