Marchés financiers : dans l’attente du Humphrey-Hawkins

Asset Management - Cette semaine sur les marchés mondiaux, l'emploi surprend à la hausse aux Etats-Unis. Tandis que le crédit se resserre, les actions européennes bénéficient du repli de l’euro. Alors que Jerome Powell s'apprête à intervenir devant le Congrès américain, à quoi les investisseurs doivent-ils s'attendre ? Axel Botte, Stratégiste chez Ostrum Asset Management, partage son analyse.

La semaine écourtée par la fête nationale américaine a révélé de nouvelles interrogations. Le chiffre d’emploi de juin (+224k) incite à reconsidérer la décision du prochain Federal Open Market Committee (FOMC) fin juillet. Jerome Powell interviendra devant le Congrès cette semaine pour le discours Humphrey Hawkins. Les taux américains sont stables — proche de 2 % à 10 ans — mais la courbe s’aplatit. Les marchés d’actions — focalisés sur la Fed — ont mal réagi à ce bon chiffre d’emploi dans des volumes réduits cependant. Les financières américaines font exception.

En zone euro, le repli de l’euro (1,12 $) profite aux actions d’autant que les spreads souverains et de crédit se resserrent. L’Italie ne sera pas sanctionnée par la Commission Européenne (CE), du moins à court terme. La nomination de Christine Lagarde à la tête de la BCE préfigure le maintien de la politique accommodante. L’ampleur du rally souverain suscite toutefois des prises de profits en ce début de semaine, notamment sur les Bonos espagnols ce lundi et les indices de crédit synthétique. Les obligations privées cotent 107 pb contre Bund (-5 pb) et le high yield poursuit sa surperformance. Le limogeage du Banquier Central turc engendre un accès de défiance limitée envers la livre et les spreads sur la dette externe.

Etats-Unis : surprise positive sur l’emploi

La première semaine du mois est toujours la plus animée en termes de publications économiques. L’emploi américain était très attendu. L’économie américaine a créé selon le BLS 224k emplois nets en juin. Ce chiffre élevé contraste avec le coup d’arrêt observé en mai et l’estimation réduite de l’ADP (104k nouveaux emplois privés). Le taux de chômage remonte légèrement à 3,7 % de la population active en juin. Sur le plan de l’activité, les enquêtes ISM traduisent la dichotomie entre le secteur manufacturier (51,7 en juin) et les services (55,1). Le niveau bas des commandes laisse planer un risque sur la production manufacturière (+0,7 % en mai). La production énergétique est néanmoins plus soutenue, de sorte que l’activité industrielle totale progresse de 2 % l’an.

Le chiffre d’emploi suscite des interrogations sur le prochain mouvement de la Fed. La baisse des taux d’intérêt est une quasi-certitude, selon les instruments dérivés sur le marché monétaire. La probabilité d’une réduction de 25 pb s’établit à 95 %, les 5 % restants concernant une baisse de 50 pb. Les marchés doutent de la capacité de la Fed à autoriser une correction boursière. Le mandat dual de stabilité des prix et d’emploi soutenable ne jouera aucun rôle dans la décision. La croissance américaine (+3,2 % au 1er trimestre 2018) a pourtant accéléré au cours de l’année écoulée avec un net redressement des gains de productivité. Le revirement brutal de la politique de la Fed semble totalement lié à la volatilité boursière au 4e trimestre 2018 et en mai. En l’espace de 9 mois, la Fed a effacé 75 pb de hausses de taux prévues, annoncé la fin de la politique de resserrement quantitatif dès septembre et réduit le taux de rémunération des réserves excédentaires (IoER) en mai (de 5 pb à 2,35 %).

La suite logique est une nouvelle baisse pour plusieurs raisons. La Fed peine d’ailleurs à maintenir les Fed Funds effectifs sous le plafond supposé de 2,35 %. Réduire les taux d’intérêt limiterait le risque d’une nouvelle hausse du dollar compte tenu du biais accommodant réitéré de la BCE. En outre, l’IoER détermine le coût de financement des actifs détenus par la Fed, qui subit un portage négatif sur son portefeuille de titres. La baisse des taux rétablirait aussi les marges bancaires en rendant la courbe plus pentue.

Neutralité sur le T-note

Le consensus reste acheteur sur les marchés de taux américains, considérant que la Fed sera forcée d’agir. Le T-note à 10 ans intègre le début d’un cycle monétaire qui pourrait porter les taux courts à 1,50 % dans un an. Les valorisations — valeur d’équilibre estimée 2,88 % — et le consensus laissent planer un risque de correction. Une position de neutralité est recommandée avec un biais à la pentification. La réaction du marché des actions à la publication de l’emploi est caractéristique de la dépendance des marchés à la politique monétaire. Une bonne nouvelle économique constitue ici un signal vendeur sur les marchés.

L’étroitesse des marchés durant le weekend du 4 au 5 juillet devrait se traduire par davantage de pression vendeuse en début de semaine. Les financières ont toutefois tiré les épingles du jeu en raison de projections de taux perçues comme moins négatives. Parallèlement, le retracement du pétrole pénalise les actions du secteur et les emprunts indexés, dont les valorisations relatives restent très basses. La situation iranienne est d’ailleurs ignorée par les intervenants, alors que la république islamiste a repris l’enrichissement de l’uranium au-delà des seuils limite de l’accord de 2015. Le chiffre de l’IPC de juin n’inversera sans doute pas la tendance en raison du repli des prix de l’essence.

Actions : poursuite de la hausse sans flux

En Europe, les marchés boursiers profitent du rebond du dollar (+1,5 % depuis le 30 juin). Cependant, les révisions de résultats sur 3 mois sont majoritairement orientées à la baisse. Les valorisations agrégées proches de 14x les BPA de l’année 2020 traduisent le manque de croissance mais aussi une disparité forte entre la qualité et les secteurs décotés. Les investisseurs finaux continuent de vendre les actions selon les données de flux. L’enquête ZEW sur l’Euro Stoxx 50 indique aussi un pessimisme inédit depuis la création de l’euro. Les secteurs délaissés depuis le début de l’année dont le transport et les banques par exemple retrouvent des acheteurs. Les restructurations bancaires en Allemagne constituent peut-être un catalyseur de court terme. A l’inverse, les cycliques industrielles glissent conformément aux enquêtes du secteur.

Sur les marchés de taux en zone euro, le Bund flirte avec le taux de dépôt de la BCE (-0,40 %). La collecte des fonds monétaires s’accroît contribuant à la hausse de l’agrégat monétaire M3. Le rétrécissement rapide des spreads souverains la semaine passée motivent désormais des prises de profit notamment sur les marchés espagnol et portugais. Le spread à 10 ans s’était réduit à 64pb avant de rebondir à 80 pb aujourd’hui. L’Italie (211 pb) non sanctionnée par la CE est épargnée. Le renouvellement de la Commission Européenne repousse les débats budgétaires à l’automne. Les BTPs italiens bénéficient de reports jouant la valeur relative. La nomination de Christine Lagarde à la tête de la BCE assure une certaine continuité dans la politique monétaire à venir.

Le rally souverain a précédé celui du crédit qui semble prendre de l’ampleur. Les flux finaux s’accumulent vers le crédit investment grade et le high yield où les spreads diminuent de 13 pb sur la semaine écoulée, à 311 pb. Nous serons néanmoins attentifs aux signaux de prise de profit sur les indices synthétiques, qui ont tendance à précéder les changements de tendance sur les obligations privées.

Axel Botte - Ostrum Asset Management

Voir tous les articles de Axel