Marchés financiers : United States of Covid-19

Asset Management - Le coronavirus continue de s'étendre. Les Etats-Unis sont devenus l'épicentre de la pandémie. Le pays de l'Oncle Sam risque-t-il d'entrer en récession, malgré les plans de sauvegarde de la Réserve fédérale (Fed) ? Dans ce contexte, le dollar reste-il une valeur refuge ? Karamo Kaba, Directeur des études économiques chez Ecofi Investissements, partage son analyse.

Après un fort rebond sur la semaine — 12,84 % pour le Dow Jones, à 21 637 points — les indices américains ont mis fin au marché baissier, caractérisé par une perte de 20 % des cours par rapport au pic. Cependant, la poursuite de ce regain d’optimisme des places financières dépendra de l’amélioration observée sur le plan sanitaire. Si, en Italie, des progrès sont observés et font espérer une stabilisation prochaine dans la Péninsule, le cas des Etats-Unis inquiète particulièrement.

Avec plus de 123 828 personnes testées positif au Covid-19, le pays est devenu le principal foyer de propagation de l’épidémie, loin devant l’Italie (92 472 cas) et la Chine (81 439 cas). Selon toute vraisemblance, on se dirige vers un confinement plus strict dans la première économie du monde si les autorités veulent mettre fin à la progression exponentielle de la maladie. Pas sûr que cette perspective, en dépit de l’annonce d’un plan de relance XXL de 2 000 milliards de dollars — soit près de 10 % du PIB — soit du goût des investisseurs qui pourraient en profiter pour réduire encore la voilure.

Plans de sauvegarde et craintes de récession

Cette situation continuera de peser sur les marchés obligataires souverains, notamment aux Etats-Unis où nous avons même observé le rendement du taux à 3 mois tomber en territoire négatif. C’est le reflet des interventions massives des banquiers centraux pour améliorer la liquidité sur les marchés financiers. La Réserve fédérale (Fed) a ainsi annoncé qu’elle allait porter ses achats de bons du Trésor à au moins 500 milliards de dollars et ses achats de titres hypothécaires à 200 milliards de dollars, auxquels sont désormais éligibles les titres hypothécaires commerciaux.

En plus de cela, la Fed s’active tout azimut, lançant plusieurs initiatives dont le Primary Market Corporate Credit Facility (PMCCF) et le Secondary Market Corporate Credit Facility (SMCCF) afin de soutenir les entreprises à traverser la récession sans trop de casse. En écho à cet activisme, le bilan de la Banque centrale a gonflé de près de 600 milliards de dollars sur la semaine, soit la plus forte expansion hebdomadaire de l’histoire de l’institution monétaire. Ces agissements suffisent à expliquer une partie du recul du rendement du taux à 10 américain (-26 points de base soit 0,68 %).

L’autre partie de la baisse des rendements peut être expliquée par la crainte d’une récession profonde, après notamment la publication des indices PMI préliminaire de Markit pour la zone euro, tombés à un plus bas historique. Même les Etats-Unis auront du mal à échapper à une forte récession comme l’a montré le bond des inscriptions à l’assurance chômage (3,283 millions de personnes), ce qui fait craindre une explosion du taux de chômage qui pourrait aller au-delà du seuil de 5 % en mars.

Défiance vis-à-vis du dollar et choc pétrolier

Le spectre d’un dérapage de la situation sanitaire aux Etats-Unis, à l’image de la ville martyre de New York, a entraîné une vague de défiance vis-à-vis du dollar. Les investisseurs semblent craindre une bonification du plan de relance, ce qui aurait des effets dévastateurs sur les finances publiques. Le billet vert s’est ainsi déprécié contre toutes les monnaies (-4,33 % sur la semaine à 98,365 points). Malgré l’annonce de la Banque centrale européenne de s’affranchir de certaines limites pour lui permettre d’acheter davantage de titres, l’euro figure parmi les principales devises gagnantes par rapport au dollar (+4,1 % sur la semaine, à 1,1135 dollar).

Dans ces conditions, le pétrole a une nouvelle fois dévissé (-7,56% à 24,94 dollars le baril pour le Brent), victime des craintes d’une dépression et de la guerre entre la Russie et l’Opep. Cette stratégie de gains de parts de marché des Saoudiens est en passe de trouver une limite après que plusieurs responsables américains — dont le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo — aient fait part de leurs préoccupations. La pression devrait donc s’accentuer sur le prince Mohammed Ben Salman. Rien ne dit que ce dernier cédera vu les sondages qui annoncent un changement prochain d’administration aux Etats-Unis.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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