L’Europe en réanimation

Asset Management - Si des progrès dans la lutte contre le Coronavirus ont été enregistrés récemment dans plusieurs pays, ses effets apparaissent de plus en plus fortement dans les indicateurs d’activité. Cela n’est pas une surprise vu la durée de la période de confinement.

Cependant, qui aurait pu imaginer il y a 4 mois encore que le rythme de progression de la croissance allait s’effondrer pour s’établir à -3,5% en 2020 ? Cette estimation du Fonds monétaire international (FMI) pourrait même être encore revue à la baisse tant l’ampleur du recul de certaines enquêtes est historique. Ainsi, en Chine, la publication des comptes nationaux du premier trimestre a montré une contraction de 9,8% du PIB au premier trimestre, soit la plus forte chute de l’histoire moderne du pays. Même les Etats-Unis, qui ont longtemps échappé à la sinistrose, semblent rattrapés par la crise avec un bond sans précédent du nombre des demandeurs d’emploi. En effet, pour la troisième semaine consécutive, les demandes d’allocation-chômage sont ressorties au-dessus des 5 millions, ce qui porte à plus de 22,5 millions le nombre de destructions de postes en 4 semaines, du jamais vu lors des précédentes récessions.


Cela n’a pas empêché les marchés financiers de poursuivre leur rebond enclenché depuis le 23 mars. A l’image de l’indice MSCI Monde (+2,2% à 480,3 points), les investisseurs ont salué les espoirs d’un vaccin en phase expérimentale développé par la société Gilead Sciences et la levée progressive des mesures de confinement dans plusieurs pays européens. Cela a permis aux places américaines (Dow Jones : +2,2%, à 24 242, 5 points ; S&P 500 : +3,0%, à 2 874,6 points ; Nasdaq : +6,1%, à 8 650,5 points) de surperformer l’Europe (CAC 40 : -0,2%, à 4 499 points).


Il faut dire que, de toutes les régions du monde, c’est la zone Euro, avec un écroulement de son PIB de -7,5% en 2020 selon le FMI, qui devrait le plus souffrir des effets du COVID-19 et du confinement des populations. En termes géographiques, c’est l’Italie (avec 23 660 morts) qui devrait être le pays le plus touché avec un plongeon du PIB de 9,8%.
Cela risque de remettre sur le devant de la scène la problématique de la dette italienne, actuellement à 134,8%, mais qui pourrait dépasser le seuil de 150% du PIB en fin d’année. D’où une hausse des inquiétudes, ce qui s’est traduit par une forte remontée des rendements du taux à 10 ans italien (+20 points de base – points de base – à 1,79%) et un écartement du spread par rapport à l’Allemagne (-12 pbs, à -0,48%). Les marchés obligataires américains (-9 pbs, à 0,66%) ont aussi passé une bonne semaine, aidés par les sombres prévisions du FMI (–5,9% attendus en 2020) et de mauvaises statistiques.
On a ainsi vu l’indicateur avancé du Conference Board enregistrer sa plus forte baisse mensuelle depuis 1959 (-6,7% en mars, après -0,2 % en février). Les ventes au détail ont également déçu après un recul de 8,7% en mars, pénalisées par un effondrement des ventes automobiles (-25,6% sur un mois).


Le retour du sentiment positif sur les marchés a été défavorable à l’euro qui s’est déprécié (-0,56% contre le dollar) malgré
l’annonce d’un début de déconfinement en Allemagne et en Autriche. Mais les séquelles de ce que le FMI appelle le « Grand Confinement » vont pénaliser plusieurs pays européens, pendant longtemps, ce qui explique l’attrait des investisseurs pour le billet vert. Les devises liées aux matières premières ont quant à elles continué de souffrir avec la poursuite de la purge du marché pétrolier : -22,7% pour le WTI, à 17,4 dollars ; -12,6% pour le Brent, à 27,8 dollars. Il faut dire que l’entente entre la Russie et l’Opep, facilitée par les Etats-Unis, ne règle rien aux problèmes. En effet, le recul
de la demande est tel que, même en cas de respect des nouveaux quotas de production, l’offre de pétrole devrait rester excédentaire, ce qui va peser sur les prix.

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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