Inde : les élections législatives, une seconde chance pour Narendra Modi ?

Asset Management - Le premier ministre indien Narendra Modi est confronté à des problèmes urgents d’ordre économique, social et politique. Dans le cadre des prochaines élections législatives — qui vont durer jusqu’au 19 mai 2019 — quelles opportunités se présentent pour les investisseurs ? De retour de Mumbai (Bombay), Aaron Armstrong, Gérant de Portefeuille, partage son analyse.

Narendra Modi a marqué l’Histoire en 2014 à la tête du Bharatiya Janata Party (BJP), quand sa formation est devenue le premier parti du pays — autre que le Congrès — à obtenir la majorité à la chambre basse du Parlement. Narendra Modi et le BJP ont pris le pouvoir avec la promesse de relancer une économie à la traîne et de lutter contre la corruption. Au terme de son quinquennat, le bilan de Narendra Modi est pourtant mitigé.

La croissance reste inférieure aux attentes, et le chômage est un défi majeur. Les mesures qui sapent l’indépendance de la banque centrale et la tendance populiste des élections suscitent également des interrogations. Malgré ces défis, le gouvernement a mené certaines réformes économiques cruciales. L’indice MSCI India a surperformé l’ensemble des marchés émergents en dollars au cours de l’année dernière, enregistrant un rendement de 3,9 % sur la période de 12 mois se terminant le 31 mars 2019, contre une baisse d’environ 9,5 % pour l’indice MSCI Emerging Markets.

Inde : les élections législatives, une seconde chance pour Narendra Modi ?

Quels enjeux pour les prochaines élections ?

Selon notre scénario de base, le BJP dirigera la solide coalition de l’Alliance Démocratique Nationale (NDA). Cela dépend fortement du nombre de sièges remportés par le BJP à la chambre basse. Un minimum de 230 à 240 sièges sera nécessaire pour fournir une base de pouvoir solide sur laquelle construire une coalition. Dans ce scénario, la politique actuelle axée sur la réforme et le développement devrait se poursuivre. 

Une coalition plus faible menée par le BJP s’avérerait moins stable pour les marchés financiers, mais le pire scénario serait un gouvernement dirigé par le Congrès. Pour les investisseurs, la crainte est un possible retour à un manifeste économique basé sur des aides financières et des garanties de revenus. Ce dernier scénario est toutefois éloigné à ce stade.

Perspectives économiques et budgétaires

Narendra Modi et le BJP avaient fait campagne en 2014 sur la promesse d’une économie plus dynamique. Depuis, le gouvernement a augmenté les investissements dans les infrastructures et facilité la conduite des affaires, mais sans reprise de la croissance économique ou de l’emploi.

Si cette économie plus molle est un obstacle important à la réélection du BJP, l’opposition n’est pas en mesure de tirer profit de cette opportunité. Le parti du Congrès n’a pas de dirigeant populaire doté d’une personnalité publique suffisante pour défier Narendra Modi. Il ne propose aucune politique économique claire, capable de répondre aux besoins de l’Inde moderne.

Un certain populisme s’est immiscé dans la politique budgétaire. Le gouvernement a dépensé des sommes plus élevées pour cibler les électeurs ruraux. Il a également remplacé le gouverneur de la banque centrale en décembre 2018, par une nomination d’initié plus alignée sur son agenda politique. Ce changement a entraîné un assouplissement de la politique monétaire à l’approche des élections. Si ce rebondissement soulève des questions à long terme sur l’indépendance de la banque centrale, la baisse des taux pourrait donner un léger coup de pouce à l’économie.

La démonétisation réussie des billets de banque

C’est peut-être le sujet le moins bien compris du mandat de Narendra Modi. En novembre 2016, 86 % des billets indiens (en valeur) ont été retirés de la circulation de manière inattendue, perdant toute valeur du jour au lendemain. Cette politique a obligé tous les détenteurs de billets de banque ayant les deux plus fortes valeurs à déclarer leurs avoirs dans leur agence bancaire locale en contrepartie de nouveaux billets.

L’un des objectifs de cette politique était de supprimer du système « l’argent noir » acquis illégalement. Dans la pratique, cependant, un pourcentage de billets considérablement plus élevé que prévu a été échangé de manière légitime. A cet égard, l’impact de l’initiative a été inférieur aux attentes. Se focaliser sur ce facteur revient toutefois à passer à côté de l’importance de la formalisation du système d’épargne.

La démonétisation a contraint des millions de ménages à recourir pour la première fois à des services bancaires officiels, contribuant ainsi à leur intégration dans l’économie formelle. En outre, cette mesure devrait mobiliser des milliards de dollars d’économies détenues actuellement dans des actifs physiques improductifs, tels que l’or et les billets de banque. La déclaration du patrimoine et des revenus améliorera également la conformité fiscale, ce qui devrait augmenter les recettes du gouvernement.

L’Inde va-t-elle suivre l’exemple chinois ?

La direction sera similaire, mais la manière dont l’Inde arrivera à cette destination sera probablement très différente de celle de la Chine. Bien qu’il existe des similitudes — comme le potentiel d’urbanisation et l’augmentation des normes de revenu — la croissance de la Chine au cours des 30 dernières années a été largement stimulée par la politique de l’État. À l’inverse, la croissance de l’économie indienne est davantage déterminée par les forces du marché et les incitations à la maximisation des profits.

Dans ces conditions, le parcours de l’Inde pourrait s’avérer bien plus chaotique que celui de la Chine, et mettre davantage l’accent sur les entreprises du secteur privé pour booster l’économie. C’est un point de différenciation clé pour les investisseurs, avec des implications importantes pour la sélection active de titres dans un contexte plus entrepreneurial.

Les marchés financiers reflètent la probabilité d’un gouvernement dirigé par Narendra Modi, à la fois en termes de marchés d’actions et de flux d’investissements étrangers. Dans ce contexte, les valeurs à bêta élevé tendent à surperformer. Les secteurs de la finance et des infrastructures font partie de ceux où le sentiment des investisseurs est particulièrement conforme aux perspectives politiques.