Marché des changes : altius, fortius

Asset Management - Sur fond de crise sanitaire, le dollar s'affaiblit tandis que l'euro se renforce. Comment les autorités gèrent-elles cette situation ? Quelles conséquences pour les marchés financiers ? Les explications de Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA.

L’affaiblissement du dollar continue : en juillet, le dollar Index qui oppose le billet vert à un panier international de devises a connu sa plus mauvaise performance mensuelle depuis 2010.

Etats-Unis, priorité à l’activité manufacturière

La baisse du dollar — qui pourrait se poursuivre — ne devrait pas être perçue comme une menace par les autorités américaines, pour lesquelles tout soutien à l’activité manufacturière est au contraire bienvenu.

Elle profite aux sociétés exportatrices de biens ou services comme Apple, qui frôle désormais les 2 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, 38 ans après son introduction en bourse. Elle soutient également l’or — actif de réserve international — qui vient d’enregistrer un nouveau record à 2075 dollars l’once.

Dollar faible, un nouveau paradigme ?

L’ancrage des taux courts américains sous l’inflation érode la rémunération de la devise et la déprécie mécaniquement. Mais au-delà des effets de la politique monétaire, la faiblesse continue du dollar pourrait soulever la question d’un changement de paradigme économique à plus long terme aux États-Unis.

Implicitement, elle pourrait sous-entendre que le risque d’effritement du leadership de croissance vis-à-vis des autres pays développés — et de l’Europe notamment, où la reprise attendue en 2021 pourrait être plus dynamique — est matériel.

Euro fort, attractivité des coronabonds

L’euro, qui progresse de 5 % en juillet face au dollar, reste cependant éloigné des niveaux qui avaient pu par le passé inquiéter les investisseurs quant à l’effet négatif que la devise avait eu sur les comptes de résultat des entreprises exportatrices. Si elle est animée par des anticipations économiques plus favorables, par l’émergence d’un cadre politique plus stable, la force de l’euro devient l’expression d’une confiance retrouvée.

Cette amélioration significative de la perception du risque des actifs de la zone pourrait atténuer la sensibilité de leur valeur aux variations haussières du taux de change. Surtout, au travers du financement de son plan de relance par de potentiels coronabonds : l’Europe pourrait enfin devenir un émetteur unique sur les marchés, d’autant plus attractif que l’offre existante d’actifs souverains de qualité satisfait difficilement la demande.

Solidarité européenne, une réalité économique ?

Dix ans après avoir été appelés de leurs vœux par les partisans d’une mutualisation de la dette en réponse à la crise de 2009, les chimériques eurobonds pourraient finalement voir le jour. En ces temps de turbulences, la force de l’euro est une réponse engageante des marchés de capitaux internationaux au projet de solidarité européenne.

Achevé de rédiger le 7 août 2020

Thomas Planell - DNCA

Gérant analyste

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