Inflation : répit de courte durée

Asset Management - En cette rentrée 2021, les marchés financiers suivent de près les déclarations des banques centrales. Aux Etats-Unis, la Fed va-t-elle donner le top départ du tapering ? L'éclairage de Karamo Kaba, Directeur de recherche économique chez Ecofi.

A peine le temps de se remettre de la bonne surprise sur l’inflation américaine que les investisseurs se sont focalisés cette semaine sur la réunion de la Réserve fédérale (Fed). Après les dernières sorties de plusieurs membres de la Fed, il semble que l’institution américaine soit en passe d’annoncer le chronogramme de la réduction de son programme d’achats d’actifs (« Tapering ») qui n’interviendrait au mieux que plus tard cette année, en novembre ou décembre.

Ralentissement durable… ou pas ?

La Fed devrait également annoncer ses nouvelles projections économiques et insister sur le caractère temporaire de l’inflation. L’indice des prix à la consommation n’a progressé que de 0,3 % en août contre +0,4 % attendu par le consensus. Même l’inflation sous-jacente — qui exclut les aliments et l’énergie — est ressortie en deçà des attentes, avec un gain d’à peine 0,1 % sur le mois. Désormais, sur une année glissante, la progression des prix s’est établie à 5,3 % contre 5,4 % le mois précédent, ce qui reste tout de même élevé.

Ce ralentissement de l’inflation est-il durable ? Pas sûr quand nous analysons le rapport d’inflation avec attention. L’accalmie des prix s’explique avant tout par une baisse de certains composants comme les prix des billets d’avion (-9,1 %, pénalisés par la résurgence des cas de Covid-19) ou les voitures d’occasion (-1,5 % sur le mois après une hausse d’environ 30 % entre mars et juillet).

Il faut donc veiller à ne pas tirer de conclusions trop hâtives, d’autant que les attentes d’inflation des ménages (mesurées par l’Université du Michigan) ou des patrons de PME (mesurées par le National Federation of Independent Business) n’ont cessé de progresser.

Sous surveillance européenne

Il faut également surveiller le début d’accélération des loyers (+0,2 %) qui paraît tout de même sous-évalué lorsque l’on sait que les prix de l’immobilier sont au plus haut depuis 1987 (+19,6% sur une année pour l’indice Case-Shiller) et que la progression réelle sur une année des loyers est proche des deux décimales (+9,2 % pour l’indice Zillow rent en juillet).

La crainte des investisseurs de voir la Fed durcir ses taux directeurs prématurément pour contrer ces pressions inflationnistes est bien réelle. C’est ce qui explique la remontée des taux longs (+2 points de base, à 1,36 % pour le T-Bond sur la semaine), en plus du bond du pétrole (+2,1 % pour le Brent, à 75 dollars).

Et comme il fallait s’y attendre, les taux américains ont aspiré à la hausse les rendements des taux longs en Europe. L’appréciation des rendements est encore plus importante après le discours de Christine Lagarde annonçant le « recalibrage » des achats du programme d’achat d’urgence PEPP.

La rengaine de la prudence

L’approche de la réunion de la Fed a poussé les investisseurs à la prudence, ce qui s’est traduit par un recul des indices (-1,1% pour le S&P 500, à 4 423,44 points). Certes, le fort ralentissement de la production industrielle (passée de +6,4 % à +5,3 % sur un an) et des ventes au détail (à +2,5 % sur un an, au plus bas depuis un an) ont montré que la politique du « zéro Covid » avait nui à l’activité plus fortement qu’anticipé en Chine.

Mais les ventes au détail aux Etats-Unis sont ressorties plus fortes que les attentes (+0,7 % sur le mois contre -0,4% attendu), sans doute aidées par la rentrée scolaire et le versement de la prime « Child Tax Credit » pouvant aller jusqu’à 2 000 dollars par enfant.

D’autres indicateurs importants ont également montré des signes de rebond, à l’image de la production industrielle (+0,4 % en août), de l’indice de la Réserve fédérale de Philadelphie (passé de 19,4 à 30,7 points en septembre), de l’indice Empire de la Réserve fédérale de New York (passé de 18,3 à 34,3 points en septembre) ou de l’indice de l’Université du Michigan (passé de 70,3 en août à 71,0 points en septembre).

La valse du dollar et de l’euro

Cette bonne orientation des enquêtes américaines a profité au dollar, en plus des anticipations de resserrement monétaire prématuré. Il faudrait s’attendre à ce que le billet vert poursuive son appréciation jusqu’à mercredi après la réunion de politique monétaire de la Fed.

L’euro a reculé malgré la publication de statistiques de bonne facture, à l’image de l’accélération de la production industrielle (+1,5 % en juillet). Le rebond a été particulièrement fort en Irlande (+7,8 %), en Belgique (+5,0 %) et au Portugal (+3,5 %). Sur une année, seul le Portugal demeure en contraction (-0,1 %).

Karamo Kaba

Directeur des études économiques

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