Gestion de portefeuille : quelle place pour l’or dans un marché volatil ?

Asset Management - Dans un contexte de marché volatil, l'or monte quand les actions baissent. Au regard des circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire, comment comprendre les mouvements du marché de l'or ? Quelle place donner à cet actif alternatif en portefeuille ? Jack Janasiewicz, gérant de portefeuille au sein de Natixis Investment Managers, partage son analyse.

L’or s’apparente actuellement à une combinaison de plusieurs éléments. Le premier étant les taux réels. Comme l’or n’a pas de rendement, l’argument contre lui a toujours été l’absence de portage — vous n’êtes pas payé pour rester assis et détenir l’actif.  

Quid des taux réels ?

Les taux nominaux des titres obligataires traditionnels étant si bas et les rendements réels étant désormais négatifs — et évoluant de manière encore plus négative — l’argument du coût de portage que les actifs obligataires de type « valeur refuge » ont généralement fourni n’est plus un obstacle. 

Dans les faits, vous perdez de l’argent dans les rendements corrigés de l’inflation en détenant la plupart des titres de créance émis par le gouvernement. Alors que les rendements réels deviennent de plus en plus négatifs, l’or en tant que réserve de valeur semble être de plus en plus attrayant chaque jour. 

Rôle d’actif alternatif

Deuxièmement, et dans le même ordre d’idées, l’offre d’actifs obligataires qui possèdent un rendement négatif augmente chaque jour ces derniers temps. Comme l’offre d’actifs qui ne sont plus à rendement positif continue d’augmenter, cela exerce une pression à la hausse sur les actifs alternatifs comme l’or.

Les investisseurs cherchent un moyen de préserver la valeur de l’or plutôt que de la voir érodée par l’inflation chaque jour. Offre et demande : l’offre d’actifs à rendement négatif continue de pousser à la hausse la demande d’actifs pouvant conserver leur valeur à court terme.

La faiblesse du dollar

Troisièmement, le dollar américain a commencé à se replier par rapport à de nombreuses grandes devises à travers le monde. Et bien qu’une partie de ce recul puisse être davantage fonction de la force de l’euro, un dollar plus faible agit également comme un catalyseur pour l’or. Les investisseurs recherchent à nouveau un actif leur permettant de conserver leur pouvoir d’achat.  

Les raisons de la faiblesse du dollar sont nombreuses : inquiétudes liées au Covid-19, élections, taux d’intérêt réels, écarts de croissance, réaction budgétaire et monétaire, etc. Mais quelle que soit la raison que vous souhaitiez invoquer pour expliquer la faiblesse récente du dollar, il s’agit là d’un catalyseur de plus pour que l’or pousse plus haut. Le prix de l’or est fixé en dollar US et, à mesure que la valeur du dollar baisse, l’or devient moins cher à l’achat. 

Variable d’ajustement

Enfin, du point de vue de la construction d’un portefeuille, avec des rendements obligataires nominaux en baisse, le rôle de lest et de compensation du risque lié aux actions des titres obligataires continue de diminuer. À mesure que les bons du Trésor américain se rapprochent de la limite inférieure de zéro, la capacité des rendements à se redresser fortement en période de volatilité des actions devient plus difficile, un peu comme la convexité négative des titres hypothécaires par exemple. 

La marge de progression des rendements est beaucoup plus importante lorsqu’ils sont à 4 % par exemple, que lorsqu’ils sont à 0,53 %. Par conséquent, l’utilité des titres obligataires dans le cadre de la constitution d’un portefeuille s’amenuise de jour en jour. Les obligations souveraines n’offrent pas de rendements réels et deviennent encore plus contrastées à mesure qu’elles s’approchent de la limite inférieure en termes de capacité à compenser le risque lié aux actions en période de stress. 

Compenser les risques

En conséquence, les investisseurs se tournent vers d’autres moyens de compenser le risque sur actions et l’or est l’une des options. Jusqu’où l’or peut-il donc remonter ? Tant que ces quatre catalyseurs ne se seront pas atténués, il est difficile de voir une pression significative à la baisse sur l’histoire de l’or. 

Un point à noter : la base d’acheteurs d’or est un peu différente de celle des acheteurs traditionnels de titres obligataires. L’or est encore davantage le fait d’investisseurs spéculatifs, qui le négocient comme une marchandise et une position de location, et pas nécessairement comme un investissement à long terme en soi.  

Une légère nuance ici, qui lui donnera le potentiel d’une plus grande volatilité lorsqu’il sera comparé à un actif concurrent comme un obligataire souverain de refuge. De ce fait, l’or semble beaucoup plus sensible au positionnement et au sentiment des investisseurs que les bons du Trésor et les valeurs refuges, par exemple. Nous avons certainement vu les positions sur l’or se renforcer régulièrement au cours des derniers mois.        

Jack Janasiewicz - Natixis IM

Gérant de portefeuille

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