Marchés financiers : l’OAT 10 ans revient en territoire négatif

Asset Management - Malgré le discours rassurant des banques centrales, l'inflation continue de perturber les marchés. Quelles perspectives pour les investisseurs dans les mois à venir ? L'éclairage de Karamo Kaba, Directeur de recherche économique chez Ecofi.

A force de se focaliser sur la pandémie de Covid-19 depuis maintenant 1 an et demi, nous en venons à oublier certaines réalités. L’une d’elle est l’accroissement monstrueux (+118 millions) du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde en 2020.

Après l’inflation, la famine ?

Désormais, selon l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 768 millions d’individus, soit environ 10 % de la population mondiale, sont confrontés à la famine. Cela commence à peser sur la situation socio politique de plusieurs pays, à l’image des récentes émeutes en Afrique du Sud ou de la déstabilisation de Haïti voire de Cuba.

Et en considérant l’allure à laquelle se propage le variant Delta, rien ne plaide pour une inversion de cette tendance à court terme. Il faut dire que la forte reprise économique qui a pris place depuis maintenant quelques trimestres s’est accompagnée d’une très forte accélération des prix.

Ainsi, les prix à la consommation aux Etats-Unis, en enregistrant leur plus forte progression mensuelle depuis 2008, sont-ils une nouvelle fois ressortis très au-dessus des attentes du consensus (+0,9 % sur le mois de juin contre +0,6 % attendu). Alors que la Réserve fédérale (Fed) continue de communiquer sur le caractère temporaire de cette inflation, de plus en plus d’investisseurs commencent à en douter.

Banques centrales à la barre

Le rapport d’inflation de juin a affiché une progression des prix de 5,4 % sur une année glissante, soit un pic inégalé en 13 ans. Même en éliminant l’effet des éléments les plus volatils, la progression est impressionnante. Ainsi, l’inflation sous-jacente est-elle passée de 3,8 % à 4,5 % en glissement annuel, et figure-t-elle au plus haut de près de 20 ans (novembre 1991).

Même si le discours de la Fed va avoir de plus en plus de mal à passer si les prix continuent de monter en flèche à ce rythme, rien n’indique un changement de stratégie de la Banque centrale américaine et de ses homologues dans le monde. Nous avons ainsi vu la Banque de Chine augmenter son soutien à l’économie en abaissant le taux de réserves obligatoires pour les grandes banques.

Nous devrions aussi voir la Banque centrale européenne (BCE) donner davantage de détails sur le rythme futur de ses achats d’actifs à l’occasion de sa réunion de politique monétaire de cette semaine. Il est même question qu’elle commence à mettre en application sa nouvelle stratégie de politique monétaire qui visera dorénavant « un objectif d’inflation symétrique fixé à 2 % à moyen terme » contre « proche de, mais en-dessous de 2 % ».

Signaux de ralentissement

Malgré cette assurance de liquidités abondantes et à bon compte pendant de longs mois, les indices boursiers ont cédé du terrain, avec une nette surperformance des places américaines (S&P 500 : -1,1 %, à 4322,11 points) par rapport au Royaume-Uni (FTSE 100 : -1,9 %, à 6 987 points), à l’Allemagne (DAX 30 : -1,2 %, à 15 502 points) ou à la France (CAC 40 : -1,4 %, à 6 441points).

La prise de profits, après que les indices aient enregistré de nouveaux records, ne peut pas tout expliquer de la hausse de l’aversion pour le risque sur la semaine. Les investisseurs commencent à redouter les effets récessifs de la propagation de la pandémie dans le monde.

Nous avons ainsi noté une déception au niveau de la croissance chinoise après le fort ralentissement du PIB au deuxième trimestre 2021 (+7,9 % sur un an, +18,3 % au premier trimestre). Même les Etats-Unis ne sont pas épargnés par les signaux de ralentissement. La confiance des consommateurs de l’Université du Michigan s’est effondrée en juillet, baissant de 4,7 points, pour s’établir à 80,8 en juillet.

Obligations souveraines, le Graal ?

Dans ces conditions, les emprunts d’état ont été particulièrement recherchés. Le rendement du taux à 10 ans de l’Etat américain, en recul de 7 points de base — pbs — à 1,2936 %, est repassé sous le seuil de 1,30 %, aspirant à la baisse les autres titres. Le Bund (-6 pbs, à -0,3530 %) et l’OAT 10 (-7 pbs, à -0,0160 %) ont accompagné le mouvement. Même les pays périphériques ont profité de cette hausse de la méfiance.

Nous notons toutefois une différence dans les progressions liée à la situation épidémiologique. Ainsi, l’Italie (-5 pbs, à 0,7161%) a-t-elle particulièrement surperformé l’Espagne (+0 pb, à 0,3620 %) en proie à une résurgence des contaminations qui a amené un rétablissement des mesures de confinement.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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