Marchés émergents : bilan 2016

Asset Management - Après les difficultés de l’année 2015 et de début 2016, les fondamentaux des pays émergents se sont renforcés cette année, la majeure partie d’entre eux ayant encaissé le choc de la baisse des prix des matières premières. Les tensions politiques ont déjà culminé dans de nombreux pays. La situation de la Chine s’est stabilisée. La grande question qui se pose suite à l’élection de Donald Trump est la suivante : sa présidence anéantira-t-elle la reprise ?

Croissance : Un Trump dompté n’empêche pas la reprise

Maintenant que Donald Trump est élu, de nombreuses incertitudes demeurent quant à sa future politique. Nous estimons que ses mesures seront moins extrêmes que ce qu’il avait annoncé pendant sa campagne. Sa rhétorique a changé après le vote. De plus, l’équilibre des pouvoirs devrait « dompter » le futur président, qui ne devrait donc pas empêcher la reprise des marchés émergents amorcée début 2016 et principalement issue de la sortie de récession du Brésil et de la Russie.

Ces deux grandes économies avaient subi des chocs violents, sous forme de chute des cours des matières premières et de tensions politiques sévères. La disparition progressive de ces facteurs constitue un soutien à la croissance des marchés émergents, dont la situation devient plutôt « moins mauvaise » que « meilleure ».

Moins nocive pour la croissance globale des pays émergents que ne le furent les récessions éprouvantes endurées par le Brésil et la Russie ainsi que la baisse des prix des matières premières, la politique d’un Trump « dompté » ne devrait pas anéantir la reprise. Cependant, nous avons toujours pensé que celle-ci serait progressive, en raison de nombreux obstacles persistants, tels que des matières premières bon marché ou des problèmes politiques ou structurels. Une présidence Trump apportera sans doute des difficultés supplémentaires.

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Quelle influence de Trump sur les pays émergents ?

Dans l’ensemble, l’élection de Donald Trump constitue indéniablement une mauvaise nouvelle pour les marchés émergents. Cependant, son impact variera considérablement d’un pays à l’autre et passera par quatre grands vecteurs. Premièrement, le grand retour des vulnérabilités externes : comme en 2013, les taux d’intérêt américains montent et le dollar s’apprécie, ce qui affecte les pays au déficit courant et à la dette extérieure importants, tels que la Turquie ou l’Afrique du Sud.

Deuxièmement, d’éventuelles mesures protectionnistes pèseraient sur les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, comme le Mexique ou la Chine. Troisièmement, la sécurité en Europe de l’Est dépend du rôle des Etats-Unis dans l’OTAN. Enfin, un effet positif existe aussi : les prix des métaux se sont envolés en prévision des grands travaux américains, au profit des exportateurs de cuivre et de minerai de fer.

Des marchés émergents exposés aux taux américains ?

L’envolée des taux longs américains et les prévisions de politique plus offensive de la Fed rappellent encore 2013. C’est un contexte qui met sous pression les pays en déséquilibre extérieur (Turquie, Afrique du Sud, Colombie…). Ayant réduit leur déficit courant, un certain nombre de pays sont toutefois moins vulnérables aujourd’hui qu’en 2013. L’Inde, le Brésil ou l’Indonésie, par exemple, ont fait des progrès considérables et leur déficit courant n’est plus si inquiétant.

Cette amélioration ne procède pas de politiques avisées, mais plutôt de l’évolution des cours des matières premières, des changes et, pour le Brésil, de la récession. Bien que la situation de la Turquie et de l’Afrique du Sud soit meilleure, elle reste fragile. En Colombie, le solde courant s’est fortement dégradé suite à la baisse des prix du pétrole. Depuis 2013, les soldes courants des pays émergents sont globalement en amélioration. L’inflation a généralement reculé, sauf dans certains pays d’Amérique latine. Pourtant, loin de s’améliorer, les soldes budgétaires se sont bien souvent dégradés.

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« Apprivoiser » le ralentissement chinois en 2017

Le gouvernement chinois a réussi à stabiliser la croissance, ce qui montre qu’il a les moyens d’endiguer un ralentissement en cas de besoin. Cette stabilisation, qui repose sur l’ancien modèle combinant création de dette, grands travaux et relance de l’immobilier, n’est toutefois pas tenable. Les forces sous-jacentes du tassement de la croissance chinoise demeurent : l’économie enregistre une saine modération après des années soutenues par les mesures de relance au sortir de la grande récession.

La Chine, devenue plus riche, croît donc plus lentement. Enfin, la démographie semble moins favorable. Le ralentissement devrait donc perdurer en 2017. Le gouvernement s’efforcera toutefois de l’« apprivoiser » en vue de l’important congrès de l’automne prochain. Il a deux grandes priorités : le rééquilibrage et la croissance. Depuis fin 2015, c’est cette dernière qui importe le plus. Même si nous attendons moins de mesures de relance en 2017 qu’en 2016, il nous semble improbable que la priorité revienne aux réformes.

La vigueur du dollar après l’élection américaine a exercé une lourde pression sur le yuan. Les sorties de fonds reprennent. La banque centrale s’efforce d’endiguer une trop forte baisse du yuan en puisant par exemple dans ses réserves de change pour soutenir sa monnaie ; elle réussit ainsi à obtenir une dépréciation contrôlée et progressive. Mais plus le dollar s’appréciera, plus la lutte contre la baisse du yuan risque de lui coûter cher.

Claudia Bernasconi - SwissLife AM

Économiste spécialiste des marchés émergents chez SwissLife AM

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