Japon : à la croisée des chemins des actions, des obligations et de sa devise

Asset Management - L’économie japonaise a enregistré une série de surprises à la hausse cette année : elle est fortement en prise directe avec la croissance de la production mondiale et le caractère pionnier de sa politique monétaire a effectivement lié sa devise aux rendements obligataires mondiaux.

En effet, notre positionnement sur les actions japonaises se situe à l’intersection de nos analyses sur la croissance, le couple actions/obligations, la duration et le dollar U.S. Nous prévoyons que la hausse de la croissance mondiale, un contexte régional stable en Asie et une tendance haussière des rendements obligataires mondiaux seront favorables aux actions japonaises, même si les révisions de bénéfices se sont stabilisés.

Des fondamentaux macro-économiques et politiques alignés et positifs

Nous commençons avec trois observations sur le contexte macro-économique. Tout d’abord, la croissance évolue à un rythme soutenu par rapport aux normes japonaises. La croissance du PIB s’est établie en moyenne annuelle à 1,3 % à la fin du premier trimestre 2017, bien au delà du rythme tendanciel de long terme estimé du pays. L’économie a bénéficié du redressement de l’économie mondiale, avec une accélération des exportations portée à un taux de croissance à deux chiffres au cours de ces derniers mois, mais elle bénéficie également d’une solide progression de la demande intérieure. Nous prévoyons la persistance de cette croissance satisfaisante au cours des trimestres à venir.

Sur le front de la croissance, une mise en garde s’impose cependant : la politique budgétaire. Nos prévisions de croissance incluent le fait que la stimulation budgétaire de la croissance a culminé au cours du second trimestre de cette année et va désormais diminuer, générant un certain risque de baisse pour nos prévisions.

Pourtant, les indications actuelles du positionnement budgétaire – telles que les dépenses publiques d’investissement et les contrats de construction – n’ont pas encore progressé de façon significative, de telle sorte qu’il se pourrait qu’une part substantielle de la stimulation budgétaire soit encore à venir. De plus, les pouvoirs publics ont annoncé ces derniers jours souhaiter faire voter un budget supplémentaire au cours du second semestre de cette année.

En second lieu, bien que l’économie semble fonctionner avec des capacités de production inutilisées limitées, l’inflation a diminué l’an dernier et elle évolue actuellement autour de zéro. En vérité, les statistiques salariales montrent des signes naissants de redressement. Mais les instruments de mesure des anticipations d’inflation basées sur le marché et les enquêtes ont dans l’ensemble évolué à la baisse l’an dernier et l’inflation réalisée elle-même est tombée à zéro. Cette combinaison suggère que la Banque du Japon (BoJ) n’atteindra pas son objectif d’inflation de 2 % dans un avenir prévisible.

Troisièmement, malgré les déceptions sur l’inflation, la BoJ a enregistré un succès avec sa politique de contrôle de la courbe des taux, présentée en septembre 2016. En ancrant, pour l’essentiel, les rendements obligataires souverains japonais à 10 ans (JGB) autour de zéro, cette approche a comprimé du côté japonais les différentiels de taux d’intérêt. En conséquence, le yen japonais est devenu très sensible aux rendements obligataires mondiaux : la hausse des rendements du bon du Trésor américain a provoqué un affaiblissement du yen.

Du fait du recul de l’inflation, nous prévoyons que la BoJ va coller à sa politique de contrôle de la courbe des taux au moins tout au long de l’an prochain, empêchant toute sorte de choc politique. Notre opinion sur une hausse progressive des rendements obligataires mondiaux annonce un nouvel affaiblissement du yen.

Les actions japonaises comme vecteur de la duration mondiale

Le prochain lien dans la chaîne relie le yen aux actions japonaises. Un affaiblissement du yen est une aubaine pour les résultats des entreprises japonaises, les bénéfices réalisés à l’étranger progressant une fois convertis en devise locale. Il rend également les exportateurs plus compétitifs dans la mesure où le recul de la devise se traduit par une baisse des prix à l’exportation. Malgré quelques oscillations dans la durée, la persistance d’une corrélation négative entre la performance relative du Topix (par rapport aux autres marchés d’actions mondiaux) et le yen en termes pondérés par le commerce extérieur reflète ce lien fondamental (graphique 2). Un environnement satisfaisant pour la croissance intérieure constitue un soutien dans l’éventualité où la corrélation négative yen-Topix deviendrait moins négative, comme constaté en mai et juin de cette année lorsque le yen s’est renforcé mais que les actions japonaises ont correctement performé.

Pour ce qui concerne les autres facteurs fondamentaux, les révisions de bénéfices japonais semblent avoir enregistré un pic en début d’année, portant le Topix à des niveaux plus proches des marchés d’actions dans les autres régions.

Le lien entre les bons du trésor et le yen est fort 

La stratégie de la BoJ d’ancrer à zéro le rendement de l’obligation d’Etat à 10 ans implique que les évolutions des rendements obligataires étrangers se transmettent presque intégralement au yen. Le fait que ce mécanisme a fonctionné et que la BoJ reste éloignée de son objectif d’inflation suggère une inertie à court terme dans la politique monétaire japonaise.

Cependant, le modèle des révisions a suivi les mouvements du yen au cours de ces dernières années et pourrait être enclin à progresser si le yen s’affaiblit. En effet, les enquêtes auprès des entreprises japonaises suggèrent que les anticipations sur la devise intégrées dans leurs prévisions de bénéfices tablent sur un yen plus fort que son niveau actuel.

Implications pour les classes d’actifs

Les actions japonaises ont légèrement sous-performé par rapport aux autres marchés développés en 2017. L’essentiel de la sous-performance a été constatée en mars et en avril au moment du redressement du yen, une part importante de celle-ci provenant des valeurs financières, secteur présentant la corrélation négative la plus forte avec le yen. Comme nous l’avons déjà évoqué, le mécanisme de transmission des rendements mondiaux vers le Topix semble être intact, en positionnant en général favorablement les actions japonaises dans un contexte de hausse des rendements obligataires mondiaux et de demande intérieure robuste.

Qu’en est-il alors de la duration au niveau mondial ? Dans de récentes analyses, nous avons soutenu que le début de la normalisation du bilan des banques centrales sera un facteur clé poussant à la hausse les rendements obligataires cette année.

La réduction progressive par la Réserve fédérale (U.S.) du réinvestissement dans son bilan est programmée pour septembre et, sur la base de la réunion de la Banque centrale européenne de la semaine dernière, la zone euro va réduire ses achats peu après. Si les chiffres étonnamment bas de l’inflation dans les marchés développés ont atténué la rhétorique de fermeté des banques centrales, l’inflation et les facteurs politiques à moyen terme annoncent toujours une hausse des taux.

Les actions mondiales s’attendent à bénéficier d’un environnement satisfaisant pour la croissance, d’évolutions progressives des banques centrales et de conditions financières accommodantes, raison pour laquelle nous maintenons en partie une position surpondérée de taille modérée. Le fait que le dollar ait reculé est un défi dans le contexte de notre position sur le Japon mais c’est une aubaine pour les actions des marchés émergents, justifiant dans l’ensemble notre préférence actuelle pour une large diversification dans toutes les régions.

Un affaiblissement du yen continue à être un facteur positif pour le topix

La performance relative des actions japonaises repose essentiellement sur la valeur relative de sa devise. La corrélation entre le yen pondéré par le commerce extérieur et la performance relative du Topix a été globalement négative au cours des dernières années.