Marchés des changes : jusqu’où ira le dollar ?

Asset Management - En mars 2021, la course contre le virus et pour la vaccination s'accélère. Dans ce contexte, le dollar s'apprécie contre la plupart des monnaies. Jusqu'où le billet vert ira-t-il ? L'éclairage de Karamo Kaba, Directeur de la recherche économique chez Ecofi.

Pour le troisième mois consécutif, le dollar s’est apprécié en mars contre la plupart des monnaies. Cela fait écho à la forte remontée des taux longs américains mais aussi à une campagne de vaccination plus avancée et à un volontarisme budgétaire plus affirmé.

Cela étant, la Réserve fédérale (Fed) devrait se montrer prudente dans l’accompagnement de la reprise et veillera à maintenir les taux d’intérêt réels négatifs. Par conséquent, elle devrait retarder la fin des mesures d’assouplissement. Cette attitude de la Fed, sous fond de creusement du déficit et de tensions inflationnistes croissantes, devrait mettre fin à la phase d’appréciation du billet vert.

Le dollar gagne du terrain

Depuis le début de la campagne de vaccination, le dollar a gagné beaucoup de terrain, principalement contre les devises des pays avancés. Cela traduit le regain d’optimisme des investisseurs suite à la montée en puissance de la campagne de vaccination et de la mise en place d’un plan de relance de 1 900 milliards de dollars.

Après ce troisième plan en moins d’une année, il est désormais question d’une nouvelle impulsion budgétaire de plus de 2 250 milliards de dollars, financée par une hausse de l’imposition des sociétés, étalée sur 8 ans concernant cette fois-ci les infrastructures.

Spéculation face à l’inflation

La dynamique en cours aux Etats-Unis — entrevue dans les bons chiffres de l’emploi et de l’indice ISM manufacturier — est telle que les investisseurs, craignant une surchauffe inflationniste, ont poussé à la hausse les rendements des taux longs, qui sont tous revenus au-dessus de leur niveau d’avant Covid-19.

Nous avons ainsi vu les positions des spéculateurs sur les marchés de change passer à « acheteuses » sur le dollar, une première depuis un an. Par effet de contraste, notamment avec la zone euro, tout concourt à une poursuite de l’appréciation du billet vert. La recrudescence des cas a conduit plusieurs pays à prendre des mesures de confinement plus strictes, à l’instar de la France, de l’Italie ou de l’Allemagne.

Au rythme de la reprise

Cela va conduire la Banque centrale européenne (BCE) à augmenter le montant des rachats de titres pour contenir l’envolée des rendements obligataires souverains. Par ailleurs, la cour constitutionnelle allemande a suspendu le processus de ratification du plan de relance européen de 750 milliards d’euros par l’Allemagne, ce qui retarde le versement des subventions et des prêts aux pays les plus fragilisés par la pandémie.

Nous pensons toutefois que cette appréciation du dollar ne va pas se poursuivre. Ainsi, soucieuse d’accompagner la reprise et d’éviter toute critique sur un resserrement prématuré, la Fed devrait-elle se montrer prudente. Nous pensons qu’elle veillera à maintenir les taux réels en territoire négatif en retardant aussi longtemps que possible la fin de l’assouplissement quantitatif.

Perspectives de la Fed d’ici 2023

Dans ces conditions, dans un premier temps, la Fed va prolonger les programmes arrivant à échéance à court terme. A partir du second semestre, elle commencera à préparer les esprits des investisseurs à une fin de ces mesures qui interviendrait durant le premier trimestre de 2022. Enfin, elle ne devrait remonter ses taux directeurs qu’en 2023.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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