Marchés financiers : regarder à la fois devant et derrière

Asset Management - Les indices PMI chinois de début d’année envoient un message de normalisation économique. Pourrait-il se fragiliser ? La communauté financière s’interroge sur le risque inflationniste. Un retour sur l’épisode de la guerre de Corée — avec son choc sur le profil des prix de courte durée — devrait la rassurer. En termes de relation entre dynamique des taux d’intérêt et marché des actions, le profil de la courbe est probablement un élément à suivre de près. Les explications d'Hervé Goulletquer, stratégiste chez La Banque Postale Asset Management (LBPAM).

Commençons par nous intéresser à la Chine. N’est-elle pas en avance concernant l’impact de l’épidémie de Covid sur l’économie ? Le message reçu jusqu’il-y-a peu est le suivant : avec une politique de santé publique efficace et un bon doigté en matière de mesures de soutien conjoncturel, la normalisation économique s’effectue dans de bonnes conditions.

Savoir lire les PMI chinois

Pourtant, les résultats les plus récents en provenance des enquêtes PMI dénotent un peu. Intéressons-nous à la série « officielle » ; simplement parce qu’elle prend en compte un spectre d’informations plus larges et que son actualisation est plus récente. L’indice composite — couvrant les secteurs manufacturier et non manufacturier — s’est stabilisé autour de 55 entre les mois de septembre et de décembre 2020. Il venait de 29 en février.

C’est un peu au-dessus de la moyenne observée sur la période allant de janvier 2018 à janvier 2020 (53,4). Cette impression de normalisation « plus » est toutefois ébranlée par la chronique entamée depuis le début de cette année : 52,8 en janvier et 51,6 en février. En sachant que ce sont les branches non manufacturières qui enregistrent l’affaiblissement le plus marqué. Que se passe-t-il ? Pour la déconvenue de février, le calendrier lunaire et les fêtes du Nouvel An sont un facteur explicatif recevable.

Retour au monde d’avant ?

Comme le plus souvent, l’appareil statistique a du mal à corriger les distorsions induites sur le profil de l’activité économique. Si nous prenons les deux premiers mois de l’année pris ensemble, l’argument perd en substance. Sans doute faut-il alors se retourner sur la résurgence ici où là dans le pays de l’épidémie, qui induit des mesures de restriction à la mobilité, pesant négativement sur l’économie, pour comprendre le profil des indices PMI.

Ce genre d’incidents est-il inhérent à une période pré-généralisation de la vaccination contre la Covid-19 ? Où devons-nous considérer que la Chine, et plus largement le monde, devront apprendre à vivre avec un virus et avec ses mutations, qui de temps en temps freineront la dynamique économique en cours ? Le questionnement induit par l’enquête PMI chinoise porte sur le retour ou non au statu quo ante ? 

Je l’ai dit ; je crois que les épidémies font partie de ces évènements qui peuvent transformer les mécanismes sociaux. A ce titre, le réflexe du retour à la situation d’avant, au titre de la réussite de la vaccination, doit être, si ce n’est contesté, au moins envisagé avec prudence. C’est ce à quoi nous invite la récente chronique des enquêtes chinoises auprès des entreprises.

Marchés financiers : regarder à la fois devant et derrière

L’inflation et la croissance

Revenons une fois encore au thème de l’inflation. Le marché s’inquiète d’un soutien très puissant à l’activité, apporté par la politique économique, avant tout aux Etats-Unis. Cela ne va-t-il pas générer un rebond de la croissance plus marqué qu’anticipé, qui pourrait bien impliquer une accélération durable des prix ? 

En matière de références historiques, j’ai pointé au printemps dernier — les lecteurs les plus attentifs s’en souviennent sûrement — la seconde partie des années 1960, avec une Administration américaine qui poursuivait deux grandes actions, les « droits civiques » et la guerre du Vietnam. Guns over butter equal inflation ; comme nous disions à l’époque.

L’économie fût « chauffée à blanc » et la politique monétaire ne réussit pas à « compenser » cet activisme budgétaire ; tant et si bien qu’une logique inflationniste s’installa, et pour longtemps. Pour que le parallèle vaille, encore faut-il que le volontarisme budgétaire soit durable et que la banque centrale soit en quelque sorte muselée. Si l’appel à la vigilance fait sens, rien ne dit que le déroulé des prochaines années sera de cette nature.

Un œil sur la courbe des taux

C’est pourquoi une autre référence, encore tirée de l’histoire des Etats-Unis de la deuxième partie du XXe siècle, est à considérer. Il s’agit de la guerre de Corée (de mi-1950 à mi-1953). Nous reprenons ici une idée de Joseph Gagnon du Peterson Institute for International Economics. L’épisode est plus court — la guerre américaine du Vietnam dura 12 ans.

Début 1951, les prix accélérèrent (+ 9,3% en T1 1951, contre + 2,1 % en T3 1950), avant de se stabiliser (autour de + 1 % dès la fin 1952). De quoi être tenté de conclure qu’un choc relationniste de courte durée n’est pas inéluctablement inflationniste. Surtout si la banque centrale maintient son engagement de contrôler l’inflation sur moyenne période.

Voilà pour la référence historique. Finissons en disant deux mots de la relation entre dynamique des taux d’intérêt et marché des actions. Le second va-t-il résister à la hausse des premiers ? Peut-être le point d’attention doit-il surtout porter sur la dynamique de la pente de la courbe.

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Perspectives début 2021

L’observation du passé suggérerait que l’inversion que l’inversion de l’écart entre taux à 10 et 2 ans envoie un mauvais signal pour la tenue des cours de bourse. Signal qui signifierait que la banque centrale va durcir la politique monétaire pour lutter contre le risque d’accélération durable des prix ; en acceptant de prendre le risque de peser négativement sur la croissance. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui !