Hong Kong : pourquoi c’est important ?

Asset Management - Cinq ans après la révolte des parapluies jaunes, près d’un million de manifestants — soit un habitant sur sept — sont descendus dans la rue à Hong Kong début juin. Ils contestaient un projet de loi qui prévoyait de faciliter les extraditions vers la chine. Si le gouvernement a retiré ce projet de loi, des milliers de jeunes continuent d’ériger chaque weekend des barricades devant le bâtiment du Conseil législatif (LEGCO). Quelles conséquences économiques ces évènements vont-il avoir ? John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud, partage son analyse.

Commencé dans le calme vendredi 9 août, le dixième weekend de protestation que connaît Hong Kong depuis la mi-juin s’est terminé dimanche soir dans la violence. L’occupation depuis vendredi dernier d’une partie du hall d’arrivée de l’aéroport s’est d’abord déroulée dans une ambiance bon enfant.

Les protestataires qui ont accueilli les voyageurs en s’excusant de la gêne occasionnée et en expliquant qu’ils se battaient pour la démocratie ont plutôt réussi leur opération de communication. Pékin regarde cependant ces évènements de très près et pourrait songer à intervenir pour empêcher le mouvement de prendre des proportions non maîtrisables, qui pourraient potentiellement déborder sur le territoire chinois.

Souvenir des parapluies jaunes

Ce qui avait débuté comme une grève étudiante en faveur de la démocratie s’était transformé en octobre 2014 en occupation du quartier central des affaires à Hong Kong. Organisées à l’origine comme une réponse au gouvernement chinois — suite au refus de celui-ci d’autoriser les Hongkongais à élire le chef de l’exécutif — les proportions et les enjeux de ces manifestations avaient pris une tout autre ampleur.

Le mouvement était désormais désigné sous le nom de « Révolte des Parapluies », les parapluies étant la protection utilisée par les foules contre les toxines paralysantes utilisées contre eux. Un grand nombre des manifestants de la Révolte des Parapluies n’étaient même pas nés en mai 1989, lorsque des milliers d’étudiants prodémocratie avaient été abattus par la police et les militaires de la place Tiananmen de Pékin.

L’impact sur le secteur du luxe

L’ex-colonie britannique est une des places fortes mondiales du luxe, puisqu’il pèse pour plus de 10% de ce marché à l’échelle mondial. Cosmétiques, maroquinerie, prêt-à-porter sont et seront touchés par cette révolte populaire. Mais c’est l’horlogerie qui risque d’en payer le plus fort tribut. Près d’une montre sur cinq vendue dans le monde est achetée à Hong Kong. C’est le plus gros marché pour l’exportation des montres suisses. Pour certaines marques comme Cartier, Hong Kong peut peser jusqu’à 15 % de leur chiffre d’affaires horloger.

Tous les regards sont portés maintenant sur les flux touristiques chinois. En cas d’envenimement de la situation, nous pouvons nous attendre à un report vers Macau, Tokyo et Dubaï, comme cela fut le cas en 2014. Seule différence notable pour l’instant avec la révolte de parapluies jaunes : le moment dans l’année. Cette révolte avait eu lieu pendant la fameuse Golden Week en octobre, moment privilégié pour le travailleur chinois pour faire du shopping de luxe à Hong Kong, place détaxée. Une prolongation de la durée de ces manifestations pourrait avoir des conséquences véritablement dramatiques sur le secteur du luxe.

Les effets sur le tourisme

Le secteur privé, en particulier l’industrie du tourisme, commence à évaluer les répercussions sur ses comptes de plus de deux mois de manifestations parfois violentes. Les chiffres sont mauvais : en juillet, le taux d’occupation des chambres d’hôtel et le nombre de visiteurs ont chuté. Les réservations de visites de groupe ont reculé de 50 %. L’impact est tel que les agences de voyages commencent à envisager de placer des employés en congés sans solde pour résister à la tempête. Les réservations pour août et septembre ont chuté de façon significative. Plusieurs pays — dont les États-Unis, l’Australie et le Japon — ont émis des avertissements aux voyageurs.

Au niveau des entreprises, citons Disneyland Hong Kong. Son PDG, Bob Iger, a reconnu dernièrement que les manifestations allaient peser sur la fréquentation du parc cet été, et impacter les résultats du groupe. Par ailleurs, l’aéroport de Hong Kong a annoncé l’annulation hier de tous les vols au départ et à l’arrivée en raison de l’ampleur d’une manifestation dans son principal terminal. Plus de 5 000 manifestants y étaient réunis, selon la police de Hong-Kong. Cette chute des arrivées a heurté de plein fouet la compagnie aérienne hongkongaise Cathay Pacific, qui a dû annuler des vols cette semaine en raison d’une grève générale.

Vers une longue reprise économique

Les secteurs de la distribution et de l’immobilier commercial devraient aussi être touché de plein fouet par les manifestations. Si le gouvernement hongkongais table toujours sur une croissance de 2 % à 3 % pour 2019, la crise va aggraver de manière significative l’activité économique de la ville. Certains experts estiment en effet que l’ex-colonie britannique pourrait rentrer en récession avant la fin de l’année.

Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif de Hong Kong, a quant à elle accusé les contestataires de mettre en danger l’économie du territoire. Les conséquences pourraient être pires que celles de l’épidémie du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003 et de la crise financière de 2008, a-t-elle averti, et « la reprise économique prendra très longtemps ».

Focus sur le poids de Hong Kong

Dixième puissance commerciale et troisième centre financier au monde, Hong Kong est souvent citée comme l’exemple type d’une économie libérale. Son PIB a augmenté de 3,8 % en 2018, mais les estimations pour 2019 varient de 2,9 % à 3,8 % et les projections pour 2020 sont évaluées à 3 % (FMI). Les économistes de Nomura prévoient une croissance du PIB de 2,3% en 2019. Cette décélération est liée au ralentissement de l’économie chinoise, aux guerres commerciales mondiales, à la baisse des IDE, et au durcissement des conditions de crédit si la politique de la Fed contraint l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA) à suivre ses taux.

Le gouvernement de Hong Kong a clôturé l’exercice 2018 avec un excédent budgétaire de 1,5 %, mais le FMI prévoit des soldes budgétaires proches de zéro pour 2019 et 2020. Hong Kong continue de bénéficier de finances publiques solides avec une dette publique quasi inexistante et aucun changement de tendance n’est prévu dans un futur proche. En ce qui concerne l’inflation, elle a atteint 2,3 % en 2018 et devrait rester à ce niveau (2,1 % en 2019 et 2,2 % en 2020). La Coface prévoit toutefois une inflation de 2,3 % en 2019.

Les principaux partenaires de Hong-Kong sont (2017) la Chine (54,1 %) et les Etats-Unis (7,7 %) à l’export. Il s’agit de la Chine (44,6 %), de Singapour (6,4 %), du Japon (6,1 %), de la Corée du Sud (5,5%) et des Etats-Unis (5,2 %) à l’import. Les manifestations à Hong-Kong durent depuis près de 2 mois et ne semblentpas sur le point de se tarir. Si la situation devait perdurer et aller au-delà de la fameuse Golden Week (début octobre), l’impact économique pourrait être dramatique pour la ville, mais aussi pour plusieurs secteurs, dont celui du luxe qui a récemment si bien performé…

John Plassard - Mirabaud

Spécialiste en investissement

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