Macron Président : les risques disparaissent, retour aux fondamentaux

Asset Management - Le second tour de l’élection présidentielle a fourni le nom du gagnant : E. Macron est bien le nouveau président de la République française. Il remporte 66,06% des suffrages, et il prendra ses fonctions le 14 mai au plus tard. Les regards et les interrogations sont désormais tournés vers les élections législatives.

Il s’agit d’un des secrets les mieux gardés. Macron a reconnu avoir en tête deux profils, un homme et une femme. Macron a rappelé quelques principes au cours de sa campagne : son premier ministre ne doit pas avoir été ministre d’un précédent gouvernement, être perçu comme un « nouveau visage », doit avoir une expérience parlementaire, ne sera pas issu de la société civile, et le fait que ce soit une femme serait un atout.

Parmi les candidats masculins possibles, Jean-Yves le Drian, socialiste breton dont il est très proche. Mais en le nommant, il ne respecterait pas une règle qu’il s’est fixée, celle de ne pas nommer comme ministre un seul des ministres actuels. D’autres personnes sont évoqués, comme François Bayrou (pas vraiment une nouvelle tête), Xavier Bertrand (pas intéressé par ce poste à ce moment-ci), ou encore Bruno Le Maire (candidat d’ouverture également).

Parmi ceux qui seraient assurément considérés comme étant des nouvelles têtes, on peut évoquer Richard Ferrand, autre député breton du Finistère, ou encore Edouard Philippe, soutien d’Alain Juppé : sa nomination serait un signe d’ouverture fort (avant les élections législatives) et de perspectives de coalition avec une partie de la droite non fillonniste, et de cette droite qui ne souhaite pas être proche des thèmes de l’extrême droite (celle qui n’a pas reporté ses voix vers M. Le Pen au second tour des élections présidentielles).

Parmi les candidates possibles, Anne-Marie Idrac, ancienne secrétaire d’Etat au transports sous Jacques Chirac, puis ancienne secrétaire d’Etat au commerce extérieur sous Nicolas Sarkozy. Elle est proche de François Bayrou, allié de Macron, et elle a également une bonne expérience en entreprise (ex PDG de la RATP et de la SNCF). Son handicap est d’avoir déjà fait partie d’un gouvernement. Sylvie Goulard, euro-députée, centriste, très proches des dossiers franco-allemands (c’est elle qui avait organisé la rencontre Macron – Merkel durant la campagne), expérience ministérielle (Quai d’Orsay notamment) sans jamais avoir été ministre. Le seul handicap (potentiel) est de n’avoir jamais siégé à l’assemblée nationale.

Elections législatives : Macron en grand vainqueur ?

Selon un sondage OpinionWay – SLPV analytics fait pour le journal Les Echos , le mouvement d’Emmanuel Macron serait le grand vainqueur, totalisant entre 249 à 286 députés sur les 535 postes sur lesquels porte le sondage. La droite républicaine obtiendrait entre 200 et 210 sièges, le Front National de Marine Le Pen n’obtiendrait que 15 à 25 sièges (conséquences des reports de voix et de la « vitalité » du front républicain). La gauche socialiste (entre 28 et 43 sièges) et la gauche radicale de Jean- Luc Mélenchon (entre 6 et 8 sièges) seraient les autres grands perdants de ces élections. Concernant le Parti Socialiste, il s’agirait ainsi du pire résultat de son histoire. Ce serait également la fin de la bipartition gauche – droite de l’Assemblée Nationale.

Rappelons qu’il faut obtenir au moins 12.5 % des inscrits au premier tour pour pouvoir se maintenir au second. La fragmentation politique fait craindre de nombreuses triangulaires voire même quadrangulaires (trois candidats, voire quatre qui s’affrontent au second tour). Rappelons également, d’une part que le front républicain n’est plus aussi solide qu’auparavant, et d’autre part, que les partis en difficulté (Les républicains à droite, le Parti Socialiste à gauche) auront à cœur de favoriser le plus grand nombre de députés possibles. Autrement dit, les désistements en faveur des candidats du Président seront sans doute moins nombreux que d’habitude, ce qui devrait permettre à la candidate du Front National d’avoir plus de députés que lors des élections précédentes (à titre d’exemple, lors des dernières élections législatives, le FN avait obtenu 17 % des suffrages, mais par le jeu des reports de voix, des désistements et du fait de l’attitude du « front républicain », il n’avait conquis que 2 sièges (0,35 % de l’assemblée)). Selon les premiers sondages, elle n’obtiendrait toutefois que peu de sièges (entre 15 et 25, soit moins de 5 % des sièges).

Il y aurait entre 90 et 116 duels « En Marche ! / Front National », 180 duels « En Marche ! / droite », 46 duels « En Marche ! / gauche », 154 duels « droite / Front National », une trentaine de triangulaires et 6 à 32 duels « gauche / Front National ». A titre de comparaison, en 2012, il y avait eu 420 duels entre la droite classique et la gauche classique, tous deux absents du second tour de l’élection présidentielle de dimanche dernier. Rappelons que pour qu’un parti ait un groupe parlementaire à l’Assemblée, condition importante pour pouvoir participer activement à la vie politique, il lui faut au moins 15 députés

Emmanuel Macron : vers une majorité parlementaire ou une coalition ?

En théorie, le programme d’E. Macron, un programme « et de gauche et de droite » par opposition à des programmes qui se revendiquent « ni de droite, ni de gauche », est susceptible a priori de fédérer des supports de l’ensemble des partis, hors extrême droite. Si cela s’avère exact, la probabilité que le mouvement « En Marche ! » obtienne à lui seul la majorité est donc significative. Si tel ne devait pas être le cas, en plus des ralliements au Président, nous assisterions à coup sûr à des coalitions. L’examen des sondages montre que le nombre de députés manquants pour assurer la majorité absolue devrait être limité, ce qui facilitera la tâche du nouveau Président. Un gouvernement pourra ainsi être formé, même si cette « cohabitation » nouvelle formule devra, au pire, être gérée dossier par dossier. Cela pourrait compliquer la tâche du Président et de son premier ministre.

Bien que nous ayons habituellement tendance à faire confiance à la méthodologie des sondeurs français et à leurs conclusions, les résultats des sondages sont à prendre avec précaution, car cinq risques sont présents. Il y a tout d’abord une inconnue : le taux de participation. Sera-t-il plus élevé, plus faible ? A qui cela profitera-t-il ? Il y a ensuite une nouvelle donne : la fin de la bipartition classique (droite traditionnelle, gauche traditionnelle), qui va sans doute avoir de l’importance dans le choix des électeurs. Il y a une variante : localement, les français votent certes pour un parti, mais aussi pour la personnalité politique, sauf que l’envie de « nouvelles têtes » s’est clairement manifesté lors de l’élection présidentielle. Il y a une nouveauté : un émiettement du front républicain. Pour la première fois, un parti ( » Debout la France « , Nicolas Dupont-Aignan) a franchi le pas et conclu une alliance avec le front National.

L’incertitude est levée et on peut désormais regarder la France et les marchés français avec une bien plus faible prime de risque, et se concentrer sur les fondamentaux. Or la situation économique est en voie d’amélioration. Cela redonne des couleurs aux actifs risqués français, mais aussi européens : le risque spécifique sur la France disparaît, ainsi que le risque systémique européen.

 

Philippe Ithurbide

Directeur recherche stratégie et analyse

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