Marchés financiers : « Noël sur les Milandes »

Asset Management - La saison des résultats d'entreprises stimule les marchés, à l'heure où les banques centrales recalibrent leurs politiques monétaires. Quel sera l'impact de la nouvelle politique fiscale des Etats-Unis ? Quelle stratégie pour la BCE ? Le point avec Thomas Planell, Gérant-analyste.

Tel un cadeau d’anniversaire au lendemain de Noël, les résultats d’entreprises de ce premier trimestre sont accueillis avec l’enthousiasme tiède d’un enfant déjà repu de présents… Alléchés depuis le début de l’année par une batterie d’indicateurs économiques affriandant, les marchés, au zénith, avaient déjà bien anticipé le scénario d’un retour à la croissance des bénéfices.

Reprise et politique monétaire

Habitués au retard mécanique que les anticipations des analystes prennent sur les données d’activité économique lorsqu’elles sont successivement meilleures que prévues, les investisseurs avaient également déjà largement escompté le potentiel de surprises positives au moment de la publication des comptes. Que cette semaine marque la seconde séquence la plus dynamique depuis la crise de 2008 en matière de révisions bénéficiaires importe désormais moins que de savoir, à l’approche du pic de croissance du second trimestre, à quel stade de la reprise se trouve l’économie.

Déjà, en Chine et au Canada, le biais accommodant de la politique monétaire est en cours de recalibrage. La Banque d’Angleterre pourrait suivre. En Europe, le gouverneur de la Banque de France évoque l’arrêt du PEPP — programme de politique monétaire lancé par la Banque Centrale Européenne (BCE) en mars 2020 face à la Covid-19 — en mars 2022 pour la BCE, Klaas Knot aux Pays-Bas privilégierait le troisième trimestre de l’année en cours. Christine Lagarde, consciente de l’enjeu, confiait ce jeudi 22 avril souhaiter — sans grand espoir — une réponse coordonnée avec la Fed.

USA, nouvelle politique fiscale

Quant aux marchés américains, peut-être trop bien habitués, ils restent convaincus que Jerome Powell restera en soutien jusqu’en 2022 afin de financer les plans de relance et le Green Deal de la Maison-Blanche. Mais ce que Joe Biden offre indirectement aux investisseurs au travers de la relance, le Président démocrate le reprend sur le terrain de la fiscalité. En doublant la taxe sur l’appréciation du capital pour les ménages gagnant plus d’un million de dollars par an, la nouvelle administration américaine met un terme à près d’un siècle de politique fiscale favorisant le capital par rapport au travail.

Cette mesure, qui devrait toucher 3 personnes sur 1 000 vise à combattre les inégalités qui se sont accrues depuis 50 ans aux Etats-Unis où, en 2020, le patrimoine des ménages les plus fortunés (les fameux 1 %) s’est accru, grâce à son allocation en actions, de 4 trilliards de dollars, plus d’un tiers de la richesse nationale produite. Mais surtout ce projet signale que la relance ne sera pas totalement offerte, qu’elle sera en partie financée par une hausse moins égalitariste des prélèvements obligatoires.

Justice VS équité fiscale

A l’issue de la crise économique la plus profonde et clivante de notre histoire contemporaine, le débat entre justice et équité fiscale est inévitable, et celui de la sortie des politiques monétaires accommodantes, plus crucial encore, pourrait être imminent.

Il faudra alors aux marchés apprendre à vivre sans les cadeaux fiscaux offerts au capital de Donald Reagan à Donald Trump et se souvenir… Se souvenir du deuil douloureux (mais nécessaire) de l’abondance monétaire qui succède aux crises puis doit disparaître… « Souvenez-vous de la rengaine / J’ai deux amours mais j’ai de la peine » chantait Adamo en hommage à Joséphine Baker dans « Noël sur les Milandes ».  

Texte achevé de rédiger le 23 avril 2021

Thomas Planell - DNCA

Gérant analyste

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