Le danger d’être trop pessimiste

Asset Management - La théorie des cycles faisait craindre un atterrissage économique mondial à partir de 2017. Après pratiquement dix années d’expansion économique ininterrompue, la croissance ralentissait tant en Chine qu’en Occident, augurant de l’approche logique d’une « fin de cycle ». Les probabilités d’émergence d’une crise devenaient alors croissantes : plus le cycle s’allongeait, plus le risque d’une récession augmentait.

Pour autant, malgré le Brexit, l’élection de Donald Trump et sa guerre commerciale livrée contre la Chine, rien n’a pu durablement ou significativement mettre un terme à l’épisode de croissance économique le plus long de l’histoire contemporaine… jusqu’à la pandémie de 2020. Imprévisible quant à sa survenance et son intensité, la COVID 19 est le cygne noir de cette dernière décennie. 

Face à la dimension du phénomène, la Grande récession de 2009 a fait office de référentiel universel. Le spectre de la crise financière précédente a hanté ce que Keynes appelait les « esprits animaux » et façonné la réaction des autorités étatiques et monétaires. Le scénario du pire a été incorporé par les acteurs économiques et les actifs financiers en quelques séances jusqu’à ce que les banques centrales et les Etats s’engagent à tout mettre en œuvre pour éviter la répétition du choc historique précédent. L’action publique concertée a donné aux investisseurs suffisamment de visibilité sur les conditions financières pour leur permettre à nouveau de se focaliser sur l’avenir. Parallèlement les sociétés dévoilaient au fur et à mesure de l’année des résultats plus robustes qu’espérés. Le secteur automobile, recapitalisé en partie par les autorités publiques en 2009 a par exemple démontré une capacité de résilience de sa génération de flux de trésorerie sans commune mesure avec la crise précédente.

Puis, après seulement quelques mois de recherche, les premiers laboratoires ont pu offrir au monde un remède contre les confinements. Résistance des sociétés, soutien public et monétaire, progrès médicaux spectaculaires : si l’année 2020 a pu nous démontrer quelque chose en matière d’investissement, c’est bien qu’il est dangereux d’être trop longtemps pessimiste. L’année 2021 quant à elle devrait revêtir les caractéristiques habituelles de la première phase de reconstitution d’un cycle économique nouveau : les réouvertures progressives et l’adaptation des économies s’accompagneront de la reconstitution des stocks et de la reprise des investissements des entreprises. Contrairement à 2009, la disponibilité de l’épargne des ménages, sauvegardée par l’intervention de l’Etat sera un accélérateur significatif de la reprise.

Enfin, autre différence majeure, l’austérité qui prévalait à l’aube du cycle précédent semble abandonnée : l’Allemagne émettra un record de dette en 2021 (576 milliards d’euros), le Japon table sur un budget historique de 107 trillions de yens (soutien social, dépenses militaires).

En France, les réformes structurelles devraient être mises en pause jusqu’à ce que l’économie sorte définitivement de convalescence.

Aux Etats-Unis, un nouveau plan de relance de 900 milliards de dollars est sur le point d’être voté par les deux partis. La nouvelle théorie monétaire sera le bras armé de la contre-austérité : la monétisation de la dette publique par les banques centrales permettra aux Etats de s’affranchir des contraintes budgétaires. La question essentielle sera celle de la soutenabilité de ce nouveau paradigme : combien de temps les politiques monétaires et budgétaires pourront-elles rester expansionnistes ? Le retour de l’inflation sera la clef de l’équation : consubstantielle à la théorie moderne de la monnaie (MMT), elle pourrait en être à la fois sa conséquence la plus évidente et la cause de sa condamnation future…

Texte achevé de rédiger le 18 décembre 2020 par Thomas Planell, Gérant-analyste.

Thomas Planell - DNCA

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