Une feuille de route pour les Etats-Unis en 2018

Asset Management - Même pour les portefeuilles réellement internationaux, les États-Unis jouent un rôle significatif. Les marchés américains représentent une part importante de l’univers de placement mondial et leur économie occupe une place déterminante dans notre réflexion.

Les États-Unis continuent de représenter près de 20% du PIB mondial, et surtout, les récessions mondiales ont tendance à en émaner. Notre positionnement actuel « pro-risque » repose sur l’opinion fondamentale qu’une crise économique a peu de chances de commencer dans les 12 prochains mois. Le début de la nouvelle année et l’adoption récente d’une loi réduisant les impôts nous donnent l’occasion de réactualiser notre avis sur les États-Unis dans un contexte de portefeuille. Nous continuons de penser que les conditions économiques resteront favorables aux actifs risqués. En parallèle, la progression probable vers la fin de cycle fait ressortir le besoin d’une surveillance accrue des risques à mesure que l’année avance, notamment sur le front politique. Notre scénario de base prévoit en moyenne une croissance moyenne du PIB réel américain de 2,1% en 2018, soit 0,4 p.p. de plus par rapport à notre estimation du taux de croissance tendanciel de l’économie. Nous avons récemment revu ce chiffre légèrement à la hausse, en réponse notamment à la nouvelle loi fiscale. Nos prévisions antérieures reflétaient un coup de pouce fiscal à la croissance du PIB d’environ 0,2 p.p. pour cette année. La nature plus immédiate des réductions d’impôt finalement approuvées par le Congrès par rapport aux projets antérieurs augmentera probablement ce chiffre de 0,2 à 0,2 p.p.

Nous pensons que cette relance budgétaire devrait se refléter en partie par une augmentation des dépenses de consommation, ainsi que par une augmentation de l’investissement des entreprises. Malgré l’importante réduction du taux marginal de l’impôt sur les sociétés, nous ne prévoyons pas de forte hausse des dépenses d’investissement, pour plusieurs raisons : (1) la corrélation historique entre le taux d’imposition et les dépenses des entreprises est relativement faible, (2) contrairement au discours de « prudence » des entreprises, nous pensons que les dépenses d’investissement se sont globalement comportées comme on pouvait s’y attendre au cours du cycle actuel, compte-tenu des autres moteurs de croissance de l’économie, (3) compte-tenu de l’amortissement accéléré permis par le code fiscal, le cadre fiscal était déjà relativement favorable aux dépenses d’investissement, (4) l’investissement a déjà nettement repris en 2017, affichantl’un des taux de croissance les plus importants de la phase d’expansion actuelle. Du côté de la consommation, nous pensons que la baisse des taux d’imposition marginale et l’augmentation résultante des revenus disponibles devraient se traduire par une hausse des dépenses. Nous nous attendons toutefois à ce qu’une grande partie de cette manne soit épargnée, les ménages cherchant à reconstituer leur faible taux d’épargne actuel, et une grande partie des avantages fiscaux se dirigeant vers les ménages à revenus élevés, qui sont moins enclins à dépenser.

Nous pensons que les États-Unis sont entrés mi-2017 en phase de fin de cycle. Sachant que certains moteurs cycliques de l’économie commencent à afficher des signes de fatigue, nous pensions que le taux de croissance de l’économie se rapprocherait de sa tendance sous-jacente. Le coup de pouce des baisses d’impôts risque toutefois de retarder ce mouvement de convergence. Le logement représente un autre facteur susceptible de modifier la donne économique en 2018. L’activité du secteur ayant atteint un niveau conforme à nos prévisions d’équilibre à moyen terme, nous nous attendons à une croissance relativement modeste. Le secteur s’est toutefois affaibli de manière notable mi-2017, affichant des résultats inférieurs à nos prévisions, pour se reprendre et soutenir l’économie au quatrième trimestre. La poursuite de cette tendance pourrait faire peser un risque à la hausse sur nos prévisions. Nous pensons toutefois que la dynamique de fin de cycle devrait reprendre le dessus, exerçant une force gravitationnelle vers le bas qui finira par se faire ressentir dans le reste de l’économie.

Des perspectives d’inflation relativement favorables

L’un des principaux vecteurs entre notre optimisme en matière d’activité économique et l’action des décideurs politiques est l’inflation. Après la chute de l’IPC de base au premier semestre 2017, l’inflation a retrouvé un taux annualisé d’environ 2% au 4ème trimestre.

Même si à de nombreux égards, nous nous retrouvons aujourd’hui au même point qu’au début de l’an dernier en matière d’inflation, nous pensons (humblement) avoir tiré quelques leçons de ce processus. En particulier, nous sommes de plus en plus convaincus que la baisse du taux de chômage exercera probablement moins de pression à la hausse sur l’inflation que l’expérience passée pourrait le laisser penser. Cela s’explique par l’existence de plusieurs freins persistants qui continuent d’atténuer le lien cyclique modéré qui existe entre le resserrement du marché de l’emploi, les salaires et les prix à la production. L’atténuation de certains facteurs inflationnistes non cycliques, comme par exemple les soins médicaux, les prévisions plus modérées d’inflation à long terme et l’impact désinflationniste d’une vague d’adoptions technologiques sont autant de facteurs qui contribuent à ce phénomène. Par conséquent, même en situation de plein emploi sur fond de dynamique cyclique favorable et de relance budgétaire en cours, nos prévisions d’inflation restent relativement modérées. Cette dérive haussière graduelle de l’inflation contiendra probablement les velléités de politique plus stricte de la Réserve fédérale (Fed). Un rythme régulier de hausses de taux nous semble toutefois plus justifié maintenant qu’à tout autre moment de la phase d’expansion actuelle. Avec le dynamisme cyclique en place sur un large éventail de facteurs de dépenses, les quatre hausses de taux prévues cette année par la Fed semblent respecter l’équilibre entre le maintien de la croissance et la prévention des excès d’euphorie. Nous pensons que les principaux risques pesant sur nos prévisions proviennent de la sphère monétaire et géopolitique : le discours des banques centrales annonciateur d’un resserrement de politique (non seulement de la part de la Fed, mais dans l’ensemble des économies du G4) remettra-t-il en cause l’assouplissement apparemment inexorable des conditions financières à l’échelle mondiale ? La hausse des prix du pétrole s’accélérera-t-elle pour se transformer en effet de ciseau haussier catalysé par la situation au Moyen-Orient et au Venezuela ?

La renégociation de l’ALÉNA et les tensions entre les États- Unis et la Chine dégénèreront-elles en guerre commerciale ?

Quelles indications tirer du PIB du premier trimestre compte-tenu des récents problèmes de saisonnalité résiduelle ?

Malgré la part d’incertitude qui accompagne ces risques, le tableau global qui émerge est celui d’une économie américaine qui défie, pour le moment, l’effet de gravité de la fin de cycle, en affichant une dynamique cyclique robuste et généralisée dans laquelle les risques à la hausse et à la baisse se contrebalancent.

Implications pour les classes d’actifs

Dans le cadre de son expansion prolongée et modérée de l’après-crise, caractérisée par une dynamique cyclique quelque peu inhabituelle par rapport au passé, l’économie américaine semble finalement avoir atteint une phase classique de fin de cycle. Bien que cela laisse présager un amenuisement des facteurs de croissance au fil du temps et des conditions financières qui finiront par se resserrer avec la hausse des taux, la probabilité d’une récession dans les douze mois à venir reste faible et la dynamique à court terme est globalement favorable à la prise de risque dans les portefeuilles. Ces mêmes facteurs fondamentaux justifient notre préférence pour les actions par rapport au crédit pour profiter de cet avis pro-risque, et font ressortir toute l’importance du marché américain au sein d’une allocation actions diversifiée au niveau international.