EXCLUSIF / Portzamparc Entrepreneurs : comment les PME-ETI françaises résistent-elles à la crise ?

Asset Management - Les petites et moyennes capitalisations françaises continuent d’offrir des opportunités aux investisseurs. Le fonds Portzamparc Entrepreneurs fait ainsi 5 à 6 points de mieux que son indice de référence. Son gérant Adil Kada explique au Courrier Financier sa stratégie de gestion.

Créé le 1er août 2016, Portzamparc Entrepreneurs est un fonds investi sur les petites et moyennes capitalisations françaises, et dont l’indice de référence est le CAC Mid&Small. La capitalisation moyenne pondérée du fonds se situe autour de 5 milliards d’euros. 

Depuis le début de l’année 2020, Portzamparc Entrepreneurs affiche une performance de – 18,5 % contre – 23,5 % pour son indice de référence et un CAC40 à – 25,5 % (performances arrêtées le 6 mai 2020).

Crise sanitaire, les dates clés

Nous sommes actuellement face à une crise sanitaire inédite. Au milieu du mois de janvier, des premières informations remontaient sur un début d’épidémie liée à un nouveau virus en Chine. Pour faire face à sa propagation, la Chine a confiné la région de Wuhan le 23 janvier. Le déconfinement a débuté seulement le 7 avril.

En Europe, l’Italie a été le premier pays touché par cette crise sanitaire. Le 5 mars, le confinement a débuté en Italie avec un bilan de 3 000 personnes contaminées. Cette date marque ainsi le début de la réelle prise de conscience de l’ampleur de cette épidémie. Les marchés actions ont alors entamé une chute importante.

Cette crise est différente de celle de 2008. Il ne s’agit pas d’une crise de liquidité ou de confiance. Le confinement représente un arrêt d’activité. Selon nous, le redémarrage de l’économie devrait être plus rapide et plus important. Cependant sa forme reste inconnue : en V, en U ou en W ? Au niveau des sociétés cotées, nous retrouvons 3 cas de figures :

  • Cas 1 : Avec le confinement, des sociétés perdent leur chiffre d’affaires et elles ne retrouveront leur précédent niveau d’activité qu’après plusieurs trimestres ;
  • Cas 2 : Certaines sociétés vont pouvoir rattraper une partie de leurs activités et par la suite retrouver un niveau d’activité normal ;
  • Cas 3 : Une partie des sociétés profitent de la crise et voient leurs activités progresser.

Premiers contributeurs

Les premiers contributeurs du fonds depuis le début de l’année sont principalement des équipementiers dans le secteur de la santé. Prenons l’exemple de Startorius Stedim Biotech, qui commercialise des équipements et des consommables à des laboratoires et des entreprises du secteur pharmaceutique.

C’est une période d’investissement et de production forte pour l’entreprise, avec augmentation du chiffre d’affaires en Chine. Autre exemple, BioMérieux qui propose des tests pour les laboratoires et les hôpitaux. Nouveauté cette année, le développement de nouveaux produits pour tester le Covid-19. Ces sociétés affichent respectivement des performances de 52 % et 46 % depuis le début de l’année.

Dans un autre secteur, nous retrouvons Euronext — groupe boursier paneuropéen — troisième contributeur avec une performance de 13,8 %. Cette bonne performance s’explique par la volatilité des marchés et l’augmentation des volumes et des transactions financières.

Contributeurs négatifs

D’autres sociétés n’ont pas les mêmes perspectives. C’est le cas notamment d’Alten, société de conseil en R&D externalisé, très impactée par la crise à cause de son secteur d’activité avec une dynamique commerciale amoindrie et des reports des projets. Son principal client, Airbus, souffre de l’arrêt de l’activité du secteur aérien.

Ancienne foncière des régions, la foncière Covivio a été très impactée par sa partie hôtelière. Covivio est propriétaire d’hôtels qu’elle loue à Accor. Le contrat de location stipule un partage du chiffre d’affaires selon le taux de remplissage des hôtels. Enfin, citons CGG, un équipementier pétrolier souffre de la chute des investissements des sociétés pétrolières.

Nos mouvements de ventes

En février, dès le début du confinement en Chine, nous avons vendu les valeurs qui étaient liées au tourisme chinois, comme Remy Cointreau dont la plupart des ventes se font grâce au travel retail. Cette valeur a par la suite publié des résultats sans surprise, en forte baisse sur le premier trimestre 2020.

La valeur Aéroport De Paris a aussi été liquidée. Dans la même veine, une importante partie du résultat provient également du travel retail, principalement des touristes chinois et américains. En mars, le travail d’allègement des entreprises au sein du secteur du tourisme a continué.

Elis, un blanchisseur industriel dont une grande partie du chiffre d’affaires provient des hôtels et restaurants, est sorti du portefeuille. Idem pour Pierre & vacances avec des vacances de pâques inexistantes pour cause de confinement. Le secteur du tourisme fait face à une perte d’activité non récupérable et avec un retour à la normale pas avant 2021.

Nous sommes allés plus loin dans notre analyse afin d’évaluer l’effet du confinement sur la croissance économique et sur les sociétés de notre portefeuille. Pour ces raisons, Akka technologie, acteur de la R&D externalisée a été vendue. Leur dernière publication montre une baisse de 9 % en croissance organique sur le premier trimestre 2020 et ils s’attendent à une baisse de 30 % au deuxième trimestre. 

Sopra Steria — acteur du conseil — et Amundi — société de gestion d’actifs — ont aussi été soldés. Nous pensons que les pertes subites par le secteur du conseil ne pourront pas être rattrapées rapidement et la baisse des encours, consécutive à la chute des marchés boursiers pénaliseront les résultats de sociétés de gestion.

Nos positions sur les achats

Une position sur Diasorin — un comparable de BioMérieux — a été initiée. Diasorin développe des tests capables de détecter les anticorps liés au coronavirus. Ces deux valeurs représentent 6 % du portefeuille.

Nous avons aussi investi dans Hellofresh, société de livraison d’ingrédients et de recette à domicile. Le confinement leur a permis d’acquérir des nouveaux clients et d’enregistrer une croissance de 40 % sur la période.

Nemetscheck — fournisseur de logiciel d’architecture — a été introduit. Les contrats sont réglementaires et la facturation est basée sur un abonnement, ce qui leur a permis de résister face à la crise. Enfin, Nexi — société italienne de paiement électronique — est entrée dans le portefeuille. Elle profite des augmentations des paiements électroniques.

Grandes thématiques qui résistent bien

  • Santé, longévité et dépendance : la santé, segment défensif, représente 30 % du portefeuille avec des valeurs comme Korian, Orpéa, Biomérieux et Diasorin. Les maisons de retraites profitent des tendances structurelles du vieillissement de la population et cette thématique résiste bien dans ce contexte. L’impact du confinement pour ces dernières se limite à un décalage de l’admission de nouveaux résidents ;
  • Cloud, e-commerce et paiement numérique, bouleversement structurel : le confinement a entraîné une prise de conscience de l’importance du e-commerce et donc des paiements électroniques. De plus, la transformation numérique devrait elle aussi s’accélérer avec le développement du télétravail, du cloud et de l’automatisation. Ces deux thématiques représentent chacune 12 % du portefeuille ;
  • Economie verte : Enfin, nous sommes présents depuis très longtemps sur la thématique de la transition énergétique et notamment la mobilité verte avec des valeurs comme Alstom, ainsi que les énergies vertes. Cette thématique — 9 % du portefeuille — devrait être soutenue par les plans de relances, qui sont favorables à une décarbonisation de l’économie.

Achevé de rédiger le 11/05/2020

Pour en savoir plus

Ré-écoutez la conférence d’Adil Kada du 06/05/2020 :

Adil Kada

Gérant du fonds Portzamparc Entrepreneurs chez Portzamparc Gestion

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