Gestion privée : à quoi ressemblera-t-elle demain et qui en seront les bénéficiaires ?

Asset Management - L'arrivée de la digitalisation bouleverse le secteur de la gestion privée. La technologie transforme la gestion de portefeuille, mais également la relation des gérants avec leurs clients. Dans ce contexte, comment améliorer la gestion d'actifs tout en renouvelant le conseil de proximité ? Quel avenir pour le métier de conseil en gestion privée ? Les explications d'Albert d'Anthoüard, Directeur de la clientèle privée de Nalo.

Les professionnels du secteur le reconnaissent : les banques privées traversent une période compliquée. En cause, l’arrivée de nouveaux acteurs qui, grâce à la digitalisation de leur offre et au développement de technologies innovantes, se montrent capables d’apporter un service de qualité supérieure pour un coût moindre et un seuil d’éligibilité revu à la baisse. Paradoxalement, la nouvelle gestion privée exploite les technologies financières les plus avancées pour renouer avec les valeurs de proximité qui faisaient la force de la profession dans les années 1970.

Ce n’est pas un secret, les banques privées ont des coûts fixes élevés — mode de rémunération des gestionnaires, méthode de gestion dite « active », bureaux dans des beaux quartiers, process non dématérialisés, etc. —qu’elles répercutent aux clients. Les épargnants — en capacité de comparer depuis MIF2 — attendent désormais que les gestionnaires privés justifient leurs tarifs, notamment sous les angles de la performance et de la qualité de service. La plupart du temps, ils sont de plus en plus difficiles à justifier.

Gestion de portefeuille et algorithmes

Au sujet de la gestion d’actifs tout d’abord : il est prouvé depuis de nombreuses années qu’il est tout à fait vain de chercher à faire mieux que la performance du marché. Payer quelqu’un pour qu’il achète au plus bas et vende au plus haut revient à payer quelqu’un pour jouer au loto à sa place. Le marché représente la moyenne de tous les investisseurs en bourse, qui sont pour la majorité des professionnels avertis. Chercher à faire mieux que le marché, c’est chercher à battre l’intelligence collective de l’ensemble des investisseurs.

Pour gagner contre le marché, il faut ainsi gagner contre tout le monde à la fois, en permanence. Autant dire que sur le long terme, cette mission est impossible. Eugène Fama et Kenneth French ont même démontré, dans un papier intitulé « Luck versus Skilll in the Cross Section of Mutual Fund Returns », que les gérants qui surperformaient le marché le faisaient le plus souvent par chance et non par compétence.

Par conséquent, et conformément aux démonstrations de plusieurs Prix Nobel d’Économie (Fama, Kahneman), la gestion privée du futur devrait s’appuyer sur une méthode de gestion dite passive, exécutable par des algorithmes et par conséquent moins chère. C’est notamment de ce postulat de départ qu’ont émergé ces dernières années les robo advisors.

Alliance de la technologie et de l’humain

Au niveau de la qualité de service, ensuite. Depuis les années 1990, la profession a perdu ce qui faisait sa force et sa véritable valeur ajoutée : la proximité avec la clientèle. Les banquiers privés ont trop souvent été incités — notamment par le mode de calcul de leurs bonus — à suivre des consignes commerciales visant à remplir des objectifs en produit net bancaire (PNB), parfois au détriment d’un réel accompagnement patrimonial.

Les nouveaux acteurs exploitent quant à eux l’innovation et les nouvelles technologies pour revenir à l’essence même de l’activité. En libérant les gestionnaires de leurs tâches de gestion nécessaires mais chronophages, les algorithmes permettent aux conseillers de se focaliser sur les services à haute valeur ajoutée. Les robo advisors — forts de leur grand potentiel pour la gestion d’actifs — sont ainsi en capacité de répondre aux besoins des clients désireux d’avoir accès à une expertise, aussi particulière soit-elle.

Ils permettent par exemple de mener des opérations de structuration patrimoniale, d’offrir des expertises en Private Equity, en investissement immobilier, en recherche de partenaires commerciaux à l’étranger et bien entendu en investissement financier. Le tout, pour un seuil d’éligibilité revu à la baisse.

Vers un retour en grâce ?

Cet état de fait devrait satisfaire les déçus de la gestion privée traditionnelle, en quête d’une meilleure gestion d’actifs associée à un conseil de proximité. Mais il devrait également ouvrir des perspectives aux cadres, professions libérales et chefs d’entreprise, jusque-là en partie délaissés par la profession.

Albert d'Anthoüard

Directeur de la clientèle privée - Nalo

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