Marchés financiers : le scénario de la reflation

Asset Management - Le marché joue l’idée de la reprise. Il n’empêche qu’il faut s’interroger sur deux choses. D’abord, est-ce que cette approche du big is beautiful en matière de politique économique est toujours justifiée ? Ensuite, est-ce que les équilibres politiques en train de se mettre en place faciliteront le maintien de l’orientation actuelle ?

LBPAM, ses équipes de gestion et plus particulièrement Sebastian et moi présentent leurs meilleurs vœux pour 2021 aux lecteurs de l’Eco du Matin. Notre ambition reste la même : éclairer sur l’environnement des marchés et en mesurer la portée. En ce début d’année, le scénario central retenu par une majorité d’investisseurs et d’intermédiaires est le suivant : un reflux de la maladie, une politique économique toujours proactive et au final une reprise de la croissance.

Le début de la vaccination et les informations disponibles à aujourd’hui en matière de réglages budgétaire et monétaire tendent à valider le choix fait. Il n’empêche qu’il faut s’interroger sur deux choses. D’abord, est-ce que cette approche du big is beautiful en matière de politique économique est toujours justifiée ? Ensuite, est-ce que les équilibres politiques en train de se mettre en place faciliteront le maintien de l’orientation actuelle ?

Ce qu’il faut retenir de 2020

L’année 2020 a été celle des « gros chiffres » pour ce qui concerne le soutien à l’activité économique. Le débat des derniers jours aux Etats-Unis n’a pas dérogé à la règle. L’idée de distribuer, non pas 600 dollars à chaque adulte américain, mais 2000, a été défendue par le Président Trump et par le Parti démocrate. Le marché a paru accorder un certain mérite à l’initiative. Celle-ci devrait pourtant être mesurée à l’aune de son utilité avant d’être plébiscitée. Deux remarques seraient alors à faire. Premièrement et dans le sillage de l’analyse proposée par Lawrence Summers, pourquoi proposer une mesure qui en termes de revenu des ménages va au-delà de la compensation de la perte nette occasionnée par la crise sanitaire ?

Deuxièmement, le plus important n’est-il pas aujourd’hui, avec l’ambition de faciliter la reprise économique, d’avant tout cibler les secteurs et les populations (voire les pays, si on intègre l’aide internationale), qui ont été les plus affectés négativement au cours des derniers trimestres ? Il faut accepter que le débat change de nature. On sera progressivement moins dans l’urgence, avec des aides tous azimuts, et davantage dans un « cousu main », dont l’ambition est à la fois de faciliter le redémarrage des activités mises en sommeil et qui gardent un avenir et de réorienter l’offre productive vers la demande de demain.

Etats-Unis, reflation en vue ?

Bien sûr, il n’y aura de politiques économiques volontaristes bien construites que si les conditions politiques le permettent. Du côté américain, la semaine qui s’ouvre est importante. Pas tant au titre de la « certification » mercredi par le Congrès du résultat de l’élection présidentielle, même si un certain suspens apparaît au titre de la décision prise par une poignée d’élus républicains de ne pas reconnaître le choix des « grands électeurs ».

Une majorité existe pour confirmer la victoire de Joe Biden. Bien plus au titre du résultat de la double élection sénatoriale, qui aura lieu demain en Géorgie. Si le Parti républicain emporte au moins l’une d’entre elles, il obtient la majorité au Sénat. L’hypothèse est la plus probable, mais que de peu. Le choix fait pas les électeurs géorgiens conditionnera l’orientation de la politique budgétaire américaine des deux prochaines années.  Plus reflationniste, avec un Parti démocrate redevenu majoritaire au Sénat ou plus prudente, avec un contrôle laissé entre les mains des Républicains.

Europe, la question du budget

Le point d’attention vaut aussi pour l’Europe et il est double. Il y a d’abord l’élection la semaine prochaine par le Parti démocrate-chrétien allemand (la CDU) de son nouveau président. Celui-ci a une bonne chance d’être la personne qui conduira le centre-droit pour les élections législatives de septembre prochain et de devenir alors, au moins si nous croyons les sondages, le nouveau Premier ministre. Sera-t-il plus ou moins conservateur en matière budgétaire et plus ou moins intégrationniste en matière européenne ? Même si beaucoup dépendra du ou des partenaires au sein de la prochaine coalition gouvernementale, le profil des trois candidats qui font la course en tête ne suggère pas le choix de l’audace. 

Il y ensuite le récent accord trouvé entre l’UE et la Chine en matière d’investissement. Participe-t-il d’une organisation plus solide des relations internationales, à même de favoriser les échanges commerciaux ? Comme il est difficile de répondre à la question ! Les Chinois avancent leurs pions ; les Européens semblent considérer que le texte met les relations bilatérales à égalité avec celles entre les Etats-Unis et la Chine, telles qu’arrêtées avec l’accord de février dernier ; et les Américains de sans doute trouver que les alliés européens ne facilitent pas le nécessaire travail d’endiguement d’initiatives prises par Pékin, peu conformes aux bons usages internationaux.