Métaux précieux : une nouvelle dynamique ?

Asset Management - Après un début d'année qui lui avait permis de progresser de 9%, l'or a connu une période de stabilisation jusqu'au milieu du mois de Mars. En cause : les anticipations de la remontée des taux par la Réserve Fédérale américaine (FED), qui en faisant remonter les taux d'intérêt réels, diminue l'attrait relatif d'un actif comme l'or, sans rendement. Du fait de la possibilité des investisseurs d'abriter à tout moment les différentes classes d'actifs, il y a historiquement une relation forte entre le niveau réel des taux d'intérêt et le cours du métal jaune.

Ce n’est que depuis début avril que l’or a trouvé une nouvelle dynamique. C’est d’abord la ré-appréciation du risque géopolitique qui a motivé les investisseurs à se tourner vers des actifs considérés comme refuge. La décision de Donald Trump de bombarder la Syrie, puis la montée des tensions avec la Corée du Nord, ont rappelé à chacun le caractère impulsif du président américain, alors que les foyers de tension ne manquent pas. Il est, à ce titre, curieux de noter que Donald Trump est le quatrième président élu par les Américains sur la base d’un engagement à réduire la présence des soldats américains dans les conflits mondiaux, avant de lancer de nouvelles frappes dans les mois qui suivent leurs investitures…

C’est ensuite une interview donné par le président américain au Wall Street Journal qui a permis à l’or de reprendre sa marche en avant. Donald Trump a en effet pris tout le monde de court en annonçant, entre autres choses, qu’il jugeait le dollar trop fort, et que Janet Yellen était une personne qu’il appréciait et que son sort n’était pas réglé à l’issue de son mandat en  2018. Le marché y a vu la perspective d’une politique monétaire plus accommodante. Les positions optionnelles à l’achat et les investissements sur les ETF sont ainsi progressivement repartis à la hausse et les changements de recommandation se multiplient. Seul Goldman Sachs reste prudent…

Mais la surprise est venue de la reprise vigoureuse de la demande indienne. Ce marché a été perturbé en 2016 en raison d’une grève des bijoutiers en début d’année, puis de l’opération de démonétisation du gouvernement en novembre, qui avait empêché les indiens d’acheter le précieux métal du fait du manque de cash disponible. Tout ceci est maintenant du passé et si les chiffres à fin mars montrent un recul des importations de 20% sur l’année passée, la demande repart fortement depuis le début de l’année. Le mois de mars a ainsi vu les importations progresser de 582,5% par rapport au mois de mars 2016, à 120,8 tonnes. Si l’effet de base peut en partie expliquer ce chiffre, la tendance semble clairement confirmée : sur les trois premiers mois de l’année, les importations ont atteint 230 tonnes, réalisant le meilleur premier trimestre depuis 2013, et approchant les achats réalisés d’avril à octobre de l’année dernière !

Cette demande devrait se poursuivre au mois d’avril, avec l’approche des festivals et de la période propice aux mariages. La tradition indienne veut que les hindous offrent des dons en or aux temples pour les fêtes. Et la loi indienne n’octroyant pas de place à la femme dans le droit successoral jusque récemment, les indiens ont pris l’habitude de constituer une dot en or à leur fille lors de son mariage, l’or étant le seul bien du foyer dont la responsabilité est confiée à l’épouse. L’appréciation de la roupie indienne a en outre compensé en partie la hausse du cours de l’or en dollars, ce qui a maintenu le flux d’achat. D’ordinaire, les indiens réduisent leurs achats lorsque les prix internationaux augmentent.

Risques géopolitiques, dollar faible et désormais retour des indiens à l’achat sur le précieux métal : une nouvelle dynamique est bel et bien en train de s’installer. Ainsi, tant que la hausse des taux d’intérêt réels restera contenue, l’or pourrait connaître une nouvelle vague d’appréciation.

Benjamin Louvet - OFI AM

Gérant matières premières

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