Marchés financiers : risque et volatilité

Asset Management - La crise de 2020 révèle des chocs de volatilité plus rapprochés sur les marchés financiers. Entre incertitudes économiques et politiques, comment adapter sa stratégie d'investissement ? Les explications de Stéphane Déo, Stratégiste chez La Banque Postale Asset Management.

Une analyse de la volatilité des marchés ne semble pas dire que le monde est plus incertain, mais que la « volatilité de la volatilité » a progressé et que les chocs sont de plus en plus concentrés. La note de la Grande Bretagne a été abaissée et les négociations sur le Brexit ne progressent pas vraiment, un accord partiel semble la solution la plus probable.

L’avance de Joe Biden se confirme et les marchés se positionnent pour ce scénario, c’est en particulier évident en termes de rotation sectorielle et d’anticipations d’inflation. Le PIB chinois au T3 a déçu, même si à ce rythme la crise du Covid serait totalement effacée en seulement un an.

Quelle évolution du risque ?

Il se dit que le monde n’a jamais été aussi incertain et qu’il est particulièrement difficile à prévoir. Peut-être, même si la crise souveraine a apporté son lot d’incertitudes et, plus loin, des événements comme la chute du mur de Berlin ont eux aussi apportés des changements profonds. Pour savoir ce qu’il en est nous avons analysé les évolutions du VIX, « l’indice de peur », qui mesure le risque anticipé par les marchés.

Le graphique ci-dessous montre comment le VIX a évolué depuis la crise de 2009 et comment il évoluait avant. Plus qu’une augmentation de l’incertitude on assiste à une déformation. Depuis 2009 le monde a été calme beaucoup plus souvent qu’il ne l’avait été auparavant. La proportion du temps que le VIX a passé sous le niveau de 20 est de 70 % depuis 2009 alors qu’il était de 60 % avant.

Soit, si nous acceptons que le niveau de 20 est la limite, un quart de période de stress en moins. C’est encore plus vrai si on regarde des niveaux plus bas du VIX, si par exemple on place la limite à 15. En revanche, depuis 2009, le VIX a aussi beaucoup plus souvent dépassé le niveau de 40, presque deux fois plus souvent. Les chocs importants sont donc effectivement bien plus récurrents qu’ils ne l’étaient par le passé.

Métro londonien et métro parisien

C’est l’idée du métro Parisien et du métro londonien. Le métro parisien est moins vétuste et donc connait beaucoup moins d’interruptions, de retards ou de problèmes techniques que le métro londonien. Mais de temps en temps, il y a une grève à Paris qui bloque tout alors que c’est beaucoup plus rare à Londres. Nous concentrons en quelque sorte les problèmes sur une partie très courte. C’est exactement ce qui se passe sur les marchés.

L’action des banques centrales a permis de calmer la volatilité : en 2017 la moyenne du VIX était même de 11,1, un niveau extrêmement bas, surtout pour une moyenne annuelle. En revanche, les divers chocs économiques ou de marché poussent de plus en plus souvent le stress de marché à des niveaux élevés pour des périodes de temps limitées. Nous avions par exemple montré que le pic de stress lié à la Covid en début d’année s’était résorbé plus rapidement qu’habituellement en Europe.

Plus qu’une hausse de l’incertitude c’est donc une typologie de risque différente à laquelle nous assistons. Avec une incertitude beaucoup plus concentrée sur des périodes courtes. De fait, c’est la volatilité de la volatilité qui a vraiment augmenté.

Grande Bretagne, Brexit et notation

Moody’s a annoncé qu’il abaissait la note de la Grande Bretagne de Aa2 à Aa3. Nous pouvons nous poser la question de la pertinence de ce mouvement : la dette est en livres sterling, la banque centrale achète cette dette et un défaut ne peut donc arriver que si la Banque d’Angleterre (BoE) décide de ne plus acheter, c’est-à-dire si elle pousse son propre pays à faire défaut.

Bref, si nous voyons une notation comme une probabilité de défaut, la logique n’est pas très convaincante… En revanche, il est évident que l’état de l’économie britannique s’est détérioré. Il est aussi évident que l’état des finances publiques est préoccupant, sans parler des déficits extérieurs qui restent très larges depuis plus d’une décennie.

Et puis, bien sûr, il y a le Brexit. L’Union européenne (UE) n’ayant pas ouvert la porte aux concessions, le Royaume-Uni va devoir en faire ; et il serait prêt en particulier à modifier la loi votée il y a quelques semaines qui allait à l’encontre de l’accord de sortie. Un accord de sortie complet et exhaustif semble toutefois de plus en plus difficile à atteindre.

Le marché joue Joe Biden

Plus le temps passe plus les sondages semblent donner la victoire à Joe Biden. L’avance dont il dispose nous mettrait même à l’abri d’une élection contestée. Il faut le souhaiter, même si rien n’est fait. En attendant, le marché joue effectivement la victoire de Joe Biden. Il y a au moins deux dimensions qui sont évidentes : la rotation sectorielle et l’inflation.

L’impact sur le marché d’une victoire de Biden est ambigu : si Donald Trump semble plus « pro-marché », la relance beaucoup plus volontariste de Joe Biden pourrait mettre l’économie américaine sur une trajectoire plus favorable. Ce qui est plus clair par contre, ce sont les choix sectoriels très marqués entre les deux candidats.

Cependant, nous commençons déjà à voir le marché jouer effectivement une rotation sectorielle. L’exemple le plus frappant est probablement le secteur de l’énergie, qui a été lourdement pénalisé cette année. Toutefois, l’indice « énergie verte » se porte comme un charme et suit l’évolution de la cote de Joe Biden.

Quel impact sur l’inflation ?

Autre point important d’une victoire de Joe Biden, l’inflation. Avec une Fed extrêmement accommodante et un plan de relance très ambitieux, il est tout à fait plausible de voir l’inflation progresser. Et effectivement, les attentes de marché ont là aussi eu tendance à se redresser depuis le débat télévisé et la forte progression de Joe Biden.

Avec une avance forte et qui se stabilise, les marchés ont donc des raisons d’anticiper un résultat favorable à Joe Biden. Mais cela signifie aussi qu’en cas de confirmation de la victoire, une grande partie des ajustements de marché seraient effectuée. Paradoxalement cette élection pourrait alors aboutir à peu de mouvement de marché.

Déception pour le PIB chinois

Le PIB chinois au troisième trimestre a progressé de 2,7 % alors que les attentes étaient de 3,3 %. C’est une déception qu’il faut toutefois relativiser. D’une part l’effondrement sans précédent du T1, – 10,0 %, a été corrigé en seulement un trimestre puisque le niveau du PIB au T2 était déjà supérieur à celui du T4 l’année dernière.

D’autre part, le PIB chinois est — d’après nos calculs — 2,0 % au-dessous de sa tendance pré-Covid comme le montre le graphique ci-dessus. A ce rythme néanmoins, le retard de croissance serait comblé dès le T1 l’année prochaine. Soit une année pour effacer une récession absolument sans précédent. Pas mal…

Stéphane Déo

Stratégiste au sein de la gestion à la Banque Postale Asset Management.

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