Le Brexit en panne ?

Asset Management - Un nuage d’incertitude s’est formé au dessus du Royaume-Uni depuis que les britanniques ont voté pour la sortie de l’Union Européenne (Ue) lors du référendum de juin 2016 sur le “Brexit”. Celui-ci s’est épaissi après l’élection anticipée du 8 juin aboutissant à l’échec de la tentative du Premier ministre Theresa May de renforcer la majorité dont disposait le Parti conservateur à la Chambre des communes, avant le début des négociations sur le Brexit. La majorité Tory est devenue une minorité, situation se traduisant par un hung Parliament ce qui accroît les risques à la hausse comme à la baisse.

Du côté positif, on relève la probabilité accrue d’un Brexit “plus accommodant” maintenant un niveau plus élevé d’intégration économique avec l’UE, qui devrait en retour être plus favorable à la croissance au Royaume-Uni. Nous prévoyons que les conservateurs formeront un gouvernement soutenu par un accord “confiance et soutien” avec le DUP (Democratic Unionist Party) d’Irlande du Nord dont le programme appelle à une frontière sans tension entre la l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, son voisin de l’UE. Un tel accord semblerait nécessiter, pour le moins, une union douanière entre le Royaume-Uni et l’UE, avec des droits de douane extérieurs communs et un système de libre-échange interne — soit par essence un Brexit “soft”.

Du côté négatif, le nouvel équilibre politique contribue à la formation d’un gouvernement moins stable et plus disparate à la veille du début des négociations sur le Brexit — avec un leadership à long terme incertain du Parti Conservateur. En comparant le paysage électoral antérieur et postérieur à cette élection surprise, la probabilité que le Royaume-Uni ne parvienne pas à négocier un accord sur le Brexit avant la date limite de mars 2019 fixée par l’article 50 s’est accrue. Pour les investisseurs, cette éventualité (d’un Brexit chaotique) est peut-être la plus perturbante.

Des perspectives macro-économiques sans attrait

Un ralentissement de la croissance par rapport aux autres économies développées – avec une détérioration de la croissance réelle potentielle d’environ un point de pourcentage par an – est à anticiper,l’impact du Brexit pesant à la fois sur l’investissement des entreprises et la consommation. Si l’affaiblissement de la devise est susceptible de favoriser la compétitivité des exportateurs, l’incertitude engendrée par le Brexit devrait peser sur les décisions des grandes entreprises d’investir dans le renforcement de leur capacité de production. Dans le même temps, la hausse du coût des importations résultant de la baisse de la livre, provoque une hausse de l’inflation et pèse sur les revenus des ménages en termes réels. Ces évolutions ont un impact direct sur la consommation, du fait de l’absence d’accélération significative des salaires et d’un niveau de dépenses de consommation déjà élevé par rapport au revenu des ménages.

Si l’économie post-Brexit s’est montrée plus résistante que prévu initialement, les indicateurs de consommation et d’investissement se sont détériorés légèrement. Bien que certains acteurs de marché estiment que le secteur du logement connaît une bulle des prix mûre pour la déflation, nous pensons qu’un recul de la valeur des logements n’est pas susceptible d’engendrer une contagion importante pour l’économie dans son ensemble, le volume de l’activité de la construction demeurant bien contenu. Le secteur financier semble toutefois particulièrement prédisposé aux retombées post-Brexit, du fait qu’il représente une part démesurée des exportations de l’UE et qu’il est soumis de façon disproportionnée à la réglementation de l’UE. Les évolutions des perspectives économiques globales devraient être particulièrement volatiles au fur et à mesure que que le profil d’un accord sur le Brexit, ou de l’absence d’accord, devient plus clair.

Prudentce sur le marché obligataire du Royaume-Uni

Le message adressé par les fondamentaux est complexifié par des signaux opposés concernant la politique monétaire (affaiblissement de la croissance et hausse de l’inflation). Nous prévoyons pourtant que la Banque d’Angleterre permettra une dérive haussière de l’inflation pour stabiliser la croissance, malgré le récent vote à 5 contre 3 de son Comité de politique monétaire, au cours duquel trois membres se sont montrés favorables à une hausse des taux d’intérêt, suggérant une volonté moins affirmée d’ignorer la hausse de l’inflation. La progression des anticipations d’inflation et le redressement des taux de rendement réels devraient contribuer à un raidissement de la courbe des taux. Sur une base nominale, les Gilts paraissent particulièrement surévalués par rapport aux obligations d’Etat des autres marchés développés. Le spread à 10 ans entre les Gilts et les bons du Trésor américain (U.S.), qui était positif jusque mi-2014 et se négociait avec une prime de rendement de seulement 30 à 40 pb (points de base) de fin 2014 jusqu’au référendum sur le Brexit en juin 2016, s’est élargi depuis jusqu’à environ 120 pb.

Au cours de l’année dernière, les rendements réels britanniques sont devenus largement négatifs, évolution compensée seulement partiellement par la hausse des anticipations d’inflation. De plus, le double déficit du Royaume-Uni le rend dépendant des prêteurs étrangers, ajoutant un risque potentiel de baisse dans l’hypothèse d’un échec de la discipline budgétaire, d’une détérioration de la solvabilité du Royaume-Uni et/ou d’un affaiblissement de la demande étrangère — tout cela dans un contexte de hausse des rendements sur les autres marchés développés contribuant à éloigner du Royaume-Uni la demande d’obligations.

En ce qui concerne les actions, le Royaume-Uni est un choix par défaut parmi les marchés développés

L’économie intérieure ne représente qu’environ 40 % des revenus des grandes capitalisations britanniques contre environ 75 % pour les grandes capitalisations américaines (U.S.) ou 60 % pour la zone euro. Les fondamentaux apparaissent cependant faibles comme le montre la dynamique négative et en recul des bénéfices. La composition sectorielle paraît également peu attractive du fait de son exposition limitée à la robuste croissance mondiale qui se dessine, en raison de la prédominance des industries défensives sur les cycliques (en excluant les matières premières). Malgré la faiblesse des fondamentaux, les valorisations ne semblent pas pour autant particulièrement attractives. Elles sont inférieures à la moyenne mondiale (sur la base de la valeur d’actif net, des bénéfices et des dividendes) mais plus chères que celles du Japon ou des marchés émergents.