Marchés financiers : sentiment mitigé

Asset Management - Cette semaine, les marchés réagissent à la campagne américaine, qui ramène le risque politique sur le devant de la scène. Quel impact sur l'économie de la première puissance mondiale ? Quelles conséquences à long terme de la crise sanitaire ? Le point avec Stéphane Déo, Stratégiste chez La Banque Postale Asset Management.

Nous avons regardé comment les marchés ont réagi lors des dernières « contested elections » aux Etats-Unis : la typologie est conforme à l’intuition, un marché qui a toutes les caractéristiques du « risk-off », en revanche l’ampleur des mouvements est surprenante.

Les chiffres d’inflation en Europe inquiètent par leur faible niveau, même si les anticipations de long terme restent pour l’instant bien ancrées. Les chiffres de créations d’emplois aux Etats-Unis montrent toujours une décrue rapide, même si les éléments plus structurels se détériorent et font penser que la baisse ne va pas corriger tout le mouvement lié à la crise.

En cas de « contested election »…

La perspective d’un résultat aux élections américaines « contesté » est plausible, si ce n’est probable. Le dernier exemple en date est bien sûr l’élection présidentielle 2000, Gore VS Bush, avec le fameux recomptage en Floride. L’épisode avait duré : vote le 7 novembre, dépouillement et recomptage interrompus que le 9 décembre par la cour suprême et cette même cour avait rendu son verdict le 12 décembre. Un mois d’incertitude !

Il est évidemment impossible de prévoir le scénario de cette année, mais une contestation comme celle de Floride est tout à fait probable. Dans ce cas, que faire pour l’investisseur. Nous avons regardé la performance des actifs financiers durant la période d’incertitude du 7 novembre 2000 au 12 décembre 2000. Avec évidement les précautions liées à cet exercice : il n’y avait pas la Covid à l’époque, la bulle des dot-com commençait à exploser, etc. Les résultats néanmoins ne sont pas très surprenants.

Baisse des taux et du dollar

Premier point, les taux ont baissé, et surtout aux Etats-Unis. Typique d’un environnement risqué ; à noter toutefois la très bonne tenue du marché du crédit durant cette période.

Autre point, là aussi sans réelle surprise, le dollar s’est déprécié durant la période. Si la direction n’est pas une surprise, l’ampleur de la baisse est non-négligeable sur une période d’un mois.

En contrepartie les actifs risqués ont souffert. Si l’on était en droit de s’attendre à un impact plus marqué sur les indices américains, la baisse du dollar a probablement joué un rôle d’amortisseur. A l’opposé les pays émergents constituent la principale victime.

Ces styles de gestion qui résistent

Où se cacher alors ? Une analyse par secteur ou par style de la bourse donne des éléments de réponse. Là aussi, la typologie de la réponse est intuitive : les secteurs et les styles « défensifs » résistent mieux, les plus cycliques et risqués sont les plus pénalisés. 

Le point plus surprenant, et instructif, c’est la marge entre les extrêmes : 11,2 % d’écart de performance entre les deux secteurs les plus éloignés, 11,0 % entre les deux styles. Tout ceci en un mois, cela fait tout de même beaucoup.

La conclusion de cet exercice est peut-être cela là :

  • le positionnement d’un portefeuille en cas de « contested » élection correspond à un portefeuille « risk-off » typique ;
  • l’ampleur de la variation peut être forte, l’investisseur a tout intérêt à regarder ce sujet de très près.

Attachez vos ceintures !

L’inflation, vraiment trop basse

Nous en avions parlé la semaine dernière, les chiffres d’inflation en Europe sont vraiment trop bas. L’inflation zone Euro de septembre est tombée à – 0,3 % après – 0,2 % et l’inflation sous-jacente de + 0,4 % à + 0,2 % alors que le plus bas historique avant ces deux chiffres était de + 0,6 %. Certes des effets temporaires ont joué un rôle important, certes un rebond dans quelques mois est très probable, mais cela ne ramènera pas l’inflation proche des 2 % souhaités par la BCE.

Il y a néanmoins un point encourageant. Les attentes sur l’évolution de l’inflation se sont bien entendu ajustées sur la semaine dernière. Mais seulement les perspectives courtes. La trajectoire de l’inflation au-delà de 3 ans n’a bougé que de manière très marginale. La crédibilité de la BCE à ramener l’inflation vers 2 % n’a donc pas changé, mais reste en question.

Emploi US, moins de dynamisme

Les chiffres d’emplois aux Etats-Unis étaient mixtes. Confirmant par là même que la période de très fort rebond s’essouffle même si la croissance reste soutenue. Nous avons enregistré 877 milles créations d’emplois dans le secteur privé (mieux qu’attendu) et 661 milles au total (moins bien). Ce sont donc 11,4 millions d’emplois créés en 5 mois, record absolu, après les 22,2 millions d’emplois détruits en mars-avril, là aussi record absolu.

Le taux de chômage baisse plus qu’attendu à 7,9 %, une bonne nouvelle, mais c’est en partie dû au taux de participation qui baisse et c’est aussi accompagné d’une augmentation du chômage permanent de 3,411 millions à 3,756 millions. A ce rythme d’ailleurs la baisse du chômage continuerait 6 mois maximum et le taux de chômage se stabiliserait aux alentours de 4,5 %, soit un point au-dessus du niveau pré-crise.

Mais cela dépend évidemment de la vitesse à laquelle progresse le chômage « définitif », une accélération (probable !) donnerait un atterrissage du taux de chômage à des niveaux plus élevés.

L’héritage du Covid-19

Autre point à souligner, l’héritage long de cette récession pourrait être plus pernicieux. Avec certaines populations dont le taux d’activité est en baisse. La participation était déjà en baisse d’ailleurs depuis une décennie. Le chiffre actuel nous ramène aux niveaux enregistrés en 1976 pour l’ensemble de la population et en 1986 pour les femmes. 

La baisse enregistrée le mois dernier suggère que le niveau d’équilibre est effectivement beaucoup plus bas qu’il ne l’a été. C’est un problème important pour la croissance potentielle des Etats-Unis.

Stéphane Déo

Stratégiste au sein de la gestion à la Banque Postale Asset Management.

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