Marchés financiers : l’épreuve des résultats trimestriels

Asset Management - En pleine crise sanitaire, les marchés financiers traversent une période chahutée. Comment comprendre les phases de rebond des indices boursier au deuxième trimestre ? Quels sont les facteurs qui alimentent la volatilité sur les marchés ? Les explications d'Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France.

Le rebond des principaux indices boursiers en Europe et aux Etats-Unis s’est fait en trois phases depuis le creux de mars : une phase initiale impulsée par les premières mesures d’ampleur des banques centrales, une phase consolidante de plusieurs semaines, puis une nouvelle phase de hausse sensible, après les premières annonces d’un plan de relance en Europe.

Depuis trois semaines, la volatilité s’est de nouveau invitée sur les marchés : le VIX, qui était passé de 85 en mars à seulement 24 début juin, s’est redressé depuis quelques jours. Ce regain de volatilité est apparu avec la reprise de tensions marquées entre les Etats-Unis et la Chine — mais surtout après deux discours du président de la Réserve Fédérale faisant apparaître des doutes sur la vitesse de la reprise économique, alors que l’administration américaine maintient toujours vivace l’hypothèse d’une reprise en « V ».

Au cours de ces discours, les inquiétudes de Jerome Powell se sont surtout exprimées sur la question du retour à l’emploi, le président de la Fed craignant que des millions d’américains, notamment dans le secteur des services, peinent à retrouver un emploi rapidement malgré la reprise. Et réitérant ses appels au Congrès pour une poursuite des mesures de soutien économique.

Etats-Unis, quelles mesures ?

Cette question du prochain volet de mesures économiques aux Etats-Unis — le quatrième depuis le début de la crise — est bien d’un enjeu majeur pour les marchés, pour l’économie… et pour Donald Trump très en retard dans les sondages. Or l’effet d’annonce devra être important, car il ne devrait plus y avoir ensuite de mesures de cette ampleur d’ici l’élection.

La barre des 1 000 milliards de dollar devrait allègrement être franchie, d’après les différentes déclarations des conseiller économiques de la Maison Blanche. Mais l’administration américaine, pour calibrer ses prochaines mesures, devrait non seulement observer les prochains chiffres macroéconomiques mais aussi, comme les marchés, les résultats des entreprises pour le deuxième trimestre, qui vont tomber en juillet.

Et le consensus est morose : d’après FactSet, les bénéfices des entreprises du SP500 vont chuter de 44 % au deuxième trimestre par rapport au deuxième trimestre 2019, soit la plus forte chute depuis le quatrième trimestre 2008. Avec l’impact le plus fort sur le secteur pétrolier, où plusieurs faillites sont déjà intervenues.

Regain des tensions internationales

La forte hausse du nombre de cas de coronavirus aux Etats-Unis en juin a également largement contribué au regain de nervosité sur les marchés, avec des réactions très visibles au moment où les chiffres des Etats les plus touchés sont communiqués dans l’après-midi. Cette situation pèse sur la popularité du président américain, qui est donc tenté de réagir avec plus de fermeté sur ses « fondamentaux », à savoir les questions de sécurité intérieure mais également les questions commerciales.

Le ton s’est à nouveau durcit à l’égard de la Chine, via son Secrétaire d’Etat notamment, mais également de l’Union Européenne (UE). Cette dernière veut avancer sur la question de la taxation des services numériques. Et les marchés n’apprécient pas ces tensions. Dans un contexte social extrêmement tendu aux Etats-Unis, l’annonce d’un boycott publicitaire sur les réseaux sociaux a ajouté une couche de nervosité supplémentaire sur les marchés actions et surtout sur les techs.

Et même des valeurs qui n’étaient pas directement concernées par ces mesures de boycott, comme Alphabet, ont souffert. Il s’agit peut-être « simplement » de dégâts collatéraux. Mais ce qui serait plus grave serait l’expression de craintes sous-jacentes d’investisseurs, dans un contexte de récession mondiale, sur les résultats du deuxième trimestre pour ces grands groupes qui tirent l’essentiels de leurs revenus de la publicité.

Volatilité, une tendance à la hausse

Enfin, la hausse de la volatilité sur les marchés en juin a pu être attisée par la stagnation du bilan de la Fed. Ce n’est évidemment pas ce seul élément qui a déclenché la dernière phase de stress de juin, mais dans un marché fragilisé par les questions sanitaires, certaines déclarations de la Fed et les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, le marché n’a pas trouvé de relai avec l’évolution du bilan de la Fed.

Même si cette dernière a pourtant annoncé il y a quelques jours qu’elle élargissait son spectre d’action sur les obligations individuelles d’entreprises à haut rendement (high yield) et plus seulement sur les ETF d’obligations « high yield ». A ce stade, et pour que les marchés reprennent leur course haussière vers les niveaux d’avant crise, il faudrait plusieurs éléments :

  • que les entreprises « rassurent » sur leurs résultats, que les chiffres macroéconomiques s’améliorent rapidement ;
  • que l’Europe accélère sur la validation du plan de relance ;
  • que la BCE étende peut-être son champs d’action sur les obligations à haut rendement d’entreprises, comme le fait déjà la Fed ;
  • et que le volet de soutien économique en préparation aux Etats-Unis soit suffisamment calibré.

Le tout dans un contexte social et sanitaire qui s’apaise aux Etats-Unis. Il semble donc peu probable que la volatilité retombe dans les semaines qui viennent.

Alexandre Baradez - IG France

Responsable Analyses Marchés

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